Le réseau des chercheurs scientifiques a animé, le mercredi 20 janvier 2021 à l’Institut français de Ouagadougou, le 72e numéro de « maquis-science » sur l’impact du changement climatique sur le développement des ravageurs dans la filière fruitière (cas des mangues). Il a aussi proposé quelques solutions pour optimiser la production agricole au Burkina Faso. L’activité avait pour thème « Les cultures fruitières face au changement climatique : états des lieux et défis ».
La production de la mangue représente 60% de la production fruitière nationale. Cependant, elle fait face à de graves menaces : les ravageurs des fruits (qui sont des insectes nuisibles car leurs reproductions ou leurs alimentations affectent la qualité nutritionnelle et la valeur marchande des fruits), les maladies (dessèchement des manguiers) et l’érosion des sols. Les mouches de la mangue présentent un intérêt économique majeur car « une mangue piquée est une mangue perdue » dit-on souvent. Face à ce danger que court la filière, une étude d’investigation sur les manguiers a été menée.
À l’issue des investigations, il est ressorti qu’en temps de pluie, les dégâts sur certaines variétés comme « brousse et kate » peuvent atteindre 100%. Les variétés locales sont résistantes à ses insectes. La biologie du ravageur étant influencée par les facteurs climatiques (température, pluviométrie), le ravageur ne résiste pas à la période froide et sèche. Or cette année (2020), le Burkina n’a pratiquement pas eu de période froide, par conséquent cela a pu être un avantage pour les ravageurs.
Comment reconnaitre la présence de ces mouches fruitières sur la mangue ? Dr Issaka Zida est chercheur en gestion agroécologique des ravageurs des cultures. Il a expliqué que c’est suite à une piqûre que ces détracteurs déposent leurs œufs dans la mangue et par la suite d’autres agents pathogènes profitent de ce trou pour se développer et affecter le caractère esthétique de la mangue (mangues tachetée de noire). En plus des ravageurs, Oumarou Zoéyandé Dianda, docteur en science biologique appliquée option phytopathologie, a ajouté qu’il y a le dessèchement des manguiers, qui a d’ailleurs fait l’objet de sa thèse, qui constitue aussi une menace pour la filière fruitière.
- Panélistes : (gauche à droite)Dr. Zoéyandé Oumarou Dianda, biologiste,option phytopathologie, Esther Dienderé, biochimiste et entrepreneuse, Karim Namoano, journaliste scientifique, Dr.Souleymane Nacro, entomologiste agricole, Issaka Zida, chercheur en gestion agroécologique des ravageurs des cultures, Razack Abdoul Belemgnegré, directeur du centre de formation en agroécologie et en agriculture biologique
Il a raconté que l’explosion de ce phénomène date de 2015 dans les provinces du Nahouri (région du Centre-Sud) et de la Sissili (région du Centre-Ouest), où des vergers ont été totalement dévastés. Selon ce spécialiste en phytopathologie, c’est une espèce de champignon qualifiée « d’agent pathogène opportuniste » qui est à l’origine de la mort des plants de manguier. Mais le manque des nutriments qui est la cause secondaire contribue à affaiblir le manguier pour que le champignon puisse prendre le dessus et le neutraliser.
Selon Esther Diendéré, biochimiste, micro-biologiste et entrepreneure, sur 12 modèles de jus qu’elle transforme, celui du jus de mangue occupe 40%, environ 10 tonnes de mangues par an. Elle a fait savoir que l’impact du changement climatique sur les mangues affecte considérablement le rendement et en quantité et en qualité car, dit-elle, « certains clients disent que s’il n’y a pas de jus de mangue ils ne vont pas prendre les autres jus. »
Quelles méthodes de lutte contre le dessèchement des manguiers ?
