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Orchestre « Les colombes de la révolution » : Fatoumata Diallo N° 2 et Aoua Congo racontent la nostalgie de l’époque

La révolution d’août 1983, elles ne l’ont pas vécue seulement. Elles ont activement participé à la mise en œuvre des idéaux du capitaine Thomas Sankara à travers la musique. Elles étaient toutes des « colombes de la révolution » dans l’orchestre éponyme. Elles, ce sont Fatoumata Diallo et Aoua Congo. Au cours d’une interview qu’elles nous ont accordée, les anciennes artistes racontent la nostalgie de l’époque. Elles se prononcent également sur la fin prématurée de la révolution. Entretien !

Lefaso : Présentez-vous aux lecteurs et internautes de Lefaso.net

Fatoumata Diallo  : Je suis Diallo Fatoumata à l’état civil épouse madame Gadiaga. Je suis professeure de Français, ayant mangé la craie comme on le dit dans notre jargon pendant 32 ans. Depuis 2015, je suis à la direction culturelle et sportive de l’éducation MENA-PLN. Je chapeaute le service des activités culturelles et loisirs.

Dr Aoua Carole Congo  : Je suis Dr Aoua Carole CONGO. J’étais plus connue sous le prénom Eve car, avant les Colombes, je co-animais, avec feu François Xavier Sanou et feue Dédé Zerbo (paix à leurs âmes), une émission à la radio nationale : « les champions du rire ». Nous recevions chaque semaine du courrier papier des auditeurs de toutes les régions du Burkina Faso qui nous proposaient des blagues à partager et aussi des appels en direct au cours de l’émission. Sous ce prénom, j’avais aussi intégré la troupe de théâtre radiophonique, le temps d’une pièce : « La Tomate ». Au cours de l’année scolaire 1983-1984 j’ai dû abandonner le théâtre pour continuer la musique et mes études car j’étais en terminale. Je travaille présentement au Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation (MESRSI) comme chercheure.

Comment êtes-vous arrivées aux colombes de la révolution ?

Fatoumata Diallo  :

Vraiment je ne saurais répondre exactement à cette question parce que c’est par hasard. J’ai appris qu’il y avait un casting pour le recrutement de jeunes filles pour un orchestre. J’y suis allé, c’était dans l’enceinte de la gendarmerie nationale. J’ai fait le casting et j’ai été retenue. Au niveau du casting, il fallait essayer les instruments. On vous donnait des sons à reproduire, vous reproduisez. Maintenant, les Cissé (Abdoulaye Cissé) qui étaient là-bas comme les moniteurs, ils choisissaient les meilleures. Dieu merci, j’ai été retenue. Je suis venue comme ça à la musique.

Dr Aoua Carole Congo  : J’ai rejoint les Colombes de la Révolution après un test de sélection. Le test a été lancé par la voix des ondes (Radio Haute Volta) et j’en ai parlé à mes parents qui n’ont pas vu d’inconvénient à mon engagement. Je me suis inscrite et j’ai réussi au test.

Quel rôle jouiez-vous dans l’orchestre ?

Fatoumata Diallo : J’étais chef d’orchestre. J’étais au départ à la guitare accompagnement, puis après, j’ai été guitariste-chanteuse. En fin 2006 début 2007, j’ai dû raccrocher avec l’orchestre. Il y a eu des petits couacs entre certains encadreurs et moi et j’ai dû arrêter. En même temps, étant avec Fatou Diallo mon homonyme, nous étions deux Fatou Diallo. Moi j’étais Fatou Diallo N2 et elle N1. Elle avait fait une formation qui n’avait pas marché. Moi je suis venue en deuxième position. Nous étions les deux ainées de l’orchestre, les deux grandes sœurs, les deux conseillères. Dieu merci, je pense que nous avons bien rempli ce rôle. Tout au long de cette étape de notre vie, c’était vraiment la symbiose, c’était l’enthousiasme, c’était la bonne entente dans le groupe. Tout s’est bien passé parce qu’il y a eu des gens qui ont pu se faire comprendre, qui ont pu faire régner l’harmonie. C’est pourquoi tout allait bien.

Dr Aoua Carole Congo :

Au sein de l’orchestre, j’étais percussionniste et choriste. Je jouais de la toumba et j’assurais le chœur. Sous le leadership de notre chef d’orchestre, Fatou Diallo N°2, nous étions soudées et toujours prêtes pour aller sur le terrain, là où le devoir nous attendait.

Quels souvenirs gardez-vous de la révolution ?

Fatouma Diallo : Le souvenir que je garde de la révolution, c’est un souvenir très édifiant, très édifiant à plusieurs niveaux. D’abord au niveau de la relation avec l’autorité. Avec le pouvoir, on avait une telle relation avec le camarade président SANKARA que quand vous veniez nous trouvez ensemble entrain de causer, de discuter, si vous ne savez pas qu’il s’agit du président, vous n’allez jamais vous dire que c’est un président devant vous. Il avait totalement démystifié le pouvoir, il avait démystifié l’homme. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas le respect.

