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L’acteur de James Bond, Sir Sean Connery est mort

On l’appelait Bond. James Bond. Il n’était pourtant pas le seul à avoir porté ce nom, et il en avait porté bien d’autres : épiques (le roi Arthur, Robin des bois et Richard Cœur de Lion), célèbres (William Forrester, Guillaume de Baskerville et Henry Jones), parfois maudits (Zed dans le désastreux Zardoz, Allan Quatermain dans La Ligue des Gentlemen extraordinaires). Mais s’il n’en restait qu’un, ce serait celui de son premier grand rôle : James Bond, l’agent secret 007 au service secret de Sa Majesté d’Angleterre.

Après un demi-siècle sur les écrans, Sean Connery est mort, a annoncé sa famille à la BBC, samedi 31 octobre. Il avait 90 ans. Il était né le 25 août 1930 à Edimbourg, capitale de l’Ecosse. De cette mère-patrie, il était fier au point d’arborer le kilt en toute occasion propice (même lors de son anoblissement par Elizabeth II, en 2000, occasion que la presse britannique s’accorda à trouver non propice), d’intituler son autobiographie Being A Scot (Etre écossais), et de conserver imperturbablement son accent caractéristique, même lorsqu’il jouait un personnage d’une autre nationalité.

Fils d’une femme de ménage et d’un ouvrier, il claque tôt la porte de l’école et s’essaye à des métiers divers : livreur de lait, maçon, modèle pour l’Ecole des beaux-arts, vendeur de voitures d’occasion, maître-nageur… Il exerce même la profession exotique de vernisseur de cercueils. « J’ai fréquenté tellement de secteurs différents que c’en est une plaisanterie. Et aucun d’eux ne me convenait le moins du monde », confiait-il au journaliste Roger Ebert sur le tournage des Incorruptibles de Brian De Palma, en 1986.

Un succès fulgurant

Après un passage de trois ans dans la marine, il travaille assidûment à sa carrière… sportive : excellent footballeur, il s’adonne au culturisme et (selon son site officiel, mais l’information est régulièrement mise en doute) aurait atteint la troisième marche du podium de Mr. Univers en 1950. Il commence alors à apparaître sur scène et à l’écran. Des rôles de figuration d’abord, que sa stature élégante lui permet de gagner aisément.

La gloire se fait attendre, mais il refuse la carrière de footballeur professionnel qu’on lui propose. Ce n’est qu’au bout de longues années d’acharnement qu’il décroche ses premiers vrais rôles, avec Les Criminels de Londres, puis Je pleure mon amour (Another Time, Another Place), dans lequel il donne la réplique à la belle Lana Turner. Nous sommes en 1958, on découvre un jeune homme de 28 ans dont la belle voix grave tempère le jeu un peu tâtonnant, tout en effets de sourcils – qu’il a alors foisonnants.

C’est en regardant « Darby O’Gill et les farfadets », une production Disney peuplée de lutins et mal accueillie, que Albert R. Broccoli découvre son futur 007

Il lui faudra patienter encore pour connaître le succès, qui sera fulgurant, autant que l’attente en a été longue. En 1961, le producteur Albert R. Broccoli veut adapter les romans à succès que Ian Fleming, ex-recrue des services secrets britanniques, consacre à un espion fictif nommé James Bond. Après avoir envisagé des noms illustres (Cary Grant, James Mason, Richard Burton…), c’est finalement en regardant Darby O’Gill et les farfadets, une production Disney peuplée de lutins et mal accueillie, que Broccoli découvre son futur 007, en chemise et maniant la faux, un hymne campagnard aux lèvres.

James Bond 007 contre Dr No sort le 6 octobre 1962 en Angleterre, et les recettes promettent au producteur la saga dont il rêve. Un phénomène est né, miroir fidèle des désirs du public de ces années 1960, et de sa soif de légèreté : action, dépaysement, divertissement, Ursula Andress en bikini blanc, naissant comme Vénus hors de l’onde.

