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Agriculture : La remise en question du modèle maraîcher qui a été à l’origine du succès des cultures maraîchères au Burkina Faso

Introduction

La production maraîchère s’est développée à la périphérie des villes, mais aussi dans les villages autour de retenues d’eau de surface ou d’exhaure de l’eau souterraine. Parmi les effets du maraîchage, on trouve en bonne place la réduction de la pauvreté et la diversification des sources de revenus. Au Burkina Faso, la multiplication, sur tout le territoire national, de retenues d’eau, a favorisé un boom du maraîchage à partir des années 2000. La pratique se heurte cependant à de nombreux obstacles, dont le plus important est la dégradation rapide des milieux naturels, faute d’entretien. L’état des ressources en eau est particulièrement préoccupant tout comme le sont les fortes pressions foncières autour des plans d’eau.

Comment valoriser les bonnes pratiques et abandonner les mauvaises pour s’inscrire dans l’impératif du développement durable ? Le présent article est une contribution à cette réflexion.

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La zone d’étude est située dans la province de l’Oubritenga. Les données ont été collectées sur 7 sites auprès de maraîchers ayant le maraîchage comme principale activité économique. Ce sont : Goué, Kourityaoghin, Rogomnogo, Silmiougou, Tabtenga, Tanguiga et Voaga, tous situés à moins de 30 km de Ouagadougou (carte 1). Ils font partie des 11 sites maraîchers d’enquête de l’étude MOAD-INERA.

Carte 1 : Situation de la zone d’étude


Le site maraîcher de Goué situé aux abords du barrage de Goué (1 930 000 m3) fait l’objet de valorisation maraîchère depuis sa création en 1961. Celui de Tanguiga est situé le long du barrage de Tanguiga (450 000 m3) réalisé en 1985. Un périmètre de 8 ha a été aménagé en 1988 à l’aval du barrage. Le village de Voaga dispose depuis 1949, d’un barrage et d’une plaine aménagée de 12 ha. Toutefois, au fil des années et malgré les réfections du barrage (1984 et 1993), il ne peut, suite aux différentes dégradations, irriguer que 9 ha.

Le réservoir de Loumbila a été créé en 1947 par le barrage de la rivière Massili (affluent du Nakambé). Ce réservoir draine un bassin versant de 2 120 km2. Sa superficie en pleine eau était de 16,8 km2, pour une profondeur moyenne de 2,15 m. Après 2004, la capacité du réservoir a été portée à (42 000 000 m3) par le rehaussement du seuil du déversoir. Sa vocation principale demeure l’approvisionnement en eau de la ville de Ouagadougou.

Ce réservoir appelé barrage de Loumbila compte plus de 50 villages riverains. Son apport dans les activités socio-économiques des populations riveraines est considérable (maraîchage, pêche, élevage, hôtellerie, sylviculture). La superficie totale exploitée en maraîchage est de 347 ha et l’occupation des berges et de la cuvette de la retenue d’eau par les maraîchers constitue une des principales caractéristiques du barrage. Les sites de Kourityaoghin, de Rogomnogo et de Tabtenga sont sur les terres inondables du barrage de Loumbila. Enfin, le site de Silmiougou regroupe les bas-fonds exploités le long des bras des cours d’eau intermittents du village.

Principaux résultats

1. Savoir-faire d’antan dans la production maraîchère

Le profil des enquêtés, tous de sexe masculin, indique qu’ils sont âgés de 25 à 68 ans dont 26% ayant un âge compris entre 25 et 34 ans. Les parcelles exploitées sont inférieures à 2000 m2 pour 61% des maraîchers, dont certaines comprises entre 300 et moins de 500 m2, alors qu’il est admis que 2000 m2 constitue la superficie minimale pour une pratique professionnelle de l’activité. L’année d’installation sur les sites se situe entre 5 et plus de 35 ans. Les barrages utilisés par 92, 7 % des maraîchers, sont la principale source d’eau, excepté à Silmiougou où la production se fait dans les bas-fonds-fonds (7,3 %).

Deux types de mises en valeur s’observent : le maraîchage au sein de périmètres hydro-agricole de type gravitaire en aval des retenues et celui de type spontané en amont ou en aval des retenues.

C’est le second type, la mise en valeur spontanée qui fait surtout l’objet d’innovation et de savoirs faires.

