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Primature : Christophe Dabiré, par défaut ou par raison, incarne une aspiration globale

Arrivé dans un contexte de multiples attaques terroristes et d’une cohésion sociale mise à rude épreuve, le 21 janvier 2019, Christophe Dabiré a pris l’allure de la situation nationale. Alors que nombre de Burkinabè s’inquiétaient du poids de son âge dans ce cocktail de challenges, l’ancien commissaire de la CEDEAO a réussi à imprimer ses marques. Si fait que sa reconduction, par défaut ou de raison, se présente comme un bon signal pour les priorités que le président Roch Kaboré a annoncées pour son deuxième et dernier mandat, notamment l’amélioration de la cohésion sociale et l’unité nationale.

Dès le 18 février 2019, devant l’Assemblée nationale pour prononcer sa Déclaration de politique générale (son référentiel de gouvernance), Christophe Dabiré exprimait par des larmes, sa préoccupation pour la situation du pays. Invitant les Burkinabè à œuvrer à l’Unisson et au vivre-ensemble, il annonçait par la même tribune, sa volonté de faire du dialogue avec les forces-vives du pays, un élément-clé de sa gouvernance. Durant son exercice, l’homme est effectivement allé au charbon, avec ses méthodes, son style. Il a réussi ce qu’il pouvait, surtout à s’adresser aux Burkinabè et à adopter la posture qui sied.

Bien-sûr, avec les inhérentes insuffisances qui vont avec toute œuvre humaine. Le contexte général lui permet-il de faire plus ? « Un homme peut avoir toutes les qualités et compétences, mais pris dans un système où il est complètement noyé, ça peut ne pas être des conditions propices pour un succès », avait réagi, à sa nomination en janvier 2019, le vice-président du CDP, Achille Tapsoba. Cet « ancien compagnon » louait au Premier ministre, ses qualités d’esprit d’ouverture, sa pondération, son ardeur au travail et sa rigueur.

En le reconduisant, et au-delà de toute spéculation, le président Roch Kaboré semble donc confirmer la perception positive dont jouit Christophe Dabiré auprès des Burkinabè.

« La reconduction du Premier ministre est un choix rationnel qui s’inscrit dans la volonté du président de la République de poursuivre une dynamique initiée depuis la nomination de ce dernier, et qui a donné satisfaction. C’est vrai qu’après les élections, beaucoup de noms ont circulé dans les médias et les cercles de réflexions sur la vie politique burkinabè, mais au finish, celui qui a le pouvoir de décision, c’est le président et lui se pose les questions suivantes : le Premier ministre a-t-il répondu largement aux attentes thématiques placées en lui ? Est-il capable de continuer à assumer cette fonction pour encore un moment ou dois-je faire appel à une autre personne répondant aux critères requis ? Cette personne peut-elle faire l’objet d’un consensus au sein de la majorité ?

Va-t-elle vite s’imprégner de ma méthode ?… Je pense qu’après s’être posé toutes ces questions, il a ainsi beaucoup consulté, (ce qui justifie le fait que cela ait pris du temps) avant de se dire que finalement, mieux vaut reconduire celui qui lui donne déjà satisfaction plutôt qu’une nouvelle aventure incertaine. Je pense toutefois que l’équipe gouvernementale à venir subira une bonne retouche et que le Premier ministre aura une plus grande marge de manœuvre », analyse Windata Zongo, enseignant et consultant sur les questions de gouvernance politique, chargé de programmes au Centre africain d’analyses et recherches diplomatiques et stratégiques (CAARDIS).

Une confiance progressivement établie avec les Burkinabè

Pour les priorités que le président Roch Kaboré s’est fixées, Christophe Dabiré serait donc un bon filon pour conduire à l’idéal, notamment le processus de réconciliation nationale. Dès sa première nomination, même des leaders de l’opposition ont reconnu en lui, un homme ayant des compétences, des capacités, des valeurs intrinsèques et extrinsèques. Une bonne disposition morale et générale pour rétablir et asseoir une dynamique d’unité nationale.

Un esprit d’ouverture qu’il a effectivement manifesté, dira-t-on, par cette visite, le 1er avril 2019, au siège du Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF). « C’est la première fois qu’un chef du gouvernement pense utile de se déplacer au siège du CFOP-BF », avait magnifié le premier responsable de l’institution, Zéphirin Diabré, pour qui cet acte est un signe distinctif de considération. Une lancée qu’il a réitérée à souhait lors de sa tournée régionale dans la Boucle du Mouhoun, du 23 au 26 juillet 2020 : « L’unité nationale est un bien tellement précieux qu’il ne faut pas que nous la perdions ».

En réussissant à conduire le gouvernement précédent, Christophe Dabiré a prouvé que la mise en œuvre de sa feuille de route est un art à part entière, loin parfois des aspects physiques. Sans doute comprendra-t-il que pour ce second et dernier mandat, le temps est compté et qu’il faut, à tout prix, concrétiser ce qui doit l’être. C’est dire que c’est un mandat qui a besoin de deux impératifs : un esprit ouvert et une main ferme. Et si le président a rebeloté avec lui, c’est qu’il estime qu’il est la bonne option pour incarner la ligne.

Aussi saura-t-il, avec l’aide des ministres sortant qui seront reconduits, faire vite l’attelage pour minimiser le flottement de temps inhérent à la mise en place de nouveaux gouvernements sous nos cieux. Son âge pourrait être un autre avantage, en ce sens qu’il ne sera plus là ni pour travailler à une réélection du président ni pour chercher de la lumière, mais plutôt pour des résultats.

Oumar L. Ouédraogo

Lefaso.net

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