Vente d’accessoires de voitures: Le gagne-pain de certains Ouagavillois
Face à la très préoccupante question du chômage au Burkina Faso, ils sont nombreux les jeunes qui ont décidé de ne pas s’avouer vaincus. Parmi ceux-ci, les vendeurs d’accessoires de voitures qui arpentent les abords des grands axes de la ville de Ouagadougou à la recherche de leur pain quotidien. Pour mieux comprendre ce monde, Minute.bf a approché quelques-uns d’entre eux qui expliquent comment ils sont arrivés dans ce métier, ce qu’ils gagnent, les difficultés et leurs propositions pour la résorption du chômage au Burkina Faso.
Il n’est pas rare de voir des jeunes chargés de tapis de voitures, accessoires audio pour voiture, soufflet de levier de vitesse de véhicules, d’enjoliveurs, de couvre-siège, des désodorisants, etc. slalomer entre les voitures et braver toute sorte de risques dans la dangereuse circulation de Ouagadougou chaque jour à la recherche de potentiels clients.
Impossible pour qui a déjà emprunté l’avenue Kouamé N’Krouma de Ouagadougou, de ne pas remarquer ces jeunes qui s’affolent autour des voitures, proposant toute sorte d’accessoires pour le décor des voitures. Pour les avoir approchés, le sentiment général qui se dégage est que ces commerçants dont la quasi-totalité est jeune et qui sont diversement arrivés dans ce domaine, partagent le point commun de refuser de donner raison au chômage.
Alors qu’il rêvait d’une carrière de footballeur, Aristide Amed Zoungrana nous a confié que les blessures ont jeté les ponts qui l’ont conduit dans la vente des accessoires de voitures et ce, depuis 6 ans. « Découragé » de ne savoir plus quoi faire après moult blessures, M. Zoungrana dit avoir écouté les conseils d’un grand frère qui l’a suggéré de venir avec lui pour tenter sa chance au marché. « Au début, je venais et je repartais parce que je n’arrivais pas à tenir. Il est difficile de s’adapter dans le domaine. Nous sommes nombreux et tout le monde se rue sur le client qui nous accosté au point que ce dernier n’arrive pas à satisfaire tout le monde d’autant plus qu’il n’est pas question pour ceux qui ont déjà vendu de laisser la place à ceux qui n’ont encore rien eu dans la journée. C’est un lieu de combat où rien est facile. », relate-t-il.
Quant à Moussa Nana et Adama Nikiema, également vendeurs d’accessoires de véhicules, ils disent tous s’être lancés dans le métier sur conseils d’autres personnes alors qu’ils passaient leur temps dans les kiosques à ne rien faire. « C’est quelqu’un qui m’a conseillé de venir me débrouiller sinon je passais mon temps à me balader à ne rien faire au quartier », confie Moussa Nana. Suivre les conseils semblent avoir payé pour nos interlocuteurs qui unanimement disent gagner leur vie à partir de ce petit commerce.
« Tout ce que je fais dans ma vie, c’est à partir de ce que je gagne ici », s’est félicité Aristide Amed Zoungrana, père d’un enfant et pilier sa famille à travers son commerce. C’est également le quotidien de Moussa Zoungrana, qui révèle que c’est à partir de ce travail qu’il nourrit sa famille, soigne ses enfants et les scolarise. « Je n’ai aucune autre source de revenu », appuie ce dernier qui se satisfait de pouvoir « déposer, chaque matin, l’argent de popote et de donner quelques pièces aux enfants pour qu’ils aillent à l’école ».
A travers cette activité qui les expose à toute sorte de raillerie, Moussa Nana a pu s’acheter un terrain non-loti sur lequel il a construit. Pour autant, M. Nana et ses camarades ne sont pas à l’abri des difficultés du domaine.
Manque d’espace, problèmes financiers
« Comme dans toute sorte d’activités, il y a des difficultés », a reconnu Aristide Amed Zoungrana avant de citer nommément le nerf de la guerre. « Chez nous dans le commerce, le gros souci c’est quand tu n’as pas les moyens pour acquérir les articles afin de satisfaire les clients », a expliqué celui-là qui dit être installé à son propre compte même si faute de moyens, il n’arrive pas souvent à se procurer tout le matériel nécessaire.