Le développement de plusieurs cycles de productions durant la saison maraîchères réalisée grâce à une véritable stratégie de conquête des berges au fil du retrait de l’eau. En début de la saison maraîchère (septembre-octobre), 21,9 % des parcelles enquêtées se trouvaient à moins de 30 mètres des plans d’eau. Leurs récoltes (les primeurs) sont commercialisées à des prix avantageux à Ouagadougou.

Au fil de la saison maraîchère ces parcelles deviennent celles les plus éloignées de la retenue d’eau, parfois distante jusqu’à à 450m. Sur les terres conquises sur les berges plusieurs cycles de productions sont réalisés : 53,7 % des maraîchers pratiquent un deuxième cycle de production et 26,8 % un troisième cycle. Ainsi, 62, 6 % des parcelles sont situées sur les berges des plans et cours d’eau et dans les cuvettes des retenues d’eau.

Des savoir-faire se sont développés pour l’accès à l’eau. Des tranchées de 300 à 400 mètres de long, sont creusées à la main depuis les retenues d’eau jusqu’aux parcelles pour y conduire l’eau (photo 1).


Photo 1 : Barrage de Loumbila (A : Tranchée creusé pour le transport de l’eau ; B. Prise d’eau directe avec motopompes) Clichés : Agence de l’Eau du Nakanbé (AEN)

Le fonçage des puits est très pratiqué. Ces puits peu profonds (10 m maximum), sont creusés par les maraîchers ou par des puisatiers. L’utilisation de moellons et du ciment pour éviter les éboulements en saison pluvieuse sont des techniques nouvelles de plus en plus adoptées (photo 2). L’emploi des tuyaux pvc s’est développé pour le transport de l’eau (photo 3). Ces tuyaux partent des plans d’eau et des puits pour acheminer l’eau aux plantes.


Un savoir-faire s’est développé dans l’irrigation. L’emploi de la motopompe est de plus en plus fréquent, 70 maraîchers soit 56,9% en disposent, dont 91,4 % par acquisition et 8,6 % par location. Pour les grandes parcelles (2 000 m2 et plus) il n’est pas rare de compter 2 à 3 motopompes et 25 à 60 tuyaux pvc. Des petits bassins de collecte d’eau sont réalisés sur les canaux creusés dans les parcelles pour assurer un arrosage manuel à l’aide d’arrosoirs, de bidons, de seaux (photo 4).


Photo 4 : Irrigation manuelle à l’aide des seaux (Clichés DAMA M.M, octobre 2013)

Des savoirs faires se remarquent dans la confection des planches. Différents types de planches sont réalisées : linéaire, rectangulaire, petite planche de type lyélé. Chaque type permet d’adapter les opérations culturales en fonction de la culture et la superficie qu’elle occupe, de l’accessibilité à l’eau, des équipements d’irrigation, des fertilisants (engrais organiques, minéraux) et des pesticides (chimiques, biologiques) utilisés.

Par exemple les planches de type lyélé, petites planches, (Photo 5) sont surtout utilisée pour la production des légumes feuilles : oseille, feuilles de niébé, amarante, corète potagère. Elles permettent aux femmes d’assurer des productions importantes sur les superficies (100 à 200 m 2), cédées par le mari sur sa parcelle maraîchère.


Photo 5 : Planches de type « lyélé »

C. Modèle d’origine en pays lyélé (Sanguié) – Site Net de Burk-nourriture_8 ; D. Planches lyélé adaptées portant légume feuille, Cliché DAMA M.M, mars 2013

2. Une démarche participative de remise en cause du modèle ancien

A l’issue du sommet de Rio en 1992 pour le développement durable, le Burkina Faso s’est engagé depuis 2003 dans le processus de Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE). C’est ainsi que l’espace du bassin versant du Nakambé est placée sous la gestion de l’Agence de l’eau du Nakambé crée en 2007. Engager les acteurs de l’eau à la gestion concertée, intégrée, équilibrée et durable des ressources en eau du bassin hydrographique est une de ses missions.

Lutter contre l’accaparement des berges, l’ensablement du barrage de

Loumbila et sa pollution

Le Comité Local de l’eau (CLE) de Massili a répertorié 2686 usagers de la retenue dont 2323 maraîchers. Des actions de protection et de préservation de l’eau du Barrage sont en cours : matérialisation du périmètre de protection de 100 mètres (conforment à la règlementation au Burkina Faso) ; végétalisation de l’espace délimité (Prosopis Juliflora) plantés sur la limite de la bande et des arbres fruitiers plantés à l’intérieur de la bande) ; perspective de délocalisation et réinstallation des exploitants installés sur les berges et dans la cuvette ; sensibilisation sur le gaspillage d’eau à travers les prélèvements excessifs avec les motopompes ; sensibilisation sur l’utilisation efficiente des engrais chimiques, des pesticides et des produits phytosanitaires ; formation des usagers sur le traitement des emballages des produits chimiques et la gestion des excrétas.

