1. Introduction
Le maraîchage est en essor en Afrique de l’Ouest plus généralement : la production de légumes dans est passée de 5 352 215 tonnes en 1980 à 14 569 681 de tonnes en 2006. Cet essor peut être mis en relation avec une demande urbaine croissante et avec une diversification des régimes alimentaires. Au Burkina Faso, l’essor du maraîchage est lié à l’édification, depuis la sécheresse de 1973, de près de 2000 retenues d’eau, aussi bien à la périphérie des centres urbains que dans les villages. Les pratiques maraîchères ont lieu toute l’année et couvrent une variété de légumes. La province de l’Oubritenga, limitrophe de celle du Kadiogo comprenant la capitale Ouagadougou se distingue sur plusieurs points dans le maraîchage. Cet article est une contribution à la réflexion sur les facteurs du dynamisme de la culture maraichère en milieu péri urbain. Il présente d’abord la méthodologie et le cadre géographique de l’étude puis les résultats.
2. Matériel et méthodes
Méthodologie
Les données statistiques des enquêtes maraîchères des campagnes 1994-1998 et 2006-2010 ont été utilisées. Des enquêtes individuelles menées en 2017 et 2018 auprès de 123 maraîchers ayant le maraîchage comme principale activité économique, décrivent les dynamiques locales de l’activité. Elles ont concerné 7 sites maraîchers : Goué, Kourityaoghin, Rogomnogo, Silmiougou, Tabtenga, Tanguiga et Voaga, tous situés à moins de 30 km de Ouagadougou. Ces localités font partie de 11 sites maraîchers d’enquête de l’étude Maîtrise d’Ouvrage de l’Aéroport de Donsin réalisé par l’INERA de 2012 à 2015. Les données ont été traitées, puis une analyse de la production et de la distribution a été réalisée.
Cadre géographique
L’Oubritenga est une des trois provinces de la Région du Plateau Central du Burkina Faso (Carte 1). Elle se situe entre la latitude 12° 35′ 00 » N et longitude 1°25’00 »W. Elle est composée de 214 villages répartis dans 7 départements dont 6 communes rurales (Absouya, Dapélogo, Loumbila, Nagréongo, Ourgou-Manéga, Zitenga) et une commune urbaine (Ziniaré), sur une superficie de 2778 km2. Ziniaré, chef-lieu de la province est aussi le Chef-lieu de la Région. Sa population est passée de 197 237 habitants en 1996 et à 256 7556 habitants en 2006 soit des densités respectives de 71,0 hab/km2 et 86 hab/km2.
Cette densité est parmi les plus fortes du Burkina, vu les densités au niveau national : 38,1 en 1996 et 51,8 hab/ km2 en 2006, (INSD, 2008). Le climat de type nord soudanien est régi par l’alternance d’une saison sèche (novembre à mai) et d’une saison pluvieuse (juin à octobre) ; la pluviométrie varie entre 700 et 900 mm/an. La présence de nombreuses ressources en eau de surface dans la province dont les plus importantes sont le barrage de Loumbila (42 000 000 m3), de Goué (1 930 000 m3), de Tamissi (1 125 000 m3) et les nombreuses petites retenues de même que l’existence de bas-fonds, ont permis le développement du maraîchage.
La proximité de la capitale Ouagadougou, située à moins de 35 km de ses importants sites maraîchers, constitue un débouché important. La facilité d’accès à la capitale assurée par la RN3 s’est améliorée depuis 2015, en raison de l’implantation du futur aéroport international de Ouagadougou à Donsin, dans la commune de Loumbila.
Carte 1 : Situation de la Province de l’Oubritenga
3. Les résultats et analyse
3.1 Des productions maraîchères nationales en forte évolution
Au Burkina Faso, le développement rapide ces dernières années des cultures maraîchères se constate par l’accroissement des superficies et des volumes des principales productions.
Selon l’enquête maraîchère (MAHRH, 2003) les superficies nationales emblavées étaient de 4 334 ha durant la campagne 1996/1997. Les six provinces qui détenaient les plus grandes superficies en cultures maraîchères étaient par ordre décroissant : le Sanguié (1 347 ha), le Bam (402), le Houet (401), le Boulgou (282), l’Oubritenga 255 (ha) et le Ganzourgou (214 ha) (figure 1).
Figure 1 : Provinces détenant les plus grandes superficies de production en 1994-1998
Sources : MAHRH, 2003
Le RGA 2006-2010 indiquaient des superficies maraîchères de 27 661 ha au niveau national.
