L’approche de la situation sécuritaire par le candidat du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès, ex-parti au pouvoir), Eddie Komboïgo, suscite des interrogations dans les rangs du parti au pouvoir, le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès). C’est ce qu’on peut résumer de cette réaction du député MPP, Mamata Tiendrébéogo, par ailleurs membre du bureau exécutif national de ce parti, parvenue à notre rédaction.
La campagne électorale bat son plein au Burkina et plus les jours avancent, plus se précisent les intentions et grilles d’analyse des différents candidats. Rien d’étonnant qu’il y ait des joutes orageuses, des piques à la limite de la décence entre les candidats, le contraire aurait été anormal dans une compétition de si grand enjeu !
Cependant, une chose retient l’attention : la manière dont la question terroriste est traitée par les uns et les autres. La sensibilité de cette problématique est suffisamment lourde pour passer inaperçue.
On peut comprendre que les débats fassent rage sur cette question et que les approches et solutions avancées par les acteurs politiques soient diverses. Cependant, faisons attention, car la question du terrorisme est préoccupante et tout aussi brûlante.
Un des acteurs de premier plan de cette campagne (puisqu’il est candidat à la présidentielle), Mr Eddie KOMBOIGO, candidat du CDP, s’est distingué par rapport à ce débat par la singularité de ses propos sur le traitement du terrorisme au Burkina Faso, au point d’en faire le pilier de sa stratégie de communication dans cette campagne.
Ce que l’on retient en substance, c’est qu’il en reproche au régime du Président Roch March Christian KABORE d’avoir laissé tuer des burkinabè faute, selon lui, de la bonne stratégie qui aurait été la négociation avec les terroristes.
Négocier fait partie de la vie, nous n’en disconvenons pas. Négocier avec des tueurs sans motif clair et sans état d’âme pose quand même problème. Deux grandes questions nous viennent tout de suite à l’esprit :
1ere question : Négocier avec qui ?
Il est de notoriété publique que les terroristes qui opèrent dans la bande sahélo-saharienne ne forment pas un groupe homogène. Non seulement leurs groupes (EIGS et GSIM notamment) sont difficiles à saisir, mais aussi, ils se livrent en eux des rivalités terribles qui rendent quasiment impossible toute forme de négociation commune organisée.
Il faudrait donc, si l’on veut emprunter cette voie, négocier avec chaque groupe, sur des plateformes multiples et possiblement contradictoire. Sur ce point, les expériences passées des négociations avec les groupes rebelles au Mali et les récentes tentatives de négociation avec les mêmes groupes terroristes initiées par le régime d’IBK illustrent parfaitement cette difficulté.
2eme question : Négocier sur quoi ?
Cette question est toute aussi complexe, sinon plus complexe que la première. Il est évident qu’aucune négociation n’a de sens et d’intérêt que s’il peut y avoir des concessions de part et d’autre. Peut-on avoir la naïveté de penser que les terroristes concèderont dans une négociation de ne plus attaquer le Burkina sans contrepartie ? Dans ce cas, laquelle ?
Il se trouve que personne de ceux qui prêchent la négociation ne s’engage à avancer une quelconque proposition dans ce sens. Si nous regardons bien les visées et prétentions des terroristes, laquelle peut faire l’objet de concession par notre pays ?
Leur céder une portion de territoire pour servir de corridor vers les zones côtières, leur permettant ainsi d’assiéger le golfe de Guinée, il est évident que c’est NON.
Leur octroyer des financements (même occultes) suffisamment alléchants, il est aussi évident que notre pays n’en a pas les moyens. Et si cela suffisait, les pays économiquement puissants en auraient fini depuis longtemps. Leur accorder la renonciation à la laïcité de nos écoles et de nos institutions, impossible !
Alors, il reste quoi ? Peut-être faire alors comme sous l’ère COMPAORE, en leur accordant que le Burkina Faso soit une base de repli pour eux et pourquoi pas le centre stratégique de leurs opérations dans la sous-région. Etant leur hôte, leurs « enfants chouchou », ils nous laisseront en paix, tout en se réjouissant d’avoir comme alliés désormais un état voyou qui leur servirait de rampe de lancement pour assiéger toute la sous-région.
Voilà pourquoi Mr Eddie KOMBOIGO a tort. Si Blaise COMPAORE a pu pratiquer de manière « soft » la dernière solution ci-dessus, c’est parce qu’il agissait comme médiateur vis-à-vis des groupes rebelles Touareg du Mali et du Niger auxquels beaucoup des terroristes actuels faisaient partie. Il avait donc la latitude de présenter sa démarche comme étant la continuité de sa mission de médiateur, ce qui, du reste, n’était plus normal, les intéressés ayant passé de rebelles à terroristes.
Si de nos jours, Mr Eddie KOMBOIGO veut rééditer la pratique de Blaise COMPAORE en la matière, il ne le peut pas. Pour la simple raison que la situation a largement évolué dans la sous-région avec la multiplicité des groupes et leurs rivalités. Pire, les Etats voisins qui subiront les effets pervers d’une telle forfaiture ne l’accepteront plus et le Burkina risquerait de se retrouver avec une autre guerre.
Une autre opinion largement évoquée par des « opposants » est de faire croire qu’une réconciliation nationale peut mettre fin aux appétits des terroristes sur notre pays.
On a du mal à comprendre la relation possible entre réconciliation nationale qui ne concerne que des Burkinabè entre eux et la cessation d’hostilités par des terroristes qui nous attaquent. J’aurais compris qu’ils nous disent qu’une telle réconciliation peut sceller l’union sacrée du peuple pour mieux combattre le terrorisme. Mais telle ne semble pas être l’opinion des auteurs.
En réalité, ils sont nombreux dans ces milieux à penser, sans le dire, que le retour pacifique de certains exilés peut faire arrêter les attaques contre notre pays, pour les raisons esquissées plus haut. Erreur grossière car le pyromane qui met le feu à la brousse ne peut plus éteindre l’incendie. Si ce n’était qu’aussi simple !!!
Le terrorisme sera vaincu, nous n’en avons pas le moindre doute et pour trois raisons : primo, la combativité des peuples de la sous-région et la montée en puissance des FDS, secundo, la lutte contre la pauvreté par le renforcement des programmes économiques et sociaux profitables à la jeunesse, enfin le retrait des jeunes désabusés (déjà constaté de nos jours). Les fausses solutions ne sont que du vent distillé par ceux qui entendent faire de la question terroriste leur fonds de commerce dans le cadre de la présente campagne.
Le Burkina Faso post-insurrectionnel ne peut plus se permettre d’être une base-arrière pour des terroristes. Le Burkina Faso résilient se refuse de baigner dans une forfaiture semblable à celle que le maréchal Pétain noua avec Hitler lors de la deuxième guerre mondiale au motif qu’il fallait négocier la paix pour la France. Et la suite, on la connait !
Au regard de ce qui précède, les Burkinabè dans un élan de dignité doivent sanctionner par le vote massif tous les aventuriers dont le seul vrai rêve est la restauration qu’ils se battent pour obtenir par une campagne sale et indigne.
Mamata TIENDREBEOGO
Membre du Bureau exécutif national du MPP
Député et membre du groupe parlementaire MPP à l’Assemblée nationale
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