Des jours après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle américaine, le président sortant Donald Trump refuse sa défaite et continue a revendiqué la victoire. Il nous rappelle de mauvais souvenirs chez nous et examinons les bien.
L’Amérique (entendez les États-Unis) est un pays de rêves, où tout est possible, et beaucoup encore la voient comme une terre promise. Un pays où coulent le lait et le miel, où l’or se ramasse en barres. Naturellement, c’est un pays où tout est beau, tout est neuf et ses dirigeants sont les meilleurs du monde.
Les Américains ne cessent de donner des leçons au reste du monde : sur l’économie, la politique, les arts, etc. Ils ont réussi à faire admettre que la meilleure façon de vivre c’est l’american way of life. L’Europe, la première, a rendu les armes et veut que les autres continents Asie, Afrique rentrent dans ce monde merveilleux de Disney, où on mange au MacDo, on boit Coca, danse le moon walk et l’on a un régime démocratique.
Il n’y a pas longtemps, le « frère d’Amérique » nous disait qu’il était bon pour nous d’avoir des institutions fortes que des hommes forts. Il avait raison Obama, mais que fait son successeur ? S’il est américain, Donald Trump il a dû être Africain dans une autre vie. Il est des nôtres, celui-là, il agit et gouverne comme nos chefs. Depuis que les tendances fortes indiquaient sa défaite, il n’a cessé d’agir comme un chef d’État de ces « pays de merde » dont il ne veut pas de leurs ressortissants aux États-Unis, refusant de concéder sa défaite, promettant de se battre pour sa victoire.
La défaite, ne jamais reconnaître
L’Amérique a vanté au monde son modèle démocratique, et il en est resté bouche bée devant ces Américains qui gagnaient et perdaient, et tous acceptaient le jeu et se congratulaient mutuellement pour la victoire du peuple, la victoire de la démocratie. Eh bien, c’était le passé, c’était du temps de la glorieuse Amérique.
Aucun président n’avait refusé sa défaite électorale ; tous les challengers s’étaient inclinés devant le résultat des urnes, devant la voix du peuple américain.
Et cela mettait fin pacifiquement à la bataille électorale qui fait partie du jeu démocratique. Le transfert pacifique du pouvoir était la marque de fabrique de la démocratie américaine. Mais il semble que même le pire peut advenir dans le meilleur des mondes possibles et l’Amérique a voté un milliardaire comme président et ce dernier ne s’avoue pas vaincu.
C’est chez nous que l’on voyait et que l’on voit des images du vote qui crée le chaos. Trump va-t-il plonger l’Amérique dans une démocratie bananière ? L’attente du décompte des voix nous le dira ? Il annonce des recours à la justice, mais acceptera-t-il, s’il perd en justice ? Il est peu probable qu’il soit suivi par les responsables du parti républicain, mais si le vote ne règle pas la dévolution du pouvoir alors tous les moyens sont permis comme certains pays africains l’ont expérimenté par la violence.
Avec Donald Trump, celui qui voulait redorer le blason de son pays (make America great again), les élections au pays de l’oncle Sam se déroulent comme si on était en Afrique. On n’attend pas la proclamation officielle des résultats, on crie victoire avant. Eh oui, on est juge et partie. On n’a pas confiance dans le processus et Trump n’a pas l’excuse des opposants africains qui refusent les règles du parti au pouvoir. Tout le monde a en mémoire ces élections de la honte qui ont fait des milliers de morts.
On gagne ou on gagne
Voilà un slogan africain que Trump et ses partisans ont appliqué. Lors du décompte des voix dans l’État de Pennsylvanie quand Trump était en tête, ils exigeaient l’arrêt du comptage des bulletins envoyés par le poste qui faisaient remonter son challenger démocrate. Dans un autre État où c’est Biden qui menait, ils étaient favorables au décompte jusqu’à la fin car chaque voix compte. L’Amérique était plus grande avant et sa démocratie aussi. Elle ne nous a pas habitués à ces comportements.
Le pasteur pour conjurer la défaite
Ce coup est un juste retour des choses. Si certains chefs d’États africains ont eu des pasteurs attitrés qui priaient pour eux, ils ont emprunté à l’Amérique cet usage des religieux évangélistes. Nos populations ne les appellent-ils pas les « merica », pour américains ? Comme à Abidjan, à la Maison blanche on a chassé les démons voleurs de victoire avec la télévangéliste Paula White.
Ce film on l’a déjà vu, ce n’est pas une production hollywoodienne, c’est bien de chez nous. C’est une maigre consolation de voir que l’Afrique n’est plus seule dans les conflits électoraux, et que l’Amérique nous a rejoint dans le manque de fair-play électoral. Les États-Unis d’Amérique jusque-là étaient le modèle démocratique vanté par tous les observateurs et chercheurs reconnus.
Le président omniscient
En matière de président omniscient, l’Afrique n’a pas son pareil. L’ancien dictateur gambien Yaya Jammeh prétendait soigner le sida par une de ses inventions. Plus près dans le temps, le jeune président malgache a proposé un Covid organique pour soigner la maladie du corona virus parce qu’une voyante extra lucide lui aurait prédit qu’il sauvera le monde. Trump n’était pas en reste, il proposait des injections d’eau de javel. Face à la levée de boucliers, il a mis cela sur le dos de la plaisanterie.
Trump est battu, mais il refuse de l’admettre. Les États-Unis ne sont quand même pas l’Afrique, on peut espérer que les seuls dommages seront au niveau de l’image du pays et qu’il n’y aura pas de mort d’hommes. Ce qui est sûr, il aura été un président qui a divisé son pays en dressant les populations les unes contre les autres. Il a mis le mépris des étrangers comme une valeur suprême en faisant d’eux des boucs émissaires responsables de tous les maux de l’Amérique, qui a du mal à tenir la concurrence avec la Chine qu’elle a aidée à se construire, en faisant d’elle l’usine du monde au détriment de la classe ouvrière américaine.
Trump en homme d’argent a gouverné sans égard pour les plus pauvres et a essayé de détricoter ce que ses prédécesseurs ont fait pour eux comme l’assurance maladie. Le phénomène Trump est le signe que le monde va mal et que la démocratie, qui « ne va pas de soi », est menacée partout. Il faut la défendre tout le temps, car être citoyen veut dire se battre pour la démocratie, la liberté et la justice.
Sana Guy
Lefaso.net
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