Lutter contre la dégradation des terres

Sensibilisation des maraîchers pour réduire la multiplication de l’ouverture des tranchées. Eviter la prolifération des puits précaires dont les éboulements fréquents concourent à la dégradation des terres. A l’opposée les innovations introduites dans le renforcement des parois, la réalisation de puits busés a été encouragée.

Lutter contre la pression foncière liée à la forte occupation spontanée des retenues d’eau

La production d’information pour la préservation et la protection de la ressource eau est utile : exemple identifier les retenues faisant l’objet de forte occupation spontanée en maraîchage. Les services du Ministère de l’agriculture ont recensé en 2015, environ 600 producteurs autour du plan d’eau de Tanguiga (450 000 m3) dont la grande majorité installés à l’amont dans les parties non aménagées.

Cette forte pression foncière s’expliquerait par une arrivée plus importante de maraîchers saisonniers venus d’ailleurs. En 2013, ils étaient originaires de 8 villages et de 24 villages en 2015. Cette forte sollicitation en eau d’irrigation conduit depuis plusieurs années maintenant à l’assèchement précoce du barrage. Ce constat n’est pas un fait isolé dans le bassin versant du Nakanbé qui compte plus de 500 ouvrages de stockage d’eau.

Création d’organisation de producteurs maraîchers

Une faible organisation des maraîchers est apparue sur les sites d’enquêtes. Ce sont 5 associations : Manegdezenga, Teel-Taaba, Kombastaaba, Wendpanga et l’Association Tegawendé de Tabtenga (ATT), qui ont été répertoriées, leur fonctionnement est approximatif.

Pour bénéficier des différents appuis étatiques et privés (ONG), les maraîchers sont invités à rendre dynamique et fonctionnelle les organisations existantes et à en créer de nouvelles. L’octroi de crédits, l’encadrement, le renforcement de capacités ne peut se faire qu’à travers ces structures organisées.

Conclusion

Les expertises d’antan sont confrontées au défi du développement durable qui exige une transformation des pratiques. L’implication des populations dans la gestion de leurs ressources à l’échelle locale pour en tirer durablement le meilleur profit se met en place avec la GIRE. Il faut stimuler et accompagner l’activité maraîchère vers des formes d’exploitation qui concilient l’équilibre écologique et les objectifs des populations principalement leur besoins de diversification de revenus et/ou de sécurité alimentaire. L’auto prise en charge, visée dans le cadre d’actions concertées, apparait en effet, comme la meilleure alternative.

DAMA Mariam Myriam1, 2

1 : Département Gestion des Ressources Naturelles et Systèmes de Production (GRN-SP), Institut de l’Environnement et de Recherche Agricoles (INERA) ;

2 : Laboratoire Dynamique des Espaces et Sociétés (LDES)-Département de Géographie-Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou
Email : mamyriamdama@yahoo.com


Pour en savoir plus

Agence de l’Eau du Nakanbé (AEN), 2015. Quelques actions entreprises par l’AEN pour la protection et la préservation des ressources en eau, Communication de SAWADOGO Fatimata, Atelier national de protection et de préservation des ressources en eau, Koudougou, 13-15 janvier

DAMA BALIMA Mariam Myriam, OUEDRAOGO Blaise, KABORE Oumar, COMPAORE Emmanuel, 2020. La production maraichère dans l’Oubritenga : facteurs et défis actuels, article accepté pour publication, Revue Wiiré, Université Norbert ZONGO.

Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH) Burkina Faso, 2003. – Analyse des résultats de l’enquête maraîchère, campagne 1996 à 1997 au Burkina Faso, 90 p.

Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique (MAH) Burkina Faso, 2011. – Phase2 : RGA 2006-2010 Rapport d’analyse du module maraîchage, 215p.

Radio-Télévision du Burkina (RTB), 2015. Le barrage de Tanguiga est asséché, les producteurs appellent à l’aide, vidéo du 15 février 2015, journal de 13h, http://news.aouaga.com/v/23392.html

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