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Encadrer l’économie informelle, une nécessité pour le Burkina Faso

Les leçons retenues de la pandémie du Covid-19 pourraient être une opportunité pour les autorités burkinabè de mettre en place un encadrement légal en vue de donner aux travailleurs informels une place légitime dans l’économie du pays.

Selon Wiego Dashboard, le secteur informel pouvait représenter jusqu’à 80% d’un domaine d’activité. Accompagner ces petites entreprises dans leur cheminement vers une intégration à l’économie publique nationale serait donc une source additionnelle de croissance pour le Burkina Faso.

Un secteur complexe, mais porteur

Le récent ralentissement économique, voire l’arrêt de certaines activités, a engendré une perte d’emploi temporaire pour des milliers de personnes travaillant dans le secteur privé formel. Les travailleurs indépendants et autres opérateurs du secteur informel se sont retrouvés dans une situation plus précaire encore, frisant parfois la faillite personnelle. Seule une régularisation de leur situation leur permettrait de bénéficier d’une protection socio-économique, similaires aux employés du secteur formel.

Ce serait donc une hérésie de considérer que la croissance ne peut être soutenue que par le secteur formel, alors que celui-ci ne représente que 5 à 10 % de l’emploi (INSD, 2015, Enquête nationale sur l’emploi et le secteur informel). Bon nombre de grandes entreprises nationales sont issues à l’origine du secteur informel (Nana Industries, Velegda, Kanazoe, etc.). L’économie informelle est une composante indispensable de l’économie du Burkina Faso. Elle est également un vivier où se prépare en partie le secteur formel national de demain, notamment au travers de petits entrepreneurs innovants qui tendent à s’accroître rapidement.

Reconnaitre officiellement l’existence de l’économie informelle

La première étape consisterait à faire de l’économie informelle un sujet à part entière des politiques publiques, en reconnaissant officiellement son existence et en permettant de relayer la voix des « informels » dans les négociations avec l’État. Aujourd’hui, il existe des initiatives, comme le cas du Conseil national de l’Économie informelle du Burkina Faso (CNEI-BF), mais cela reste peu structuré.

Une objectivation plus assidue du secteur informel aurait plusieurs conséquences bénéfiques. En premier lieu, elle permettrait de supprimer cette frontière floue entre entreprises individuelles formelles et informelles. Ce manque de transparence crée une zone de non-droit propice aux arrangements illégaux et à la corruption. En second lieu, elle favoriserait sa prise en compte par la statistique publique, qui pourrait alors en assurer le suivi à travers la mise en place d’enquêtes publiques périodiques.

Au Burkina Faso, l’économie informelle fleurit en particulier dans les secteurs de l’agriculture et des mines. L’enquête de l’Institut national de la Statistique et de la Démographie (INSD) sur le secteur de l’orpaillage a estimé la production à 9,5 tonnes en 2016. Le secteur artisanal emploie près de 115 000 personnes et 25 000 indirectement, et engendre 231,9 milliards FCFA de revenus annuel. L’activité minière informelle est répartie sur l’ensemble du territoire avec une production plus importante au Sud-ouest et au Nord. En dépit des quantités produites, le secteur artisanal a eu un impact comptable nul au budget de l’État. Pour permettre une transition efficace, des échantillons tirés de ces deux secteurs clés pourraient être identifiés et ainsi définir une première version pilote.

Simplifier et rapprocher les services publics au plus près des bénéficiaires

Des structures locales directement rattachées au ministère de l’Agriculture, à celui du Commerce ou encore au ministère de l’Économie devraient être mises en place pour servir de point de liaison entre les acteurs du secteur, la Direction générale des Impôts et le ministère. Toutes les formalités administratives d’enregistrement pourraient être simplifiées afin d’accompagner les entreprises informelles à une meilleure inclusion dans l’économie, sur le modèle des guichets uniques ouverts au Maroc ou encore au Sénégal. L’État pourrait confier le suivi et la gestion de ces structures aux différentes collectivités territoriales et une action conjointe entre l’État et l’institution financière ainsi qu’une mission d’audit bimensuelle permettraient de mieux les accompagner.

Développer l’accès à l’emprunt

Le dernier rapport de la BCEAO paru en juillet 2019 sur l’évolution des indicateurs de suivi de l’inclusion financière sur l’année 2018 au Burkina Faso fait état d’un taux de bancarisation strict (TBS) de 21,28 %, un faible taux qui pourrait évoluer avec la formalisation des activités informelles. Les agents du secteur informel font face à des difficultés d’emprunt. Pour permettre de pallier ces difficultés de financement, l’État pourrait mettre en place une loi fixant le taux d’emprunt de ces acteurs uniquement dans le cadre de leur activité et si elles sont agrémentées ou suivies par la structure locale. L’État burkinabè pourrait ainsi se porter garant afin que ces acteurs puissent bénéficier de prêt à des taux préférentiels.

Accompagner les opérateurs du secteur informel

L’État pourrait également mettre aux services des opérateurs du secteur informel, les outils existants, déjà mis à disposition des microentreprises, permettant d’accompagner la régularisation du secteur, mais aussi garantir la productivité et la croissance de ces structures issues du secteur informel. Ainsi, ces dernières pourraient avoir accès au micro-crédit, à des formations spécifiques à la comptabilité et au marketing, aux exonérations de taxes durant 2-3 ans, aux groupements et autres associations de producteurs. Elles pourraient alors avoir accès aux marchés – en particulier publics – et à l’information.

En ces temps d’incertitudes sanitaires et économiques et à l’aube d’une potentielle seconde vague de la pandémie, l’économie burkinabè a besoin de toutes ses forces vives pour faire face à la crise mondiale. Des solutions pour intégrer le secteur informel dans l’économie nationale pourraient rapidement être mises en place sans surcoût excessif puisque les dispositifs sont pour la plupart préexistants. Enfin, il serait plus que judicieux de s’atteler à la tâche et profiter de cette période de flottement économique pour poser les bases d’une économie saine.

Isaac Gouene

Spécialiste en économie et en finance des marchés

Source : lefaso.net

Faso24

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