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Procès Thomas Sankara : « Les naïfs font les révolutions, les opportunistes en profitent », Me Guissé

Le procès du dossier Thomas Sankara et 12 autres victimes s’est poursuivi, le jeudi 3 février 2022 au Tribunal militaire de Ouagadougou avec le deuxième jour de plaidoirie des avocats de la partie civile.

Les avocats de la partie civile du procès Thomas Sankara et 12 autres victimes étaient de nouveau à la barre au Tribunal militaire de Ouagadougou délocalisé à Ouaga 2000 après l’audience de la veille pour plaider en faveur de leurs clients. L’avocate de la famille de Thomas Sankara, la sénégalaise Maitre Anta Guissé s’est intéressée à la stratégie de défense de l’accusé, Jean Pierre Palm, colonel-major de la gendarmerie à la retraite poursuivi pour des faits de complicité d’attentat à la sureté de l’Etat. Dans sa plaidoirie, l’avocate a regretté l’arrogance du prévenu dans ses prises de paroles et son attitude à nier en bloc les faits à lui reprochés.

Malheureusement pour lui, a-t-elle relevé, toutes ces négations n’enlèvent en rien à l’infraction commise. Car les faits sont têtus à ses yeux, a-t-elle souligné. Pour les prouver, Maitre Guissé s’est lancé pendant plus d’une heure dans une reconstitution du ‘’ puzzle des actes posés ‘’ par Jean Pierre Palm avant, pendant et après le coup d’Etat du 15 octobre 1987, à l’effet d’établir sa culpabilité. A son avis le premier élément avant le crime est situé au niveau de l’affaire Idrissa Cissé dit Kennedy arrêté à Bobo-Dioulasso pour avoir déclaré qu’un coup d’Etat était en cours et visait le renversement du président Thomas Sankara par Blaise Compaoré. « Son ami Jean Pierre Palm a tenté de le faire libérer selon le témoignage de Moussa Diallo. M. Diallo précise que les deux personnes étaient dans le même mouvement pour déstabiliser le régime en place. Le témoin Ousseni Compaoré, l’adjoint de Jean Pierre Palm a aussi confirmé que Kennedy est comme l’homme de main de son chef », a-t-elle détaillé. Le deuxième argument avancé par la partie civile est que des témoignages indiquent que Jean Pierre Palm utilisait un officier du nom de Moussa Tamboura pour ventiler des tracts à Koudougou pour discréditer le camp Thomas Sankara. Anta Guissé a aussi mis dans la balance les dépositions du responsable de la garde de Blaise Compaoré qui font mention d’un tête à tête entre M. Compaoré et Jean Pierre Palm pendant plus d’une heure, le 14 octobre dans la soirée.

Des témoignages concordants

« Pendant les tirs, le 15 octobre, l’accusé prétend s’être réfugié chez le vieux Barry avec son ami Togolais Julien et que leur hôte leur a proposé de passer la nuit chez lui au regard de la situation. M. Barry, lui, soutient que le jour des évènements il était à Bobo. Palm a donc demandé à sa fille Mireille Barry de venir témoigner mais cette dernière qui se trouve à Ouaga et avocate de profession n’est jamais venu à la barre », a expliqué maitre Guissé. Le 16 octobre, la partie civile a, par ailleurs, relevé le témoignage d’Ismaël Diallo. Celui-ci atteste qu’il a reçu la visite de Jean Pierre qui dit venir de la part de Blaise Compaoré pour s’enquérir de ses nouvelles. « Là encore, notre accusé nie les faits », a-t-elle martelé avant de poursuivre avec d’autres preuves notamment sur l’élimination des preuves à travers la désactivation de la table d’écoute de la gendarmerie. Mme Guissé a également évoqué les cas de tortures évoqués par les témoins Basile Guissou et Mousbila Sankara en présence du prévenu. Elle a en outre fait mention des aveux de l’accusé au moment des temps bénis de l’impunité dont jouissait le pouvoir de Blaise Compaoré. « Jean Pierre Palm a avoué à Fidèle Toé, rentré d’exil au pays 7 ans après le coup d’Etat qu’il avait bien fait de fuir, car leur plan était de l’amener confirmer le complot de 20 h du camp Sankara. A cette rencontre, il a indiqué que ce sont les naïfs qui font les révolutions et les opportunistes en profitent », a expliqué l’avocate.

