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Covid-19 : « 2021 semble être plus sombre que 2020 », perçoit Nathanaël Tapsoba, expert en gestion des catastrophes

Dans cette interview accordée à Lefaso.net, Nathanaël Tapsoba, expert en gestion des catastrophes naturelles, humaines et technologiques, explique les mesures à prendre face à la deuxième phase de propagation du coronavirus. Selon lui, “l’État burkinabè doit mettre en place un plan pour venir en aide aux couches vulnérables ou les secteurs qui sont touchés par les mesures prises en indemnisant ces personnes, entreprises, sociétés et autres”.

Lefaso.net : Avez-vous l’impression que le Burkina Faso (l’Afrique), contrairement à ce qui était annoncé par les médias occidentaux (les milliers de morts) a su maitriser la propagation du virus ? Pourquoi ?

Nathanaël Tapsoba : Les médias occidentaux ont parlé sur instruction ou recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui dans leurs prévisions donnaient plus de morts en Afrique du fait de manque de structures sanitaires adéquates. Mais ces médias et l’OMS ont oublié qu’avant la science moderne, l’Afrique disposait de médécine dite traditionnelle comme en Chine.

Non, je n’ai pas l’impression que le Burkina en particulier et l’Afrique en général ont su maitriser la propagation de la maladie à coronavirus (COVID-19).

A ce jour, aucun pays au monde n’a encore pu maitriser le virus, cela prendra du temps pour trouver une solution même si on utilise quelques méthodes de base par rapport à des maladies passées ou similaires pour réduire le risque de contamination et de mort. Personne à ce jour ne peut dire quand cette pandémie liée au coronavirus va finir ou prendre fin, et 2021 semble être plus sombre que 2020. Permettez-moi de revenir sur le cycle des pandémies dans le monde.

Il faut noter que la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est un cycle de cent ans, du fait que les êtres humains (hommes et femmes) traitent la nature qui se rebelle contre ces êtres humains. Si nous remontons dans le passé, nous verrons que tous les cent ans, il y a une pandémie. Je prendrai quelques exemples à partir du 13e siècle, mais on pourrait aller au-delà du 13e siècle.

En 1220, il y a eu l’invasion mongole qui a brûlé et rasé l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan, le Pakistan, la Russie, l’Ukraine, la Pologne et la Hongrie.

En 1320, il y a eu la peste noire avec comme symptômes des maux de tête, la fièvre, des frissons, des tâches noires et violettes sur la peau suivies de la mort en moins d’une semaine.

En 1420, il y a eu une peste que la science n’a jamais pu nommer.

En 1520, il y a eu la variole qui a fait entre deux et trois millions et demi (2 000 000 à 3 500 000) de morts.

En 1620, il y a eu l’arrivée des Anglais, des Européens aux USA avec une maladie sans nom qui a détruit une bonne partie de l’Amérique du Nord.

En 1720, il y a eu la peste de Marseille qui s’est propagée rapidement et qui a fait plus d’un million de morts.

En 1820, il y a eu le choléra qui a fait aussi plusieurs millions de morts.

Entre 1918 et 1920, il y a eu la peste pneumonique ou la grippe espagnole (H1N1, SRAS et autres) avec plus de cinq cents millions de personnes infectées et plus de cent millions de morts. C’est la peste la plus meurtrière de l’histoire après 1320.

Entre 2019-2021 : il y a eu la maladie à coronavirus (Covid-19) toujours en cours.

En 2120, il y aura encore une pandémie du genre pneumonique. Alors rendez-vous en 2120 pour la suite des pandémies.

Comment percevez-vous la deuxième vague de propagation du virus au Burkina Faso ? Avez-vous l’impression que le Burkina Faso est préparé à l’affronter ?

J’avais déjà dit que les risques d’aggravation de la maladie à coronavirus (COVID-19) au Burkina Faso demeurent possibles à cause de la chute des températures, le non-respect des mesures barrières ou distanciation sociale, la mauvaise manière de porter et conserver le masque et d’autres facteurs (la mauvaise utilisation du masque où son port ne vous protège pas). En son temps, j’avais été accusé de vouloir semer la peur et la psychose au sein de la population, je redis et je répète, prenez des mesures pour vous protéger, la maladie ne joue pas.

Aussi, il va falloir éduquer nos intellectuels et autres autorités sur comment porter son masque et le conserver pour donner l’exemple à nos communautés ou populations. Pour ma part, ce sont des choses qui devraient arriver, c’est comme dans un tremblement de terre où il y a toujours une ou plusieurs répliques, donc la maladie à coronavirus a plusieurs répliques et des souches variantes que nous verrons dans les jours, mois et années à venir. Selon certains spécialistes, le SRAS-COV2, un des virus de la grippe espagnole, serait à l’origine de la maladie à coronavirus (COVID-19).

Alors, vous voyez vous-même que la grippe espagnole de 1918-1920 a fait plus de cinq cents millions (500 000 000) de personnes infectées et plus de cent millions (100 000 000) de morts à travers le monde ; donc la maladie à coronavirus (COVID-19) que le monde entier vit est et demeure une suite logique de la grippe espagnole. En cela, le nombre de contaminations et de victimes va être encore élevé cette année 2021 et les années à venir. C’est dans cette optique que l’OMS préconisait des mesures en Afrique et dans le reste du monde.

