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L’élevage une bonne opportunité de développement économique lors de la réinstallation des populations affectées par les grands aménagements

DOCUMENT DE VULGARISATION

Introduction

En Afrique la réalisation des grands aménagements (aéroportuaire, hydro-agricoles) conduisent à des déplacements de populations sur de nouveaux sites. Les pertes de terre agricoles en milieu rural et périurbain qui en résultent ont conduit depuis quelques années, à une indemnisation des populations affectées qui sont par ailleurs accompagnées pour favoriser la poursuite de leurs activités socio-économiques pour à minima, conserver leur niveau de vie. Cette démarche s’inscrit dans le cadre des recommandations internationales de la Banque mondiale pour les « réinstallations involontaires » des populations affectées qui préconisent que toute Personne Affectée par un Projet « PAP » doit :

- (1) bénéficier de compensations pour les pertes directes liées à la mise en place du projet,

- (2) voir sa situation post-projet être au moins aussi bonne (en termes de condition de vie) qu’avant le projet.

Notre analyse menée dans le cadre de la construction du futur aéroport international de Ouagadougou-Donsin porte sur l’activité d’élevage et sa prise en compte dans la réinstallation des populations affectées. Au Burkina Faso, 80% de la population agricole pratiquent l’élevage qui est une des principales activités de diversification et de sécurisation des revenus des familles agricoles.

Les études diagnostiques réalisées dans les villages affectés par le projet, ont montré une pratique importante de l’élevage dans les concessions qui abritent les maisons d’habitations et les différents enclos pour animaux. Pour tous ces biens, les PAP ont été indemnisés dans les plans de recasement. Mais, l’élevage est faiblement pris en compte dans les constructions réalisées pour réinstaller les ménages affectés.

Ce constat appelle la question suivante : Pourquoi n’avoir pas pris en compte la construction des enclos d’animaux dans les deux types de lotissements – semi urbains ou semi rural – réalisés pour réinstaller les populations affectées ? Une des réponses à la question posée est traduite dans l’analyse des faiblesses du système de recasement susceptibles d’entrainer la pauvreté chez les populations affectées par le projet de réalisation du nouvel aéroport de Donsin.

La zone d’étude est située en milieu périurbain de la ville de Ouagadougou, dans les 10 villages affectés que sont Donsin, Kartenga, Kogninga, Kourityaoghin, Nongstenga, Rogomnogo, Silmiougou, Tabtenga, Taonsgo-Bouli et Voaga. Ils sont tous situés dans la Province de l’Oubritenga. L’agriculture pluviale (dominée par le sorgho), le maraîchage, l’élevage, la pêche, le petit commerce et l’artisanat sont les activités socio-économiques principales. Tous les affectés à Kourityaoghin sont de la communauté Peul.

Dans les 9 autres villages, les populations affectées sont essentiellement de la communauté mossi. Ils sont des agro-pasteurs. Toutefois, à Silmiougou et Kartenga, résident depuis plusieurs décennies des familles de pasteurs peulhs affectés par le projet. Chez les communautés peules, l’élevage est resté l’activité socio-économique principale. Dans les villages, les animaux élevés sont essentiellement la volaille, les petits ruminants (ovins, caprins), les bovins et les porcins. L’élevage est le plus souvent pratiqué dans les concessions, où vivent ensemble les familles et les animaux.

Les sujets de réflexion

Trois constats majeurs se dégagent de l’étude :

- l’élevage est une activité très pratiquée dans les villages ;
- les chefs de ménages affectés ont majoritairement opté pour une reconversion en élevage en tant qu’activité principale dans le cadre de la reconversion ;
- la non exploitation des opportunités pour l’intensification de l’élevage

1. La concession, lieu d’excellence de la pratique de l’élevage

Dans les 471 concessions affectées par le projet, 2136 bâtiments ont été recensés. Ces bâtiments servent à deux usages principaux : l’habitation des personnes et le logis des animaux (étables, logement du bétail et des volailles, abris). Les 832 chefs de ménages enquêtés pratiquent tous l’élevage soit en activité principale ou en activité secondaire.

L’élevage en tant qu’activité économique principale se fait dans les villages de Kourityaoghin, Silmiougou et Kartenga, par respectivement 100%, 7% et 5% des affectés. Ce pourcentage est de 12% dans le village de Taonsgo Bouli et de 5% à Nongstenga. L’élevage a été défini comme première activité secondaire par 90% des affectés à Donsin, 88% à Taonsgo Bouli, 87% à Nongstenga, 86% à Silmiougou, 83% à Voaga, 72% à Kogninga, 67% à Kartenga, 63% à Rogomnogo et 55% à Tabtenga.

