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Décorations au Burkina : Pierre Meyer doit-il restituer ses médailles ?

A l’occasion de la cérémonie officielle de décoration entrant dans le cadre de la célébration de la fête nationale, 1 192 Burkinabè ont vu les mérites reconnus. Dans la foulée, Pierre Meyer, professeur de Droit à l’Université Thomas Sankara, a exprimé « sa désolation » face à ces décorations sur son profil Facebook. Des propos qui ont indigné plus d’un sur les réseaux sociaux.

Le Burkinabè d’origine belge dit avoir jeté à la poubelle toutes ses décorations parce que c’est « une véritable honte d’être décoré » par un Etat qui s’est opposé à la nomination d’un rapporteur spécial sur les droits des homosexuels (personnes LGBTQI). Des critiques ont été sévères suite à son écrit. Pierre Meyer a présenté ses excuses par le même canal et a décidé de supprimer la publication de départ. Ce geste suffit-il ? Doit-il restituer ses décorations ? Dr Nestorine Sangaré donne son avis.

« Quand je lis certains internautes dire que l’incident est clos parce que Pierre Meyer a eu le bon sens de publier son mea-culpa après sa sortie peu élégante, cela me fait réagir. Avait-il vraiment le choix ? Est-il prêt à quitter ce pays pour aller vivre ailleurs avec tous les honneurs méprisés ? Il s’offusque à cause d’une opinion exprimée par une délégation officielle burkinabè et dit sa fierté d’avoir jeté ses médailles comme un enfant gâté ? Les Présidents du Ghana et du Sénégal ont dit ouvertement “non” à Obama sur la question de l’homosexualité et aucune personne n’a osé mépriser ces pays sur Facebook parce qu’elle est adepte du fait.

Depuis des décennies, Meyer n’enseigne pas officiellement les droits des minorités sexuelles au Campus de Zogona. S’il ne sait pas pourquoi il avait reçu plusieurs médailles et les jette à la poubelle, ce n’était certainement pas pour son soutien militant pour l’expansion de l’homosexualité au Burkina Faso, mais pour ses enseignements et ses publications d’ouvrages essentiels pour les étudiants.

Dans son mea-culpa, il ne dit pas s’il est reparti chercher les médailles à la poubelle pour les remettre à qui de droit, et cela me parait un point important à souligner. Après son aveu public et ce mea-culpa, il est tout de même obligé de restituer à la Grande Chancellerie ses médailles sans aucune valeur pour lui à moins que diligence ne soit faite pour les lui reprendre. Un adage de chez nous dit de ne jamais mordre la main qui te nourrit. Aurait-il eu autant de succès dans sa carrière professionnelle s’il était resté dans sa Belgique natale qui a légalisé l’homosexualité ? Il fallait que la nation burkinabè soit vraiment tolérante et accueillante pour que Pierre Meyer y vive depuis des années sans questionnement sur ses valeurs, en ayant même accès à de jeunes étudiants qu’il peut influencer pour épouser ses idées sans discussion.

Cette sortie illustre un complexe de supériorité et une intolérance intolérable à l’égard des millions de Burkinabè qui ne sont pas pro-homosexualité. Il dit enseigner le droit alors qu’il est partisan de la tyrannie de la minorité. Or, de même que les immigrés africains reçoivent l’injonction quotidienne de se conformer aux valeurs de la Belgique ou de la quitter, de même, Meyer doit respecter les valeurs de la nation burkinabè ou la quitter.

C’est lui qui est venu chez nous et trouver qu’il y fait bon vivre au point de refuser de retourner chez lui. Il a même pris la nationalité signe par excellence de l’adhésion à nos valeurs, et pas par opportunisme, espérons. C’est bien son droit et nous sommes hospitaliers. De là à vouloir nous imposer ses valeurs libertaires ?

Après le vote de la loi sur le mariage homo dans plusieurs pays européens, Meyer sait où aller pour se sentir respecté dans ses choix sexuels qui relèvent du privé et loin d’être une question d’Etat. Qu’il apprenne surtout que tous les peuples ont des droits culturels et qu’aucune valeur promue n’est neutre. L’expérience montre que l’universalité des droits humains n’est invoquée que lorsque les Européens veulent faire adopter par les autres peuples leurs propres valeurs, jamais l’inverse. C’est le cas pour l’homosexualité. »

Dr Nestorine Sangaré

Texte repris par Lefaso.net

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