Aussi, le Burkina Faso fait tout ce qui est en son pouvoir pour régler les choses, mais il faut que les populations comprennent que même des pays plus nantis que le Burkina Faso ne peuvent pas toujours régler ces situations (COVID-19, crises humanitaires et sécuritaires) rapidement comme le souhaitent les populations. Les services techniques, le gouvernement prennent des mesures pour aider les populations et c’est aussi aux populations d’accompagner le gouvernement dans les mesures prises pour éviter de mourir.

Au regard de ce qui précède, les pandémies viennent pour faire plusieurs milliers voire plusieurs millions de morts avant de s’arrêter et pour rétablir l’équilibre de la nature et/ou de l’écosystème. Chacun de nous doit être prévoyant, civique et respecter les mesures sanitaires mises en place par les professionnels de la santé et les autorités gouvernementales.

On parle de plus en plus d’augmentation des cas de contaminations ces derniers mois ? Comment l’expliquez-vous ? Que faut-il faire pour freiner la propagation ?

Je crois qu’il y a eu un relâchement après avoir remarqué que la prévision des « milliers de morts des médias occidentaux et de l’OMS » était un discours « de peur », mais aussi l’incivisme durant la campagne présidentielle et législative. C’est dans ce sens que je voudrais demander aux uns et aux autres de redoubler de vigilance car chaque individu à un organisme propre à lui et réagit différemment en cas de maladie. (C’est pour cela que vous voyez que la plupart des victimes du COVID-19 avait des maladies dites primaires à savoir le cancer, le diabète, des personnes âgées, un système immunitaire affaibli ou faible, etc.).

Il faut relativiser les choses car chaque continent et chaque pays possède ces propres produits alimentaires qui produisent des gênes ou substances pour lutter contre certaines formes de maladies dans leurs régions ou pays. Si nous voyons dans le passé, le cancer, le diabète et autres maladies dites modernes n’étaient pas des maladies fréquentes au Burkina Faso car nos arrières, arrières grands parents consommaient local, bio et sain. Aujourd’hui nous consommons à presque 100% des produits étrangers, non naturels, au Burkina, et cela a des conséquences très graves sur notre santé.

Comment gérer les implications du Covid-19 sur le plan économique au niveau des couches vulnérables ?

En me basant sur des conventions et résolutions signées par le Burkina Faso sur la protection des couches vulnérables contre la maladie à coronavirus, qui relèvent exclusivement des gouvernements (président du Faso, Conseil des ministres, gouverneurs, maires et services techniques). Cela signifie que l’État burkinabè doit mettre en place un plan pour venir en aide aux couches vulnérables ou les secteurs qui sont touchés par les mesures prises en indemnisant ces personnes, entreprises, sociétés et autres. Cette aide peut être faite sous différentes formes qui seraient dans l’intérêt des parties.

Quelles leçons l’Afrique doit tirer de la pandémie du Covid-19 ?

Je crois que la maladie à coronavirus demeure une excellente leçon pour l’Afrique de pouvoir rebondir sur la scène internationale et de compter sur soi (l’indépendance économique de l’Afrique doit être maintenant ou jamais). Vous aviez vu vous-même que certaines puissances on fait des vaccins qu’on peut uniquement conserver à -70 degrés Celsius. Dites-moi, quel pays africain a les moyens de conservations de ces vaccins ? Il faut que les Africains se réveillent de leur sommeil qui a trop duré et arrêtent de toujours compter sur l’aide internationale ; cela n’est pas la solution.

La maladie à coronavirus est venue montrer la voie que les Africains doivent suivre, à savoir produire et consonner local comme les Asiatiques le font depuis des années ; même si pour un début la qualité n’y est pas, produisons et consommons pour améliorer la qualité chaque jour, ainsi nous deviendrons autonomes année après année. Il faut aussi noter qu’au début des indépendances africaines (1958-1960), l’Afrique était plus développée que l’Asie. Soixante (60) ans plus tard (2020-2021), c’est le contraire.

Aussi nos soi-disant intellectuels doivent cesser les querelles inutiles, les intérêts personnels et autres ; accepter de consentir des sacrifices (arrêt des grèves, suspensions des bonus et autres indemnités au niveau du gouvernement et des travailleurs du public, réductions du train de vie de l’État, prélever des taxes sur les riches et les sociétés multinationales, minières, immobilières, téléphonies et autres ; l’indépendance de la justice au sens propre comme au figuré, la lutte contre la corruption, les détournements et autres.)

En un mot, ne plus accorder des avantages à quelques minorités sous quelque motif que ce soit, car le développement de l’Afrique commence par son indépendance économique pour l’intérêt supérieur de la nation. Se focaliser sur l’essentiel qui est le développement du Burkina Faso en particulier et de l’Afrique en général. On ne peut pas bâtir une nation sans sacrifice ; aucun pays ne s’est développé sans le sacrifice des uns et des autres. Enfin, mettre les Hommes qu’il faut à la place qu’il faut sans esprit politique ou identitaire en se basant sur les compétences et le mérite.

Votre dernier mot ?

Je voudrais inviter chaque Burkinabè au respect strict des mesures sanitaires et gouvernementales et que dans chaque secteur ou structure gouvernementale ou privée, l’on créé des comités de gestion de crises ou catastrophes capables de prévenir et de dire aux décideurs les risques que pourraient engendrer ces crises et aussi procéder à des confinements et/ou des évacuations des populations ou des travailleurs quand un incident arrive. Les crises, pandémies ou catastrophes seront de plus en plus courantes et nous devrions apprendre à vivre avec.

Je demeure disponible pour accompagner les populations ou les structures étatiques, privées ou internationales dans la mise en œuvre des plans d’urgences, des études et autres formations.

Propos recueillis par Edouard K. Samboé

Lefaso.net

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