Négociations avec les terroristes : Attention aux raccourcis dangereux
Comme il fallait s’y attendre, cette campagne électorale donne lieu à toutes sortes de déclarations et de promesses surréalistes… La main sur le cœur, certains candidats chantent à ceux qui accourent les écouter qu’ils n’entendront plus aucune balle au Burkina Faso une fois qu’ils parviendront au pouvoir. Rassurez-vous. Vous n’êtes pas sur la planète mars mais bien sur terre au Burkina Faso ! Pour d’autres, la potion magique contre le terrorisme est toute trouvée. Celle-ci résiderait dans la négociation avec les terroristes. S’ils parvenaient à être élus, ces candidats seront donc prêts à toute compromission quitte à vendre le pays avec les groupes terroristes qui en feront un sanctuaire. Il faut être sérieux. Les problèmes sont plus complexes. Les Burkinabè méritent nettement mieux ! Une tribune de Jérémie Yisso Bationo, enseignant chercheur.
Un État stratège et responsable ne dévoile jamais toutes ses stratégies de lutte contre le terrorisme. Ce qui est plus important, ce sont les résultats sur le terrain. Quelque soit sa puissance de feu, il est évident que la stratégie n’est jamais linéaire. Celle-ci doit manier à la fois la carotte et le bâton dans une alternance de confrontation armée puis de discussions. Tous les pays du monde le font. Même si un État choisit de jouer la carte de la négociation, il n’est pas bienséant que ses dirigeants le proclament urbi et orbi. La logique est connue. « Trop de bruit, peu de fruits ».
Les autorités du pays sont plutôt attendues sur le terrain des résultats. C’est à elles de mettre tout en œuvre pour réduire au maximum les capacités de nuisance des terroristes. La négociation est un couteau à double tranchant. S’il ne faut pas l’exclure d’office, il faut aussi se garder de s’y jeter pieds et poings liés. Avant de s’y engager, il faut d’abord connaitre parfaitement l’ennemi en face, cerner ses motivations, avoir l’expertise en matière de négociation, disposer de moyens de pression sur son vis-à-vis, disposer d’alternatives crédibles en cas d’échec de la négociation,…
C’est un travail méthodique et stratégique qui ne se fait pas au petit bonheur la chance ou sur la base de calculs politiciens. En plus, il est illusoire de penser qu’une paix durable est possible avec des terroristes sur la base de simples négociations. Ce n’est pas pour rien qu’ils portent le nom de terroristes. Quelque soient vos accords, ils reviendront toujours semer la terreur d’une manière ou d’une autre. Donner leur la main, ils vous réclameront le bras.
Aujourd’hui, le Burkina Faso est engagé dans le G5 Sahel ou une stratégie sous régionale de lutte contre le terrorisme est entrain d’être implémentée. Le Burkina Faso ne saurait à lui tout seul décidé de négocier avec des terroristes et remettre ainsi en cause la stratégie globale qui a été définie par les États africains et leurs partenaires occidentaux. Tout est lié en ce monde. Aucun État ne peut évoluer en vase clos ou au gré des humeurs de dirigeants du moment.
Ne pas se faire hara-kiri
Sous Blaise Compaoré, le Burkina Faso avait été relativement épargné, parce que le régime avait décidé de pactiser avec les terroristes. Ceux-ci pouvaient alors aller frapper allègrement le Niger, le Mali ou tout autre pays et revenir se prélasser tranquillement dans des hôtels huppés de Ouagadougou aux frais de la princesses… Le Mali et le Tchad s’en s’ont plaints à plusieurs reprises. Les temps ont changé. Le Burkina Faso ne peut se permettre de trainer une sulfureuse réputation de « pyromane de la sous-région » comme il était taxé il y a quelques années.
Aujourd’hui, il faut continuer à investir dans le renseignement, équiper et former les FDS pour une lutte sans merci contre les terroristes et tous leurs suppôts dans le cadre des accords régionaux et internationaux que le pays a ratifiés. Il faut aussi que chaque burkinabè fasse son propre examen de conscience afin de donner la chance à la réconciliation nationale de réussir.
Le gouvernement doit en outre poursuivre ses actions de développement afin de réduire considérablement les fractures sociales et les inégalités surtout dans les zones les plus délaissées. Le dialogue interreligieux et les actions de renforcement de la cohésion sociale constituent également des axes prioritaires d’intervention. S’enfermer dans une simple logique de négociation, c’est signer son arrêt de mort.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur
Ouagadougou