A ce niveau, Dr Dianda a fait un exposé assez conséquent. « Il y a la lutte chimique, biologique et la recherche des variétés résistantes. Avec l’apparition de ce phénomène nous avons préconisé à court terme l’utilisation des synthèses. Nous sommes partis du principe que c’est le champignon qui est le principal facteur, et les facteurs secondaires sont le manque de nutriment. Nous avons réunis des intrants pouvant améliorer l’état des plantes. Nous avons testé d’abord le fongicide sur le champignon au laboratoire, puis nous avons repéré les fongicides les plus efficaces pour les tester sur le terrain.
Sur le terrain nous avons procédé à deux types de traitement : souterrain et aérien. Au niveau souterrain, nous avons creusé une cuvette d’une profondeur d’environ 30 cm et nous y avons appliqué des intrants (le MPK pour la fertilisation, la deltaméthrine pour des cas d’attaques des insectes, à l’intérieur de la cuvette. Après nous avons rebouché légèrement la cuvette en y apportant 100 litres d’eau).
Au niveau aérien on a taillé jusqu’à 80% les parties desséchées (les branches mortes) qui sont ensuite brûlées parce qu’elles contiennent des pathogènes. Enfin, nous avons procédé à la préparation de la bouillie qui est une solution obtenue à partir du mélange de fongicide et d’eau. Nous avons pulvérisé cette bouillie sur toute la partie aérienne. Le traitement a été réalisé quatre fois avec un intervalle de deux semaines d’une séance à l’autre. Ce qui nous a permis de récupérer plus de 80% » a expliqué Dr Dianda.
Sauver la culture fruitière au Burkina
« Si dans dix ans rien n’est fait, on court vers la catastrophe », avertit Dr Souleymane Nacro, docteur en entomologie agricole. Pour lui, le dessèchement des plantes (manguiers, anacardiers, karitiers, etc.) prend de l’ampleur au Burkina Faso, d’où la nécessité de saisir le taureau par les cornes afin d’éviter le pire. C’est pourquoi, il a attiré l’attention des autorités en charge de l’Agriculture et de la Recherche à une synergie d’action afin de freiner la progression de la maladie. « Il faut prendre le taureau par les cornes et travailler ensemble. Il est urgent que l’Etat puisse accroître sa contribution au niveau du financement de la recherche » » a-t-il lancé.
- Participants
À ce propos, il a préconisé de mettre en place un fonds de financement pour former les producteurs et faciliter les recherches. Il s’agit, selon Dr Nacro, de prélever des ressources sur les taxes d’exportation des fruits pour financer la recherche et la formation des acteurs depuis les petits producteurs jusqu’aux exportateurs. « On a besoin de créer de nouvelles variétés mais les ressources financières font défaut. Ce qui entraine souvent des frustrations au niveau des chercheurs », confie-t-il.
Dr Zida, quant à lui, a proposé de mettre en place des kits de détection pour détecter la présence des maladies. A l’entendre, les producteurs ont un sérieux problème : la méconnaissance des symptômes. De ce fait, il a expliqué que les producteurs partent prendre chez les pépiniéristes des plants déjà atteints par la maladie pour les mettre en terre, d’où l’urgence de former les producteurs.
En 2017, les ravageurs ont contribué à baisser la production fruitière par faute d’accompagnement, a indiqué Mme Diendéré. Pour elle quand on a l’accompagnement des bailleurs, la production augmente mais une fois terminée, on assiste à une baisse drastique de la production fruitière. Pour preuve, elle a témoigné que la quantité de 2016-2017 (90 000 tonnes) a été lamentable parce que les producteurs n’ont bénéficié d’aucun accompagnement. Par contre la période après 2017, qui a bénéficié de l’appui de l’Union européenne, la production a augmenté et les chiffres ont grimpé.
Quant à Abdoul Razack Belemgnegré, directeur du centre de formation en agro- écologie et en agriculture biologique, il a surtout invité les acteurs du monde fruitier à aller vers les informations les concernant. Il a expliqué qu’au Burkina ce qui est plus recommandé c’est la promotion des savoirs endogènes. A titre d’exemple, les « crottins d’âne » et la « bouillie de cendre » sont des savoirs locaux utilisés pour lutter contre les ravageurs.
Dofinitta Augustin Khan
Lefaso.net
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