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Politique : « Les femmes du Burkina sont engagées pour un changement de leurs conditions », selon Martine Yabré

Pour la présidentielle de 2020, Yéli Monique Kam, 47 ans, est candidate après Saran Séré Sérémé en 2015. En 2014, Joséphine Ouédraogo a été candidate à la présidence de la Transition. Ainsi, plusieurs femmes au Burkina sont désormais décidées à aller à la conquête de Kosyam, au-delà de toutes entraves. Pourquoi les femmes rencontrent-elles autant de problèmes à s’affirmer en politique ? Lefaso.net a posé quelques questions à Martine Yabré. Elle est la coordonnatrice pays de l’Union africaine (UA) des ONG de développement, porte-parole du comité de suivi pour la mise en œuvre de la loi sur le quota genre au Burkina Faso et coordonnatrice du cadre de concertation des organisations intervenant sur le genre et la participation citoyenne des femmes au Burkina Faso.

Lefaso.net : Quelle est votre analyse de la percée politique de la femme burkinabè ?

Dans le cadre du Burkina, nous travaillons essentiellement sur les questions de participation politique des femmes et spécifiquement sur l’accroissement de leur effectif dans les instances de décision aussi bien au niveau électif que nominatif.

Malheureusement, le Burkina, à l’instar d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest, piétine en ce qui concerne la responsabilisation des femmes. On se souvient qu’en février 2019, il y a eu l’organisation du forum national sur l’autonomisation et la responsabilisation des femmes qui a été tenu par l’Assemblée nationale et qui a mobilisé plus de dix mille participantes venues de tous les coins du Burkina Faso, pour ne pas dire toutes les 45 provinces du Burkina.

Lors du forum, il y a eu d’excellentes propositions, qui n’ont pas connu d’aboutissement en termes de mise en œuvre malheureusement. On retiendra que le Burkina pour marquer sa façon de promouvoir la femme dans les instances électives a voulu en 2009 adopter la loi sur le quota qu’on avait intitulé la loi 010 /2009/AN portant fixation de quota aux élections législatives et municipales au Burkina Faso.

Cette loi prônait l’alignement simple de 30% de l’un et l’autre sexe sur les listes de candidatures. Malheureusement après trois applications, durant une décennie de 2009 à 2019, nous nous sommes rendues compte que les insuffisances liées à sa mise en œuvre n’ont pas permis d’atteindre les objectifs escomptés. Ce qui fait qu’il y a eu comme une régression au niveau de l’Assemblée nationale.

Le pourcentage de femmes députées par exemple

Même si nous convenons qu’on ne peut pas tailler sur mesure la loi pour un sexe donné et compte tenu du fait qu’elle doit rester universelle, on retiendra quand même, que des engagements internationaux ont été pris par le Burkina Faso, au niveau international notamment avec la ratification de la convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard de la femme.

Le Burkina devait quand même prendre des mesures beaucoup plus discriminatoires et positives pour pouvoir permettre que la représentation minimale qui est souhaitée (pour tout sexe, toute composante soit de 30% minimum pour influencer toute décision) soit effective. Jusque-là, que ce soit au niveau des Conseils municipaux, de l’Assemblée nationale, du gouvernement et des autres structures en dehors des postes de gouverneurs où il y a une relative augmentation ; à ce niveau il y a un respect des 30% généralement.

Y a-t-il des raisons de satisfactions ?

Pour tout le reste, je pense qu’il y a un effort à fournir. Qu’à cela ne tienne, on pourrait se satisfaire de l’engagement des femmes burkinabè. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que les femmes du Burkina Faso ne sont pas engagées sur le terrain politique. Les femmes du Burkina sont effectivement engagées pour un changement de leurs conditions, une amélioration de leur situation, encore faudrait-il que la volonté politique puisse accompagner cet engagement. Nous nous sommes un peu insurgées avec la relecture de la loi de 2009, qui aujourd’hui dans sa nouvelle version garantit uniquement, je dis bien uniquement, le type de positionnement sans pour autant contraindre les partis aux respects de ladite loi.

Pour dire qu’aujourd’hui, tout parti politique peut décider d’ignorer royalement la loi sur le quota parce qu’il n’y a aucune sanction coercitive. Donc c’est laisser à la volonté de tout parti politique et cela interpelle les femmes que nous sommes à nous engager davantage, à redoubler de vigilance dans la surveillance des processus électoraux, dans la solidarité féminine et aussi dans l’amélioration de la qualité de notre engagement, car c’est assez important que nous puissions nous renforcer en matière de culture politique. Voici un peu ce qu’on pourrait dire de l’engagement des femmes aux Burkina.

Quels sont vos défis de 2020 en faveur des femmes ?

En ce qui concerne les élections du 22 novembre 2020 couplées présidentielle et législatives, notre cadre de concertation ambitionne la formation d’au moins 600 femmes candidates selon des critères bien définis avec l’appui de partenaires techniques et financiers. Nous venons de signer une convention qui nous permet d’assurer au moins ce volet de renforcement des capacités. En plus de la formation que nous pouvons donner aux femmes, y a bien d’autres acteurs qui y contribuent à leur manière ; ce serait quand même bien qu’il y ait un respect des engagements politiques qui ont déjà été pris.

Ces engagements devraient accompagner les femmes engagées en politique pour la période. C’est le cas d’un des points de consensus du dialogue politique tenu du 15 au 22 juillet 2019 qui portait sur la prise de mesures d’accompagnement pour les femmes engagées en politique. Et cela interpelle la responsabilité historique du chef de l’État et des co-présidents du dialogue politique que sont le président Simon Compaoré et le chef de file de l’opposition politique, Zéphirin Diabré.

Du 17 au 23 septembre 2020, c’était le dépôt de listes de candidature pour les élections législatives au Burkina Faso. Nous avons eu la chance d’observer ce processus et personnellement j’ai quitté les lieux autour de 1h30 du matin, il y avait de l’affluence. C’est dommage que ce soit toujours à la dernière minute que les partis viennent intervenir. Aussi ce qui était déplorable c’est que je n’ai pas vu suffisamment de femmes de partis politiques s’intéresser aux suivis des listes de candidatures, quand on sait que souvent il peut avoir des changements de dernière minute lors des dépôts de liste. On en a vu par le passé et ce n’est pas exclu que ça se répète. Cela pourrait peut-être expliquer qu’il y a un certain nombre d’obstacles qui sont lié à des besoins.

Propos recueillis par Edouard Samboé

Sarah Kaboré (stagiaire)

Lefaso.net

Source : lefaso.net

Faso24

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