Les provinces qui avaient des superficies maraîchères supérieures à 1000 Ha sont celles qui détenaient les plus grandes superficies en cultures maraîchères. Leur classement par ordre décroissant est : le Houet 3 124,24 ; le Kadiogo 2 659,30 ; le Yatenga 2 554,29 ; le Zondoma 1 431,85 ; le Sanguié 1 373,63 ; l’Oubritenga 1 260,55 ; le Boulkiemdé 1 128,75 ; le Sanmatenga 1 075,76 ha (Figure 2).
Figure 2 : Provinces détenant les plus grandes superficies de production en 2006-2010
Source : MAH, 2011 : RGA phase 2 : 2006-2010
Sur le plan national les superficies maraîchères ont été multipliées par 6,38 entre 1994-97 et 2006-2010. Parmi les six provinces qui détenaient les plus grandes superficies en cultures maraîchères en 1994-1997, le Bam, le Boulgou et le Ganzourgou ont été déclassées. Cependant, le Sanguié, le Houet et l’Oubritenga figurent toujours parmi le groupe des 6. L’Oubritenga 255 ha (5ème rang) passe à 1260,6 ha (6ème rang) multipliant ainsi ses superficies maraîchères par presque 5.
En 1994-97, les 7 cultures les plus importantes en superficie étaient : l’oignon bulbe (1 504 ha), la tomate (825), le haricot vert (496), le chou (483) l’aubergine locale (187), l’oignon feuille (134) et la carotte (119ha).
En 2006-2010, les 7 cultures dominantes sont : l’Oignon bulbe 11 449,24 ha, la tomate 5 224,48 ha, le choux, 2 438,08 ha, la laitue 2 116,43 ha ; la courgette, 1 239,75 ha ; l’aubergine importée, 754,42 Ha ; l’oignon feuille 665,97 et le gombo, 638,66 ha.
Sur le plan national l’oignon bulbe, la tomate et le chou restent les cultures dominantes de 1997 à 2010. La culture du haricot vert a perdu de son importance à l’opposée celle de la laitue, de la courgette, de l’aubergine importée et du gombo se sont développées.
3.2 Place de l’Oubritenga dans la production nationale des légumes
En 1994-97 les superficies maraîchères de l’Oubritenga étaient occupées à 52,15% par 3 cultures que sont la tomate (71 ha), l’oignon bulbe (58ha) et le concombre (4 ha).
Ces cultures la plaçaient parmi les principales provinces maraîchères du Burkina tant par ses superficies que ses volumes de productions.
Superficie
+ Tomate : Oubritenga (71ha) 2ème exégo avec la Comoé après le Houet 1er (113ha) ;
+ Oignon bulbe : (58ha) 3ème rang après le Sanguié (551ha) et le Boulgou (310 ha) ;
+ Concombre : (4ha) 3ème place après le Houet (10 ha) et le Bazèga (6 ha).
Volume production
+ Tomate : 2ème rang (1 177 tonnes) après le Houet (1 423T) ;
+ Oignon bulbe : 3ème rang (889T) après le Boulgou (5 881T) et le Sanguié (5 341T) ;
+ Concombre : 3ème rang (54 T) après le Bazèga (226T) et le Houet (120T).
Les statistiques des campagnes maraîchères 2006-2010, (tableau 1), indiquent que la province se classe parmi les 10 premières zones de production pour 7 spéculations.
Tableau 1 : Principales productions de l’Oubritenga ; campagnes maraîchères 2006 à 2010
Source : MAH, 2011 : RGA phase 2 : 2006-2010
Le tableau indique ainsi que pour 4 cultures (oignon bulbe, tomate, courgette et gombo), l’Oubritenga compte parmi les principaux producteurs à l’échelle du Burkina Faso. De même, la province occupe le 1er, 2ème et 3ème rang national pour les cultures de concombre, d’aubergine africaine et de poivron. Les superficies nationales de ces 3 spéculations étaient respectivement de 152,74ha, 482,39ha et 572,29 ha.
Les superficies maraîchères sont nettement en hausse entre les campagnes 1994-1998 et celles de 2006-2010. Par exemple les superficies en tomate (71 ha), oignon bulbe (58ha) et concombre (4 ha) sont passées respectivement à 236 ha ; 670,4 ha et 47,18ha. Les superficies et les volumes de productions de toutes les spéculations sont significatifs et procurent des revenus importants aux maraîchers et à la province. Le chiffre d’affaire des 7 spéculations étaient de 3 298 452 685 F CFA. Selon, les chiffres des campagnes maraîchères 2006-2010, l’Oubritenga comptait 5 210 maraîchers soit 55,4% de l’effectif de la Région du Plateau Central, et avec ses 1260,55 ha elle détient 73% des 1 724,47 ha de superficie maraîchère.
