Conte et éducation des enfants : « Le conte est incontournable pour la structuration de la vie de l’enfant », enseigne Kientéga P. Gérard dit KPG
Le conte est « transversal, universel » et joue un rôle capital dans l’éducation des plus jeunes. C’est en tout cas la conviction du conteur professionnel Kientéga Pengdwendé Gérard, alias KPG. Avec l’Atelier de la forge, il a mis l’oralité au cœur de la cité. C’est un moment privilégié où l’écoute, le chant et la parole s’imbriquent, se télescopent et produisent une énergie décontractante. Celle de l’univers mythologique de la terre rouge du « pays des Hommes intègres ». « Le Conte à l’école » aborde plusieurs thèmes de « Paloukd Naba kisgré, l’inamovible enclume » du nom du grand père du conteur professionnel. Dans cette interview, KPG est revenu sur le rôle du conte dans l’éducation des plus jeunes, l’objectif visé par « Le conte à l’école ». Lisez plutôt !
Lefaso.net : Comment vous est venue l’idée de « l’Atelier de la Forge » ?
KPG : En tant que forgeron moderne, conteur, qu’est-ce qu’on peut faire si ce n’est bien évidemment de forger les mots, modeler les histoires, les transformer et en même temps les rassembler pour en faire une histoire afin de permettre à la population de pouvoir écouter et entretenir la cohésion sociale. Dans l’Atelier de la forge, nous travaillons sur les mythes, les légendes, les épopées, les fables, etc. D’ailleurs, nous avons écrit une fable contemporaine qui s’inspirait de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, qui s’appelait « Kosyam ». C’est un projet métaphorique où on traite la symbolique de tous les outils de la forge.
Lefaso.net : Vous êtes le fondateur du Centre culturel « Koombi solidarité ». Quelles sont les activités que vous y menez ?
KPG : D’abord, le conte à l’école fait partie des activités du Centre. C’est un centre de formation destiné aux enfants et aux jeunes non scolarisés ou déscolarisés, ou alors scolarisés en milieu rural. Vu la situation, on a commencé ici c’est-à-dire à Ouagadougou, mais nous allons nous étendre dans les autres régions. L’objectif du Centre c’est de valoriser notre culture et le conte.
Les autres activités du Centre culturel c’est la danse par l’appropriation des différents types de danses qui existent au Burkina, la musique, la confection d’instruments de musique. Il y a aussi des activités de tournées en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis, etc.
Lefaso.net : Pensez-vous que le conte a encore sa place dans l’éducation des plus jeunes ?
KPG : Le conte a toujours sa place dans l’éducation et la conscientisation des plus jeunes. Le conte s’adapte. Que ce soit dans le monde numérique ou à la télé, nous avons vu que le conte s’est adapté à travers les dessins animés, à travers les films. Parce que le conte c’est une histoire que l’on raconte et les histoires on les retrouve un peu partout dans toutes les productions artistiques. On profite du numérique pour pouvoir faire passer le conte qui est universel et transversal. Maintenant c’est le conte dans sa façon racontée qui peine à s’installer. Ce domaine a été laissé.
Lefaso.net : Quel est l’objectif du « Le conte à l’école » que vous avez initié ?
KPG : C’était un devoir pour nous, parce qu’on a remarqué que la plupart de nos enfants n’avaient pas de rêves ou du moins rêvaient d’héros qui nous viennent d’ailleurs. Il a fallu qu’on fasse un travail toponymique, de réhabilitation de notre histoire mais aussi de nos héros pour permettre à nos enfants de pouvoir rêver à partir de leur propre histoire et de leur propre culture. Aujourd’hui, sans culture fondamentale, on ne peut pas cultiver une vraie éducation.
C’est la raison pour laquelle on a mis sur place « Le conte à l’école » parce que comme on dit, pour sauvegarder un patrimoine, une culture, il faut la confier aux enfants. Nous on s’est dit que le conte est important car c’est le canal de transmission que nos ancêtres ont utilisé et nous on continue de l’utiliser. Toutes les théories s’inspirent du conte. La structure du conte est fait en sorte qu’on puisse éduquer une vie et toute la société avec. Donc pour structurer la vie de l’enfant, le conte est incontournable.
Lefaso.net : Le « mooré » est beaucoup présent dans vos créations. Est-ce le fait du hasard ?
KPG : Ce n’est pas le fait du hasard. C’est bien normal pour nous. Parce que moi quand je réfléchis, je le fais d’abord dans ma langue, c’est-à-dire en mooré et ensuite je le traduis en français. Cette gymnastique fait que cela me ralentit à un certain moment puisque je suis obligé de réfléchir doublement. Ce qui est important ici, c’est que le mooré vient renforcer et donner une autre forme poétique au français que je parle. De toute façon je suis moaga et tout ce que je véhicule ce sont des valeurs moaga.
Lefaso.net : « Ragaandé », un disque de conte sorti en janvier 2016 a connu un accueil positif du public. D’autres disques suivront-ils ?
KPG : Ragaandé », c’est effectivement un projet de conte et de musique que nous avons créé avec un groupe de musique en France. La production a été assurée par moi-même. C’est un spectacle très riche en contenu. Nous avons vendu près de 3000 disques. Nous en sommes fiers parce que c’est une production personnelle.
Il y a beaucoup de créations notamment dans les bases de données de « l’Atelier paloukd Naba kisgré de l’inamovible enclume », qui attendent d’être produites. Malheureusement il faut avoir les moyens pour faire un disque. Si nos projets culturels ne sont pas défendus comme il le faut, c’est parce que les gens ne connaissent pas leur culture.
Propos recueillis par Obissa Juste MIEN
Lefaso.net
Source : lefaso.net
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