Séducteur

Y naît surtout le mâle moderne, que les hommes rêvent d’être et les femmes d’avoir : as de la réplique assassine mais peu bavard, jouant savamment du sourcil – qu’il a su élaguer –, séducteur, mais jamais vraiment rustre, bien habillé, toujours, et toujours élégant, même pendant la bagarre. Sportif, en somme, dans le sens chic du terme. Le cinéma, qui adaptait depuis les années 1930 les aventures d’Arsène Lupin « gentleman cambrioleur », vient de trouver son « gentleman espion ».

Sean Connery jouera Bond dans sept films, de 1962 à 1983. Lorsque sort On ne vit que deux fois, en 1967, il a 37 ans, et décide de renoncer au rôle, le temps pour George Lazenby d’une unique prestation. Puis Sean Connery revient à Bond en 1971 dans Les diamants sont éternels, avant de partir à nouveau, laissant la place à Roger Moore. Dans une interview de 1972, il raconte : « J’ai voulu me retirer après l’avoir joué cinq fois, et je n’ai tourné Les diamants sont éternels que parce qu’il pouvait me rapporter 1 million de dollars pour le Fonds écossais pour l’éducation. » Mais en 1983, il revient à Bond encore, pour Jamais plus jamais, un épisode non officiel de la saga.

Comment comprendre ces allées et venues ? Plusieurs hypothèses se confrontent, et le discours de l’acteur lui-même a pu varier : il était trop âgé (Roger Moore, son aîné de trois ans, jouera pourtant 007 jusqu’à ses 58 ans), trop las des intrigues répétitives, trop prisonnier des tournages rapprochés et désireux de ne pas s’enfermer dans le rôle… La carrière qu’il poursuit en parallèle de ses jeux d’espion ne laisse pourtant rien à désirer. Il y reste un homme à femmes.

Dirigé par Alfred Hitchcock, il mène l’enquête sur une blonde au passé trouble, jouée par Tippi Hedren, dans Pas de printemps pour Marnie (1964). La même année, dans La Femme de paille, il fait d’une brune envoûtante (Gina Lollobrigida) la veuve noire idéale pour son vieil oncle. Puis c’est une comédie, L’Homme à la tête fêlée (1966), dans laquelle il devient fou pour rire, assailli par toutes les femmes, les blondes (Joanne Woodward), les brunes (Jean Seberg). Enfin Edward Dmytryk l’entraîne sur les terres du western avec Shalako (1968), où il sauve une blonde aux cheveux fous (Brigitte Bardot) d’Apaches vindicatifs.

« Je ne pense pas qu’il ait beaucoup évolué en tant qu’acteur. C’est plutôt l’opinion qui s’est enfin mise à la mesure de ce qu’il peut faire », disait Sidney Lumet à propos de Sean Connery

Sean Connery collabore avec le réalisateur américain Sidney Lumet à cinq reprises, dont le controversé The Offence, en 1972. Dans la peau du sergent Johnson, enquêteur épuisé par les longues années de service sur les traces d’un violeur de petites filles, il offre une performance glaçante. Le film est si noir qu’il sera interdit dans plusieurs pays et n’apparaîtra sur les écrans français qu’en 2007, après trente-cinq ans de purgatoire. L’une des raisons les plus souvent avancées pour expliquer cette censure est que la performance radicale de Sean Connery aurait pu nuire à la carrière étincelante de son plus célèbre avatar… l’agent secret James Bond.

« Il est presque impossible de tenter d’effacer l’image de Bond », observait Sean Connery dans une interview de 1989. S’il est loin d’avoir connu le sort d’un Mark Hamill (le Luke Skywalker de Star Wars, qui continua de tourner beaucoup après la saga, mais ne parvint jamais à revenir sur le devant de la scène), il n’en est peut-être pas passé loin. On peine souvent à se rappeler que c’était lui qui donnait la réplique à Tippi Hedren dans Pas de printemps pour Marnie. Et qui se souvient aujourd’hui, malgré son acharnement à le répéter, qu’il a joué au théâtre, et tenu en 1961 le rôle de Macbeth pour la télévision canadienne ?

