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Phénomène des taxis à gaz : L’Etat ruse-t-il avec un danger ou est-il pris dans un piège ?

C’est avec émotion que les Burkinabè ont découvert, en cette après-midi du vendredi, 27 novembre 2020, sur la route nationale N°1 (sortie ouest de la capitale), ce car de transport en commun, pris en flamme avec une vingtaine de passagers à son bord. Le premier bilan (officiel) a donné cinq décès dont un bébé de 18 mois. « Parmi les cinq décès, trois étaient carbonisés sur place. Quatorze personnes ont été évacuées et les dégâts sont importants », informe l’autorité compétente.

A l’origine, et selon les premiers témoignages sur les lieux,la compagnie de transport avait dans la soute, des bouteilles de gaz butane.

Un drame qui est venu relancer l’actualité sur ces taxis à gaz, devenu un phénomène, notamment dans les villes, Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Ainsi, dès le 1er décembre 2020, soient quatre jours après l’évènement tragique sus-évoqué, la police municipale de Bobo-Dioulasso a mis en fourrière une centaine de taxis fonctionnant aux bouteilles de gaz butane.

Pour jauger l’ampleur de la pratique, il suffit de prêter attention dans la circulation à Ouagadougou pour sentir l’odeur du gaz avec les taxis.

On observera que l’Etat, qui avait pris un ton d’autorité sur cette question, faisant le lien surtout avec le contexte sécuritaire, a finalement ‘’légalisé » la pratique en regardant les choses se faire.

En mars 2017, nous décrivions déjà la situation à travers l’article ci-dessous. Le drame du vendredi, 27 novembre 2020 va-t-il vraiment sonner le départ d’un sérieux combat contre cette attitude crasse qui vient ajouter des problèmes à l’existant ? En attendant, retour sur une situation interpellatrice, telle que présentée par des acteurs, eux-mêmes (article ci-après).


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Taxis à gaz : Le gouvernement pris dans la nasse ?

Qu’est-ce qui coince au niveau du gouvernement au sujet de ce phénomène de taxis à gaz ? Après le moratoire et plusieurs sursis, le gouvernement avait (enfin) annoncé, début février dernier, « la fin de la récréation » pour cette pratique aussi « pernicieuse » que « dangereuse ». Seulement, deux mois après cette sortie au ton strict et ferme, personne ne semble comprendre quelque chose dans cette inertie de l’exécutif face à cette pratique dont la dangerosité, en ces temps qui courent, a pourtant maintes fois été démontrée par les autorités elles-mêmes.

Face à la presse le 2 février 2017, le gouvernement, par le truchement du ministre des transports et de la mobilité urbaine, annonçait que « les services de police ont l’instruction de saisir les véhicules munis de bonbonnes de gaz au cours de leur contrôle ». Deux mois après, c’est toujours le silence. Si du côté des autorités, c’est mystère et boule de gomme, au niveau des organisations de taximen, l’on ne cache pas ses sentiments, mitigés.

De l’avis de ces responsables, pour une question aussi cruciale, cette attitude de rétropédalage masqué du gouvernement n’est autre qu’une façon d’exhorter à l’incivisme. « Quand tu prends une décision, il faut aller jusqu’au bout. Sinon, c’est une façon d’encourager l’incivisme », lancent-ils au gouvernement.

Selon les explications, l’on compte quatre syndicats de taximen à Ouagadougou et quatre à Bobo-Dioulasso. Si l’ensemble de ces organisations de la capitale économique et trois de Ouagadougou forment la Fédération nationale de syndicats de taximen du Burkina (FNST/Burkina), favorable à l’abandon du gaz (donc à un retour au moteur diesel), un syndicat de la capitale s’opposerait et mènerait campagne pour l’usage du gaz. « Si les autorités étaient passées immédiatement à la répression, le problème était résolu aujourd’hui. Soit c’est la loi, soit ce n’est pas la loi. Quand le gouvernement est sorti pour annoncer la répression, presque 90% des taxis avaient enlevé leur dispositif de gaz et nous étions vraiment heureux parce qu’on pensait que les actes allaient suivre immédiatement.

Mais, comme il n’y a pas réaction, l’autre syndicat (favorable au gaz, ndlr) est allé sur une chaîne télé de la place pour dire que l’usage du gaz n’est pas interdit et nos membres ont commencé à rejoindre son camp. (…). Au départ, les syndicats qui luttaient contre le gaz étaient écoutés mais, aujourd’hui, comme ils ont sensibilisé intensément et le gouvernement a reculé, ils ont tous les taximen sur leur dos. Et c’est dommage ; parce qu’aujourd’hui, en plus des populations, nous avons affaire aux taximen qui pensent que le gouvernement nous a donnés de l’argent pour qu’on lutte contre le gaz, ils nous taxent de corrompus, etc.


