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Caricatures du prophète Mahomet : « En islam, on ne se moque pas de Dieu, de ses prophètes et de ses lois », selon l’imam Ilboudo

Les débats autour des caricatures du Prophète Mahomet sont toujours d’actualité à travers le monde. Le président français, Emmanuel Macron, avait jeté de l’huile sur le feu en soutenant ouvertement la liberté de caricaturer le Prophète, lors de la cérémonie d’hommage à Samuel Paty, du nom de cet enseignant tué pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. En vue de mieux cerner la question, Lefaso.net est allé à la rencontre de l’imam Alidou Ilboudo, promoteur du Centre culturel islamique du Burkina pour le dialogue et le vivre-ensemble (CCIB). NB : Pour des contraintes de temps, l’imam Ilboudo a répondu à un questionnaire qui lui a été soumis. Par conséquent, certaines de ses réponses n’ont pas de relance.

Lefaso.net : Pourquoi ne doit-on pas caricaturer le prophète Mahomet ?

Imam Alidou Ilboudo : Pour plusieurs raisons. Premièrement, chez les musulmans, la représentation d’êtres vivants ayant une âme, donc animaux comme humains, est interdite. Sauf pour les cas de nécessité comme les figures et croquis en sciences, les indications pour le code de la route et pour toute cause utile. La représentation juste pour l’art est contraire aux dogmes monothéistes dont l’islam. Seul Dieu est Créateur. Ces représentations peuvent aussi donner lieu à de la vénération excessive qui frise l’adoration.

Ensuite, même dans les cas de mise à l’écran, vous verrez que les musulmans honorent tous les prophètes de Dieu et évitent de faire jouer leur rôle par des acteurs comédiens pour éviter qu’ils ne soient l’objet d’une vénération dans la vie réelle. Aussi, un acteur qui incarne un prophète de Dieu dans un film et qui a une vie dissolue au quotidien serait à éviter.

Chez nous, les prophètes sont des icônes, des modèles qu’on essaie d’imiter ; et il est malséant de les représenter par un jeu de rôle ou un dessin. Regardez par exemple dans le célèbre film de Moustapha Akkad (Le Message, paru en en 1976) joué par Anthony Queen et Irène Papas ; ni le prophète, ni les célèbres compagnons ne sont représentés. Il en est de même pour les autres prophètes.

Est-ce que de par le passé, il n’y a pas eu de représentations du prophète ?

Je ne saurai le dire. Mais la tradition du dessin est vraiment limitée en islam traditionnel aux représentations de la nature et des plantes. C’est pourquoi les civilisations musulmanes ont porté en haute estime la calligraphie, l’arabesque et l’enluminure des documents. Cependant, la tradition a par la suite représenté les anges et de pieuses personnalités.

Ne peut-on pas rire de la religion (à travers caricature, pièces de théâtre) ?

Bien-sûr qu’on peut rire de la religion, mais tout à une limite. En islam, on ne se moque pas de Dieu, de ses prophètes et de ses lois. Mais l’ironie comme la satire peuvent être utilisées pour d’autres occasions.

La religion constitue-t-elle une limite à la liberté d’expression ?

Oui, c’est le cas si la liberté d’expression doit rimer avec libertinage, délitement des valeurs ; à quoi me sert ma liberté si elle me conduit à la perdition ?

A propos de la caricature de Mahomet, l’islamologue et philosophe tunisien, Youssef Seddik, dans Jeune Afrique du 6 novembre 2020, a estimé que « les musulmans ne devraient pas se sentir concernés ». Pour lui, ils doivent reconsidérer leur perception de l’histoire religieuse et soumettre les textes sacrés à un examen rationnel. Est-ce aussi votre avis ?

Ce n’est pas mon avis. C’est vrai que nous sommes dans un village planétaire, mais il y reste des aires de valeurs qui constituent des parcelles de souveraineté que nous pouvons défendre. Et ce que nous n’allons pas faire à quelqu’un, nous n’aimerions pas qu’on nous le fasse. Les libres penseurs pensent malheureusement qu’eux seuls doivent être la norme de la pensée ; c’est décevant pour des intellectuels.

« Nous ne renoncerons pas aux caricatures… », a déclaré Emmanuel Macron. Comment interprétez-vous ces propos du président français ?

N’étant pas en France, je ne puis saisir toute la portée du propos. Mais je pense qu’il parle à l’occasion. La France a un problème avec les religions en général et l’islam en particulier. Aussi, les politiciens français ont toujours eu l’art de susciter un problème dans le problème, et les musulmans deviennent rapidement la déviation idéale pour faire oublier aux populations les crises qu’elles vivent.

Propos recueillis par Issoufou Ouédraogo

Lefaso.net

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