Ces faits ont été corroborés par les témoins Adama Drabo et Michel Toé le frère de Fidèle Toé, a indiqué Me Guissé. Au regard de tout ce qui précède, l’avocate a expliqué que les témoignages sont nombreux et concordants et elle a invité le tribunal militaire a appliqué la loi en condamnant l’accusé. Avant Anta Guissé, d’autres avocats sont passés à tour de rôle pour charger certains prévenus. Maitre Olivier Badolo a plaidé pour la condamnation de Idrissa Sawadogo, accusé pour des faits d’assassinats et de complicité d’attentat à la sureté de l’Etat. Après avoir livré un cours de droit sur l’alibi, principale stratégie de défense du prévenu, Me Badolo a insisté sur les sanctions particulières si toutefois l’alibi est fabriqué de toute pièce dans le but d’induire la justice en erreur. Il a par la suite relevé 6 témoignages qui prouvent la culpabilité de M. Sawadogo. Il s’agit, entre autres, de celui de Yamba Elysée Ilboudo, un des membres du commando du 15 octobre qui a déclaré avoir conduit M. Sawadogo dans sa voiture. Des témoins comme Adama Zongo soutiennent aussi avoir vu l’intéressé au Conseil de l’Entente au moment des faits.

Le témoin exemplaire

Au domicile de Blaise Compaoré, les éléments qui y étaient, affirment ne l’avoir pas vu. Cette information est confirmée par le chef de poste de sécurité Adama Tinto. Maitre Julien Lallogo de son côté a invité le tribunal militaire à maintenir l’accusé Albert Pascal Sibidi Belemnilga dans les liens de la détention pour les faits de complicité d’attentat à la sureté de l’Etat. A ce propos, il a félicité le travail de fourmi abattu par le juge d’instruction. Pour Me Jean Patrice Yaméogo, la culpabilité de Bossobè Traoré et de Nabonswendé Ouédraogo pour assassinats et complicité d’attentat à la sureté de l’Etat est établie. Pendant les coups de feu, le témoin Alouna Traoré a été très affirmatif en citant Nabonswendé comme membre du commando. En plus, Yamba Elysée Ilboudo a dit l’avoir conduit dans sa voiture ‘’ la Galante ‘’, du domicile de Blaise Compaoré au Conseil de l’Entente. Quant à Bossobè Traoré, Me Yaméogo a indiqué vouloir le croire lorsqu’il affirme ne pas être au parfum du coup, mais sa conviction est tout autre.

Le témoin Thérèse Kationga, a déclaré que le prévenu l’a informé, le 12 octobre 1987, dans son maquis d’un coup d’Etat en cours avec Blaise Compaoré comme instigateur principal. Selon l’avocat, Bossobè était l’ami de Nabié N’Soni, un membre du commando. C’est en la faveur de ce lien qu’il va participer à des rencontres préparatoires mentionnées par les services de renseignements. « Sans Bossobè, le coup n’aurait pas réussi, car il fallait quelqu’un de la sécurité de Thomas Sankara pour donner des informations sur les déplacements de Sankara. De plus, lorsqu’il a été blessé pendant les évènements, il a été évacué en France pour des soins et il a été dédommagé. Il a bénéficié des largesses du nouvel homme fort pour sa participation au coup », a-t-il justifié. Me Ferdinand N’Zepa s’est intéressé au prévenu Yamba Elysée Ilboudo. A son avis, M. Ilboudo a été un personnage clé dans le procès dans la mesure où il a permis de connaitre la vérité sur les évènements. Certains coaccusés ont tenté de mettre en doute ses déclarations mais cela n’enlève en rien la crédibilité de ses propos, a-t-il soutenu. Puis de poursuivre que pour sa collaboration dans le dossier, l’histoire retiendra que c’est grâce à lui que la vérité sera connue. « Vos enfants et petits-enfants seront fiers et vous devez aussi être fier de vous », a-t-il confié. Reconnaissant sa culpabilité dans l’affaire, Me N’Zepa a demandé au tribunal militaire de prendre en compte son attitude exemplaire pendant les condamnations. Les Avocats Désiré Sebogo et Séraphin Somé ont de leur côté plaidé respectivement pour que le général Gilbert Diendéré soit condamné pour les faits de subornation et de recel de cadavre. L’audience a été suspendue à 16 heures et reprend le lundi 7 février à 9 heures.

Abdoulaye BALBONE

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