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Pourtant, tout le monde connaît le danger du gaz dans les taxis, mais personne ne veut regarder la réalité en face. Si on avait su que ça allait être lent comme ça, on n’allait même pas s’engager. Mais nous attendons…, à cette allure, le jour viendra où nous aussi allons faire une assemblée générale pour dire à nos membres que le gaz n’est pas interdit », s’insurge un des responsables de la Fédération nationale de syndicats de taximen du Burkina.


« Les taxis à gaz sont des explosifs ambulants », qualifie-t-il avant de mettre à nus certains risques. « Imaginez un peu ces taxis avec une femme enceinte à bord … ; pour elle-même et pour l’enfant qu’elle porte. Même les clients ayant des problèmes respiratoires…, c’est un vrai danger. Le taxi à gaz est un danger partout ; à la maison où il est garé, en circulation, aux lieux de stationnements publics …

Le pire est que même les véhicules personnels sont entrés dans la pratique. Il y a un mécanicien au centre-ville qui installe le système à gaz et si tu y arrives, tu vas voir beaucoup de véhicules personnels en train d’installer le système à gaz (…). », alertent ces responsables de la FNST/Burkina qui poussent loin dans leur analyse en établissant le risque dans le contexte global de menace terroriste. « Imaginez même la chaleur à Ouaga, des taxis à gaz sur le goudron… (…). Remarquez aussi qu’avant, les taxis dégageaient beaucoup de fumée. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

C’est l’effet du gaz butane. Un taxi qui utilise le gaz ne peut plus dégager une fumée, le gaz est tellement fort qu’il brûle tous les résidus dans le pot d’échappement.

C’est pour vous dire à quel point ce gaz qu’on utilise dans les taxis est dangereux pour les usagers, les populations. Certains taximen veulent faire croire que dans certains pays, les gens circulent avec le gaz ; ils oublient que non seulement ce sont des véhicules hybrides mais encore, le gaz qu’ils utilisent n’a rien à voir avec le butane (c’est un gaz spécial) et en plus, ce dispositif est uniquement utilisé en cas de panne sèche pour permettre au conducteur de retrouver la prochaine station pour se ravitailler en carburant », illustre un des interlocuteurs, responsable de taxis.

Une face cachée dans cette affaire ?

Pour des leaders de taximen, « on n’a même pas besoin de textes » pour mettre fin à la pratique. « On se lève, on arrête les gens, celui qui a une bouteille de gaz, on l’enlève et on la remet à la SONABHY (Société nationale burkinabè d’hydrocarbures). Rien que cela, ça va décourager les utilisateurs », minimisent-ils avant de rappeler que le gaz a été subventionné pour les ménages, pas pour les véhicules.

Sur les éventuelles raisons de cette ‘’inaction » du gouvernement, certains responsables de syndicat pensent que le fait d’avoir annoncé le renouvellement du parc de taxis dès 2017 peut expliquer en partie cela. ‘’On dit que le parc sera renouvelé dès 2017.

Mais, aujourd’hui, nous sommes quasiment au quatrième mois de l’année, rien comme informations. L’on ne nous dit même pas ce qu’il y a. On a même demandé des audiences en vain, le ministre est toujours en voyage. On ne sait vraiment pas ce qui se passe. Peut-être que c’est parce que l’Etat n’a pas les moyens de renouveler le parc des taxis qu’il n’est pas pressé pour lutter contre les taxis à gaz.

Si c’est cela aussi la raison, ça se dit !  », émettent-ils, informant que depuis 1959 que le taxi existe au Burkina, il n’y a pas eu un renouvellement du parc. « C’est seulement à la CAN 98 qu’il y a eu 20 véhicules », révèlent-ils. Outre cette hypothèse liée au renouvellement du parc, des leaders de la FNST/Burkina pensent que la question est aussi « politique ». Sans pour autant entrer dans les détails sur ce dernier aspect. Une déclaration que ne nient pas certaines sources de l’administration publique, proches du dossier. En clair, des promesses électorales sont aujourd’hui une épine au pied des autorités.

« Dès lors, la question devient délicate », confie-t-on. Toujours selon les mêmes sources suscitées, même si l’on peut comprendre la ‘’préoccupation » de ces syndicats, il n’en demeure pas moins que leur combat aux côtés du gouvernement implique des conditions notamment, leur demande à l’Etat d’accorder une subvention de 500 mille FCFA par taxi ‘’pour faciliter le retour au moteur à diesel ». Dans cette situation, passer à la répression vaudrait à leurs yeux, l’acceptation par l’Etat de cette condition pécuniaire. Comme le dirait l’autre donc : « voilà le débat ! ».

Oumar L. OUEDRAOGO

Lefaso.net

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