Cet argument semble la chose la mieux partagée par l’ensemble des vendeurs d’accessoires de voitures qui nourrissent tous le rêve de voir leur commerce se développer avec la possibilité d’avoir tous les articles à leur disposition pour satisfaire et fidéliser leurs clients.
Aristide Amed Zoungrana nourrit le rêve de pouvoir voyager en Chine ou dans bien d’autres pays comme certains d’entre ses camarades, pour se muer en ravitailleur d’articles de décoration de voitures. Ce problème financier, à les entendre, est également la principale difficulté que rencontre ces vendeurs d’accessoires qui n’arrivent pas s’ouvrir une boutique de vente d’accessoires.
Par ailleurs, l’autre écueil que nos interlocuteurs ont relevé est celui du risque d’être chassés à côté des ruelles par les forces de l’ordre. « L’autre souci aussi, ce sont les descentes de la police municipale, qui vient souvent ramasser nos articles parce que nous sommes au bord de la route. Ils nous font payer 20 000 F CFA ou plus. Nous leur demandons de nous comprendre car lorsque nos moyens nous permettront de nous installer normalement dans des boutiques, ils ne nous verront plus ici », s’est exprimé Moussa Zoungrana qui en a déjà été victime d’interpellations policière.
Pour surmonter ces goulots d’étranglement, les commerçants tendent tous la main aux autorités pour leur apporter des coups de pouce, eux qui disent contribuer à résorber le chômage.
Des micro-crédits pour soutenir de petits entrepreneurs
Les difficultés identifiées, les vendeurs d’accessoires de voitures ont souhaité des soutiens pour améliorer leur commerce. L’argent et le commerce étant intimement liés, nos interlocuteurs ont tous formulé le vœu d’être soutenus financièrement par l’Etat étant donné qu’eux aussi participent à la résorption du chômage.
« Nous prions depuis des années pour que les autorités nous soutiennent financièrement même si c’est avec ne serait-ce que 10 jeunes par an; je vous assure que ces 10 personnes développeront leur commerce, embaucheront d’autres jeunes et ainsi de suite », plaide Aristide Amed Zoungrana.
Et à Adama Nikiema d’ajouter que leur « courage », leur initiative « de quitter les bancs des kiosques pour se débrouiller méritent d’être soutenus par l’Etat qui peine à trouver de la place dans la fonction publique pour les jeunes ». Sur les modalités du soutien financier attendu par ces derniers, Moussa Nana et Moussa Zoungrana pensent que l’octroi de prêts ou de micro-crédits leur sera d’un renfort fort appréciable.
Sur la question des espaces qui s’impose dans l’exercice leur métier, M. Zoungrana precise qu’il n’est pas contre l’appel à quitter les abords des voies pour les boutiques. Mais il dit attendre de se constituer un bon budget pour s’offrir une boutique vavant de faite, souhaitant pour l’heure, qu’une trêve lui soit accordée afin qu’il réunisse toutes les conditions nécessaires pour s’installer dans sa boutique.
Pour leur part, Adama Nikiema et Moussa Nana soutiennent que le lieu qu’ils occupent actuellement (le long de la route quittant le rond-point des Nations-Unies vers le Palais de Justice de Ouagadougou) est reconnu par tous comme étant un espace réservé aux vendeurs d’accessoires pour la décoration des voitures.
Ainsi, même si ces commerçants reconnaissent qu’ils créent parfois des embouteillages, ils en appelle à la compréhension des usagers de la route car, « il ne sert à rien de nous renvoyer dans les non-lotis à ne rien faire alors que l’Etat ne peut pas non plus nous trouver du travail ».
Qu’à cela ne tienne, dans ce monde de « combat » ou la « concurrence est permanente » et où on travail « 7 jours sur 7 et même les jours fériés », ceux qui sont sur le terrains encouragent « les jeunes sans emplois qui passent leur temps dans les kiosques à ne rien faire » à venir tenter leur chance. « Le métier nourrit son homme », rassure Aristide Amed Zoungrana. « Pour ceux qui sont tentés de se lancer dans notre activité, je les conseille à le faire parce que c’est à partir de cela que nous tous qui sommes ici gagnons nos vies. Par jour, tu peux t’en tirer avec 5 000 ou 10 000 F CFA et parfois même 25 000 pour dire que quelqu’un qui prend un salaire de 100 000 par mois ne vaut pas mieux que nous », soutient Adama Nikiema.
Franck Michaël KOLA
Minute.bf
Source : Minute.bf
Faso24