Les espèces élevées sont les bovins, les caprins, les ovins, les porcins, la volaille soit un effectif total de 21 868 têtes dont plusieurs espèces élevées dans une même concession. L’élevage de volaille, le plus dominant représente 63,0% des espèces élevées puis suivent les caprins (14,9%), ovins (8,8%) porcins (6,9%) et bovins (6,3%). L’élevage porcin n’est pas pratiqué à Kourityaoghin et à Voaga du fait de la confession musulmane de tous les affectés.

Pour l’alimentation des animaux, les populations utilisent essentiellement le pâturage naturel et les sous-produits agricoles (SPA) pour nourrir les ruminants et quelques fois, elles ont recours aux sous-produits agro industriel (SPAI) comme aliment à bétail. Le son local et les drêches sont utilisés par les éleveurs de porcs. Dans chacun des villages, quelques affectés affirment servir des minéraux (sel, pierre à lécher, etc.).

Pour les soins des animaux, 75 et 100% des populations ont recours aux agents des ressources animales pour le suivi sanitaire et les soins. La quasi-totalité de la volaille est vaccinée de même que les bovins et le déparasitage des animaux se vulgarise. La fréquentation des cliniques vétérinaires publiques ou privés, et les déplacements des soignants dans les villages ont contribué à l’amélioration de la santé animale.

Selon les populations, la capitale Ouagadougou est un atout par sa proximité pour l’offre de marché pour l’écoulement de différents produits d’élevage.

2. L’accompagnement à l’intensification de l’élevage

En raison de la perte de 4 500 ha de terre due à la construction du nouvel aéroport, les populations ont fait part de leur crainte pour la suite de leurs activités agricoles (cultures pluviales notamment). Les chefs de ménages, ont de ce fait, choisi majoritairement, de se reconvertir dans la pratique de l’élevage comme activité principale (Tableau 1).

Tableau n°1 : Choix de reconversion des 832 chefs de ménages affectés

Villages

Elevage

Maraîchage et  cultures pluviales

Total

Donsin

52

9

61

Kartenga

73

26

99

Kogninga

67

53

120

Kourityaoghin

0

4

4

Nongstenga

34

30

64

Rogomnogo

60

2

62

Silmiougou

42

66

108

Tabtenga

88

143

231

Taonsgo Bouli

23

18

41

Voaga

32

10

42

Total

471

361

832

Pourcentage

56,6

43,4

100,0

Source : Enquêtes socioéconomique, INERA, 2012 et 2013.

Cependant, seulement 5,9% des producteurs ont déjà reçu une formation en production animale. De ce fait, la MOAD a chargé l’INERA à travers une convention, d’accompagner les populations affectées à l’intensification agricole par des formations basées sur différents thèmes identifiées par les bénéficiaires et qui sont :
- l’amélioration des techniques d’élevage, demandée par 45,2% des populations ;

- les soins et santé des animaux, par 27,2% ;
- l’alimentation des animaux et l’aviculture viennent ensuite avec respectivement 19,9% et 0,6%. Le volet alimentation des animaux intégrait le développement des cultures fourragères.

Les affectés ont aussi exprimé le besoin d’être soutenu par la MOAD, pour l’obtention de prêts afin d’accroitre l’effectif du cheptel, de développer l’embouche et enfin d’améliorer les infrastructures d’élevage. Pour les populations, ces différents appuis leur permettront d’accroître les revenus issus de l’élevage et améliorer en conséquence leurs conditions de vie.

Au regard des besoins de formation exprimés sur toutes les espèces animales, les populations ont bénéficié d’apports en savoirs de la part de l’INERA sur les 6 modules suivants :

- Infrastructures et matériel d’élevage ;
- Hygiène et Santé animale ;
- Alimentation des animaux domestiques ;
- Techniques de cultures fourragères ;
- Fauche et conservation du fourrage ;
- Gestion des fermes d’élevage.

Au total trois cent dix-neuf (319) personnes dont quarante-trois (43) femmes ont bénéficié de ces formations théoriques et pratiques de 2013 à 2014.