En 1993, Vanity Fair retranscrivait pour un portrait de l’acteur cette analyse de Sidney Lumet : « Je ne pense pas qu’il ait beaucoup évolué en tant qu’acteur. C’est plutôt l’opinion qui s’est enfin mise à la mesure de ce qu’il peut faire. J’ai toujours su de quoi il était capable. John Huston, quand il l’a engagé pour L’Homme qui voulut être roi, le savait également. Sean a toujours su jouer comme un géant. Mais c’est seulement dans les dix ou quinze dernières années que les gens ont commencé à dire : “Ça alors ! Il sait jouer !” »

Un Oscar pour un second rôle

Il y a bien deux identités derrière son nom : James Bond, et Sean Connery vieux. 007 semble avoir absorbé sa jeunesse. Sourcils noirs et barbe blanche, calvitie assumée (il portait la perruque dès Dr. No), toujours séduisant, mais plus Bond : dès L’Homme qui voulut être roi, en 1975, Sean Connery est frappé de vieillesse. Il a 45 ans. Peut-être vieillir était-il sa seule voie de salut.

« J’aimerais devenir un vieil homme avec une belle tête. Comme Hitchcock. Ou Picasso. Ils ont travaillé dur toute leur vie, mais ils ne montrent aucune lassitude », avait confié Sean Connery à 34 ans

Cette gueule cinégénique post-Bond, on la retrouve presque à l’identique pour ses rôles les plus populaires, du milieu des seventies jusqu’au début des années 2000 : Le Lion et le Vent, Un pont trop loin, Highlander, Indiana Jones et la dernière croisade, A la poursuite d’Octobre rouge… C’est un Sean Connery blanchi qui reçoit en 1986 un British Academy Film Award pour son rôle de Guillaume de Baskerville dans Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud, et son seul Oscar, celui du meilleur acteur dans un second rôle, assorti d’un Golden Globe, pour Les Incorruptibles, en 1987.

Après un demi-siècle de carrière, le passage au nouveau millénaire sera le seuil de trop. Toujours fringant à 69 ans face à Catherine Zeta-Jones dans Haute voltige de John Amiel (1999), plus à l’aise que jamais dans sa posture fétiche de pygmalion en 2001 dans A la rencontre de Forrester de Gus Van Sant, il refuse les rôles de Morpheus dans Matrix et de Gandalf dans Le Seigneur des anneaux, mais signe pour celui d’Allan Quatermain dans La Ligue des Gentlemen extraordinaires de Stephen Norrington, adaptation à gros budget du célèbre comic d’Alan Moore.

Le film est un succès commercial, mais un carnage critique. Sean Connery n’en avait pas attendu la sortie pour inaugurer une retraite méritée. Les mauvaises langues se plurent à rappeler que Forrester aurait fait un testament avec plus de panache. Mais ces dernières semblent être restées tout au long de cette carrière bien remplie le cadet des soucis de Sean Connery.

A 34 ans, il déclarait au journaliste du Saturday Evening Post qui l’interrogeait sur ses ambitions : « Plus que tout, j’aimerais devenir un vieil homme avec une belle tête. Comme Hitchcock. Ou Picasso. Ils ont travaillé dur toute leur vie, mais ils ne montrent aucune lassitude. Ils n’ont pas perdu un seul jour avec toutes ces absurdités qui peuvent envahir une existence. Ils savent que la vie est plus qu’un stupide concours de popularité. » N’en déplaise à cet agaçant jouvenceau qu’est toujours 007, Sean Connery a parfaitement réussi.

Sean Connery en quelques dates

25 août 1930 : Naissance à Edimbourg (Ecosse)

1958 : « Je pleure mon amour »

1962 : « James Bond 007 contre Dr No »

1964 : « Pas de printemps pour Marnie »

1972 : « The Offence »

1975 : « Le Lion et le Vent »

1989 : « Indiana Jones et la dernière croisade »

1999 : « Haute voltige »

2001 : « A la rencontre de Forrester »

2003 : « La Ligue des Gentlemen extraordinaires »

2020 : Mort à l’âge de 90 ans

Source : Camerounweb.com

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