Au contraire, le respect était plus renforcé. On a eu cette situation où on n’avait plus peur de l’autorité. On respectait l’autorité mais on savait que derrière lui, il y avait un homme, c’était quelqu’un qui comprenait. Cela a fait que jusqu’à présent aujourd’hui, l’autorité ne me mystifie pas. Devant qui que ce soit, je me dis d’abord, c’est un homme, c’est une femme qui est derrière. J’ai le contact facile avec la personne à tous les niveaux.

Ensuite, notre relation avec le peuple. Vous savez qu’on a beaucoup tourné en Afrique, en Occident ou à l’intérieur du pays. Chaque fois, nous avons découvert un public chaleureux, un public enthousiaste. Cela m’a beaucoup aidé dans mes relations parce que cela a permis que partout où je vais aujourd’hui, j’ai le contact facile. Je vais facilement vers l’autre, je comprends facilement l’autre parce que tout simplement au moment de la révolution avec l’orchestre, on était disposé, on était ouvert, on était vraiment porté vers l’autre. Sur le plan humain et entre nous-mêmes, le président avait su institué je ne sais comment, il avait su faire de sorte qu’au niveau du groupe, nous étions une famille, une vrai famille au sens plein du mot. Il y avait des petits chichis mais nous nous comprenions très bien. Cela a fait que franchement, le groupe était soudé. Il y avait une complicité entre nous. C’est pourquoi ça a réussi, bien sûr avec le bras de fer du président Sankara qui était derrière. Nous étions condamnés à réussir. Dieu merci nous avons réussi.

Dr Aoua Carole Congo  : Je garde de très bons souvenirs des deux groupes, nos petits frères, « Les petits chanteurs au poing levé », et notre groupe de colombes mais aussi de nos encadreurs qui nous ont beaucoup appris : Abdoulaye Cissé, Maurice Simporé, Alain Kindo, François Tapsoba, Henri Yoni, Robert Batchoudi, Mimilé, Dim Jérémie … de grands noms de la musique burkinabè. Certains ne sont plus de ce monde mais ils restent vivants dans ma mémoire. Collectivement, les Colombes étaient porteuses du message révolutionnaire. Nous avions de même pour impératif de valoriser la culture burkinabè par la musique, aussi bien dans notre pays qu’en Afrique et dans le monde.

Comment vous avez vécu la fin de la révolution ?

Fatouma Diallo  : Cette fin de la révolution, c’était pour moi un choc, un désastre, j’allais dire un trou noir auquel je ne veux même plus y penser. La fin de la révolution, c’était un trou noir, c’est tout.

Dr Aoua Carole Congo : Assez difficilement … J’ai personnellement eu du mal à réaliser que ce qui était arrivé pouvait l’être et l’est.



Comment voyez-vous l’étape de la révolution ?

Fatouma Diallo : Ces quatre ans de révolution au Burkina, c’était une étape nécessaire, une étape incontournable pour notre pays, la Haute-Volta de l’époque. La Haute-Volta était devenue comme une grande maison sans chef, sans papa. N’importe qui rentrait, faisait ce qu’il veut, sort, dépose ce qu’il veut, s’en va et vient prendre ce qu’il veut. Donc, il fallait un nouveau papa qui puisse mettre de l’ordre dans cette maison, qui puisse réaménager cette maison pour qu’elle soit une vraie maison. Comme on dit qu’on ne peut pas faire d’omelettes sans casser les œufs, il fallait casser les œufs et pour les casser, il fallait un fou qui accepte de se sacrifier. Vous savez, les grands hommes, ils n’ont pas longue vie et ils le savent. Ils sont là pour se sacrifier pour le devenir, le bien de leur nation.

C’est ainsi que la révolution est arrivée avec sa fougue, le camarade Sankara, qui savait qu’il était condamné et qui a accepté donc de faire ce recadrage dans toutes ses étapes à savoir sur le plan social, sur le plan politique, sur le plan économique, à tous les niveaux. C’était nécessaire. C’était peut-être un mal avec grand « M » mais il le fallait. Ces quatre ans de révolution, c’était des quatre ans nécessaires. Ça eu lieu et Dieu merci, cela a préparé donc le terrain pour permettre une meilleure évolution de notre société burkinabè. S’il il n’y avait pas eu l’étape de la révolution, je ne suis pas sûre que aujourd’hui, le Burkina Faso serait ce qu’il est.

Dr Aoua Carole Congo : Pour moi, les quatre ans de Révolution que le Faso a vécus ont été des années déterminantes pour notre pays. C’était des années de lutte pour accélérer le développement. Beaucoup se souviennent encore des travaux d’intérêt commun, de la bataille du rail, de la valorisation du Faso Dan Fani et j’en passe. C’était des années de sacrifice de soi pour tous, y compris ceux qui ne voulaient pas de la Révolution. C’était des années au cours desquelles le Burkina Faso, pays sous-développé a eu une notoriété internationale en se faisant entendre dans de grandes tribunes du monde. La majorité de la jeunesse d’alors a adhéré à la vision de développement participatif, inclusif et durable du Président Thomas SANKARA, avec beaucoup d’espoir.

Lefaso.net

Source : lefaso.net

Faso24

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