3. Les opportunités d’intensification peu exploitées

Les populations ont reçu leur indemnisation conformément au coût de compensation (prix unitaire en FCFA) selon le type d’infrastructure :

Etables : 40 000 F

Enclos en banco et tôles pour animaux : 52 500 F ;

Enclos en pailles pour animaux : 32 000 F

Poulaillers en banco, couverture en paille : 20 500 F ;

Poulaillers en banco, couverture en tôle : 35 000 F

Outre, cette indemnisation, des nouvelles cités/maisons ont été construites pour reloger les familles affectées.

Mais que constatait-on en juillet 2015, lors de la cérémonie officielle de remise des maisons aux bénéficiaires ?

Dans les nouvelles concessions, seuls les bâtiments à usage d’habitation et des abris servant de douche/WC ont été réalisés. En juillet 2015, les populations avaient déjà reçu leur indemnisation se rapportant au volet élevage qui devait leur permettre de réaliser les abris, les étables et logement pour le bétail et la volaille. Ces réalisations n’ont pas été effectives car les indemnisations perçues, pour certains chefs de ménage, ont servi à d’autres dépenses. Des abris précaires d’animaux et des équipements à base de matériaux de récupération utilisés comme mangeoires et abreuvoirs ont ainsi fait leur réapparition dans les sites d’accueil.

Les besoins exprimés par les ménages affectés d’être soutenu par la MOAD pour l’obtention de prêts afin d’accroitre l’effectif du cheptel, pour développer l’embouche et améliorer les infrastructures d’élevage n’ont pas été effectifs. De même, dans la majorité des cas, les indemnisations perçues n’ont pas pu être utilisées à cette fin.

Conclusion

L’étude menée dans le cadre du futur aéroport de Donsin, montre une préférence des populations affectées pour une reconversion au profit des activités d’élevage, et plus précisément l’embouche bovine et l’aviculture traditionnelle. Les attentes des populations n’ont hélas pas été prises en compte sur le plan opérationnel par le projet, d’une part en raison des limites du processus de réinstallation qui n’imposait pas à la MOAD la reconstruction de logis pour les animaux dans les nouvelles concessions et d’autre part en raison d’un manque d’efficience dans la coordination des programmes qui n’a pas permis aux PAP d’utiliser les compensations financières perçues pour transformer leur élevage en une activité économique viable. De ce fait, les objectifs pour atteindre de réelles reconversions ne seront atteints qu’au prix d’un véritable accompagnement des populations sur le plan des infrastructures et des renforcements des capacités.

Quelles autres perspectives, la MOAD envisage pour les populations affectées ?

La MOAD prévoyait la promotion de l’intensification des systèmes d’élevage et la diversification des espèces élevées en développant l’élevage fermier d’espèces rentables comme la volaille, les ovins, les porcs, et en encourageant la stabulation des gros et petits ruminants pour leur évolution vers des systèmes d’embouche à la ferme.

Le programme de financement concerne la réalisation de 500 micro-projets dont 200 d’élevage de volailles, 200 d’embouche ovines et 100 d’élevage de porcs. Les infrastructures communautaires à réaliser prévoyait les constructions de : un poste de santé animal fonctionnel, deux parcs de vaccination, deux (2) forages pastoraux et 25 km de piste à bétail.

Des recherches de financement seraient en cours pour la mise en œuvre de cet ambitieux projet.

DAMA Mariam Myriam, COULIBALY LINGANI Pascaline, SANOU Moumouni, TRAORE Amadou

Institut de l’Environnement et de Recherche Agricoles (INERA) ;
Email auteur correspondant : mamyriamdama@yahoo.com

Pour en savoir plus

DAMA BALIMA Mariam Myriam, COULIBALY LINGANI Pascaline, SANOU Moumouni, TRAORE Amadou, 2020, « L’élevage un potentiel peu exploité lors de la réinstallation des populations affectées par les grands aménagements », article accepté pour publication dans la Revue de Géographie du LARDYMES, AHOHO, numéro décembre 2020, Lomé, Togo.

INERA, 2013, Identification des besoins en formation des populations affectées par le projet de construction du nouvel aéroport de Donsin et concernées par une reconversion en élevage, Rapport, équipe de coordination des activités de Productions Animales INERA/MOAD, 16 p.

MOAD, 2012, Plan d’action de réinstallation des personnes affectées par le projet de construction du nouvel aéroport de Ouagadougou – Donsin, version définitive, novembre 2012, DG Doc-12, Etude environnementale et sociale, 179 p.

MRA, 2010, Plan d’actions et programme d’investissements du sous-secteur de l’élevage (PAPISE) 2010-2015, Ministère des Ressources Animales (MRA), BURKINA FASO, 70 p.

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