Ceci est une tribune de Neree Zabsonre, journaliste. Dans les lignes qui suivent, il donne sa lecture du Burkina d’après élections. Il s’annonce, de son point de vue, un triple défi sanitaire, sécuritaire et politico-religieux sur fond de « réconciliation nationale ».
Le « Pays des hommes intègres », au 22 novembre 2020, a vécu une énième élection en cette période de crises multiples. Les rideaux sont tirés sur ce dernier scrutin, moins enthousiaste que la précédente, cependant, plus accru sur les questions épineuses d’un peuple en quête de stabilité. Ainsi, s’annonce un triple défi sanitaire, sécuritaire et politico-religieux sur fond de « réconciliation nationale ». Un jeu de rôle qui se joue à quatre montrera-t-il le chemin vers la paix désirée ?
Défi sanitaire : la Covid-19 et les Burkinabè
À l’instar des autres pays dans le monde, et des pays limitrophes, le Burkina Faso a connu les tensions relatives à la gestion de cette pandémie mondiale. Les réactions tardives dès l’annonce au premier trimestre 2020 ont été critiquées. Les autorités sanitaires, tout autant « paniquées » par l’incertitude généralisée face à ce fléau que par des moyens (toujours insuffisants) à mettre en place pour endiguer le mal, ont tenté de prendre en main cette crise qui continue de ravager des vies. Les continents américains et européens en paient un lourd tribut. Même si l’Afrique, selon l’OMS, s’en sort mieux, le Burkina comptabilise les conséquences du corona virus : 2 816 cas confirmés, 68 décès . Le taux de mortalité : 2,38%, le taux de guérison : 90,79% .
Cette crise, inattendue et révélatrice des enjeux sanitaires mondiaux, a toutefois démontré la capacité des Burkinabè à agir malgré les contradictions multiples qui ont miné les règlementations et les décisions parfois impopulaires. C’est par et avec les populations locales que des défis sont relevés progressivement. Les « politiciens » ont fait leurs promesses pour le Burkina et pour ses « braves populations ». L’avenir ne promet rien de ce virus, sinon d’espérer que toutes sortes de prétentions scientifiques sur ses origines, de théories complotistes autour des vaccins et de prudences nécessaires ouvrent des chemins de vérité pour retrouver une « situation post-Covid-19 » apaisée et rassurante. Toutefois, le pays doit faire face à l’autre virus… le fameux « virus de l’insécurité » répandu sur tout le territoire.
Défi sécuritaire : un pays « coupé » en quatre
Les conflits internes à un pays n’ont jamais fait défaut tant il est vrai que les Hommes construisent et démolissent tout en même temps leur univers. Le Burkina Faso restera-t-il malgré tout une terre d’exception ? C’est trop peu de le rappeler : les Burkinabè constituent un « peuple tranquille ». Cette sérénité, ils la doivent à l’histoire de leur ancêtre commun et de cet autre héritage traditionnel acquis, mais très souvent négligé sinon « vilipendé » par des générations anciennes et nouvelles, qui, semblent-elles, ont omis tout un pan de leurs identités propres.
La résolution des conflits de tout genre passe indubitablement par le principe d’une gestion de la cité au moyen de la sagesse humaine. Il apparait que quatre acteurs importants s’enlisent dans une lutte non coordonnée, sinon minée de l’intérieur par des forces contraires. Les forces militaires (internes et externes) qui répondent avec la même violence que celle des « individus armés non identifiés », les autorités politiques qui continuent leurs appétences contradictoires, les religieux modernes qui « protègent » leurs clochers et minarets, les coutumiers qui promeuvent un dialogue intercommunautaire qui leur échappe désormais… Impossible de rêver. Le Burkina Faso n’y échappe pas, il essaie d’édifier une patrie héritée des « États-nations » européens dont les intérêts fluctuent au gré des « richesses africaines » disponibles.
L’histoire de ce pays est similaire à ses pairs d’Afrique, avec son lot de « problématiques accumulées » qui freinent son développement socioculturel et économique. Sur la terre burkinabè, se mêle les maux sociaux les plus divers nourris par des intérêts particuliers qui s’affrontent, au risque d’oublier le noble sens d’un pays qui n’a d’autres noms que l’« intégrité » de ses filles et fils. Sans doute, la solution se trouve dans la confluence de ces différentes entités. Un défi à promouvoir quand on fait de la « réconciliation » un mot d’ordre de l’État de droit.
Défi politico-religieux : la réconciliation par les « autorités coutumières » ?
Les autorités coutumières symbolisent une terminologie bien usitée au Burkina Faso pour désigner tous ceux (surtout les plus grands dignitaires) qui détiennent par voie de tradition une éventuelle influence sur leurs populations, administrées coutumièrement. Qui sont-ils, que font-ils ordinairement et dans des périodes troubles où l’unique paix d’une « terre ancestrale » est menacée, depuis quelques années, de violences interminables ? Sans doute que cette « machine coutumière » y contribue (faut-il l’espérer ?), mais selon quelles conditions et dans quel esprit ?
Le pouvoir a changé de camp et les enfants de la République burkinabè ne sont pas allés à « l’école de la tradition », où se vivent les enjeux de la paix véritable entre les communautés voisines. La paix d’un pays est le résultat de la paix des ruraux, pas celle des discours épiques composés dans les capitales africaines. La paix ne proviendra pas du feu qui sort des armes sophistiquées des camps adverses, mais de l’intervention de ceux qui en connaissent le chemin, en l’occurrence les détenteurs des traditions ancestrales éprises de sagesse et du bon sens. Il s’agit bien de la « Paix », celle qui est précédée par une « réconciliation des communautés ».
Encore faut-il y repérer les « bons grains traditionnels » au sein de l’ivraie, et faire confiance à leur savoir-faire. Serait-ce un cri d’alarme ou un plaidoyer ? La sécurité parait plus réaliste quand des populations plus proches les unes des autres la construisent. N’est-il pas temps de confier (dans la vérité) ce devoir (inter)national aux chefferies traditionnelles ? Ne sont-elles pas en constantes relations transfrontalières tout en gérant au quotidien les conflits des populations rurales ? Le développement d’une réflexion autour des frontières factices, qui trompent les « Républiques africaines modernes », requiert tout un livre sur les questions de la « balkanisation » de l’Afrique. Le « No man’s land » de la zone des trois frontières (Burkina, Mali, Niger) constitue, malheureusement, de nos jours l’épicentre du nœud gordien sahélien.
Toute élection, par définition, exprime la vox populi. Les aspirations du peuple sont bien connues désormais et les stratégies politiques devraient en tenir compte… Gageons que le véritable dialogue multidimensionnel aura enfin lieu pour rapprocher toutes ces forces latentes, qui attendent qu’on daigne bien leur faire confiance. Ces élections pourraient être le quitus pour agir en faveur d’une paix concertée et durable.
Neree Zabsonre, journaliste
(Membre Union francophone de la presse)
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