3.3 Marché urbain et diversification de la production maraîchère
Les données de 1994/97 indiquaient pour l’Oubritenga des taux de commercialisation de 90% pour l’oignon bulbe, 95% pour la tomate, 99% pour le concombre. Ouagadougou constituait la principale destination de ces productions, et pour la tomate, 12,3% de la production était vendue à l’étranger, principalement au Ghana.
En 2006-2010, (tableau 2), les taux de commercialisations sont toujours très satisfaisants, se situant au-delà de 98% pour l’Aubergine africaine, les concombres, les courgettes, le gombo, les poivrons et la tomate. Le taux de 71,5% pour l’oignon ne traduit pas une faible performance mais un taux d’auto consommation élevé. Le chiffre d’affaire de ces 7 cultures est estimé à 3 298 452 685 F CFA pour la province de l’Oubritenga.
La proximité de la capitale, les célébrations des grandes fêtes et cérémonies socio-religieuses sont des atouts pour la diversification des cultures car les demandes concernent les légumes traditionnels et européens.
Le gombo (Abelmoschus callei) et l’aubergine africaine (Solanumaethiopicum L.) font partie des habitudes alimentaires des populations des villes et des villages (Ba-Hama et al., 2015).
Ces cultures qui étaient essentiellement pratiquées par les femmes dans leurs jardins potagers de case en saison pluvieuse le sont toujours. Mais avec les nouvelles variétés et la forte valeur marchande du gombo et de l’aubergine africaine, ils sont produits par les hommes dans les jardins maraîchers. En effet, la recherche agricole a contribué à l’amélioration variétale de ces légumes traditionnels et mis à la disposition des paysans des semences améliorées.
Les 474 tonnes d’aubergine locale et 658 tonnes de gombo ont été vendu respectivement à un prix moyen de 172F/kg et 128F/kg soit des chiffres d’affaires respectifs d’environ 76 millions et 82,5 millions et un total de 158 794 670 F CFA pour les maraîchers de la province (cf.Tableau 1). Les taux de commercialisation sont au-delà de 98%.
L’oignon bulbe, la tomate, la courgette, le concombre, le poivron occupent une place de choix dans la province. Une demande existe dans la capitale pour l’oignon bulbe, la tomate, la courgette et le poivron qui sont utilisés dans la préparation de nombreux mets, de même que le concombre pour les salades, les poissons braisés, l’Atiéké. Ces mets consommés par les citadins expliquent le taux de commercialisations satisfaisants de ces produits maraîchers dû à la proximité de la ville de Ouagadougou et de la forte demande.
Conclusion
La production maraîchère dans l’Oubritenga montre un dynamisme et un réel impact social et économique pour les producteurs et la province. Autrefois, comptant parmi les leaders incontestés sur la production et le marché de la tomate, l’Oubritenga s’est vu supplanté par de nouvelles zones de production au Burkina : Zondoma 519,04 ha ; Yatenga 517,68 ha ; Zoundwéogo 512,33 ; Sanmatenga 429,79 ha ; Houet 342,08 ; Boulkiemdé 338,41ha et Kénédougou 300,78 ha. Elle s’est toutefois réorientée vers de nouvelles productions qui ont pris de l’importance dans la province.
Des résultats de la recherche existent pour une amélioration des opérations culturales, une utilisation efficiente de l’eau et une amélioration des rendements. Un meilleur encadrement des producteurs rendrait certainement un nouvel dynamisme à cette activité économique de choix dans la province.
DAMA Mariam Myriam1, OUEDRAOGO Blaise, KABORE Oumar, COMPAORE Emmanuel
1 : Département Gestion des Ressources Naturelles et Systèmes de Production (GRN-SP), Institut de l’Environnement et de Recherche Agricoles (INERA) ;
Auteur correspondant : mamyriamdama@yahoo.com
Pour en savoir plus
BA-HAMA (F.), PARKOUDA (C.), KAMGA (R.), TENKOUANO (A.), DIAWARA (B.), 2015. – Légumes traditionnels africains, Livret de recettes à base de quelques légumes traditionnels africains fréquemment consommés au Burkina Faso, édité par AVRDC- The World Vegetable Center, Publication No. 15-791 ISBN 92-9058-209-X
DAMA BALIMA Mariam Myriam, OUEDRAOGO Blaise, KABORE Oumar, COMPAORE G. Emmanuel, 2020. La production maraichère dans l’Oubritenga : facteurs et défis actuels, article accepté pour publication, Revue Wiiré, Université Norbert ZONGO.
Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH) Burkina Faso, 2003. – Analyse des résultats de l’enquête maraîchère, campagne 1996 à 1997 au Burkina Faso, 90 p.
Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique (MAH) Burkina Faso, 2011. – Phase2 : RGA 2006-2010 Rapport d’analyse du module maraîchage, 215p.
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