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Importation d’alcools frelatés au Burkina : L’affliction se poursuit malgré l’interdiction

Le gouvernement burkinabè, à travers le ministère en charge du Commerce, a déclaré la « guerre » aux producteurs, importateurs, grossistes et détaillants en interdisant la vente des boissons frelatées néfastes pour la santé. Dans le communiqué du ministère datant du 6 septembre 2019, il informait les acteurs impliqués qu’ils s’exposeraient à des sanctions prévues par les textes en vigueur. Ceci, pour freiner ou stopper la consommation d’alcool et stupéfiants surtout en milieu scolaire. Mais la réalité du terrain est tout autre. Des revendeurs arrivent à faire toujours rentrer ces breuvages dangereux.

Sopal, lion d’or, roy, score, koutoukou, gnamarou, quimapousse, visa ou leader, flihter, glambo, gin, whisky, red, label, épéron, pastis, stricker, mangoustan, vin, bousculator et autres breuvages frelatés, sont les types de liqueurs qui tuent à petit feu la jeunesse burkinabè.

En plus du communiqué du ministère du Commerce, le Conseil des ministres en sa séance du mercredi 19 février 2020 a pris un décret rectificatif du décret n°2016-926/PRES/PM/MATDSI/MJDHPC/MENA du 03 octobre 2016, portant protection des domaines scolaires. L’adoption de ce décret modificatif, a expliqué en son temps le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Remi Fulgance Dandjinou, visait à renforcer la sécurisation des espaces scolaires et à garantir davantage la quiétude et la sérénité indispensables au bon déroulement des activités scolaires. Il s’agit de la prise en compte des questions liées au tabac, l’alcool et les stupéfiants en milieu scolaire. Malgré tous ces garde-fous, le mal persiste.

Une immersion entamée dans cet environnement nous a permis de comprendre, plus ou moins, comment fonctionne ce milieu frelaté. Nous avions pris notre premier bain aux environs de 9 heures un jour ouvrable dans un kiosque dans le quartier Bénogo, à Ouagadougou. Whisky, pastis, mangoustan, Alomon, gin en sachets, etc.

Voici ce que le tenancier sert à ses clients. Assis, chacun dans son coin, ils observent tous nos gestes. Les habitués du coin se connaissent, en effet. Il fallait user de stratagèmes pour se faire accepter dans ce milieu un peu fermé. Nous jouons alors à l’habitué consommateur. Nous réclamons deux boules de whisky avant même de prendre place, pour couper court à toute suspicion. Après avoir balayé discrètement de regard la manière dont les gens sont assis, nous prenons place à côté d’un client qui était seul sur un banc. La quarantaine bien sonnée, les yeux enfoncés, les lèvres rouges, il nous regarde d’un air interrogateur. Il demeure indifférent à notre bonjour et notre amabilité. Mais un avantage s’offre à nous.

Notre voisin a son verre presque vide. Nous en profitons lui offrir deux boules de pastis et la méfiance qui l’a vis-à-vis de nous s’est brisée. Notre stratégie a fonctionné. Il nous aborde et la discussion est lancée. « Merci beaucoup mon jeune frère. Que Dieu te bénisse », nous a-t-il lancé. Dans les échanges, nous comprenons qu’il était marié et père de deux enfants. Mais tout a basculé un jour.

Sa femme l’a quitté et disparu avec les enfants. Pour noyer sa peine, il s’est jeté dans l’alcool. Notre aventure est cependant stoppée avant même qu’il ne finisse son récit. La police a débarqué sur les lieux. Avant qu’on ne comprenne ce qui se passe, on était déjà encerclé. Le gérant est embarqué en premier et les autres, y compris nous. En route pour le commissariat, nous avions dû nous présenter pour échapper à la geôle ne serait-ce que pour 24 h.


C’est un secret de polichinelle. Les raisons évoquées par les consommateurs de ces liqueurs sont les soucis, la détresse, la pauvreté, la misère, le chômage, le plaisir, la mauvaise compagnie. Ce qui n’est pas sans conséquences sur leur santé. Selon le médecin généraliste, Dr Ahmed Sylla, les méfaits vont de la trouble neuropsychiatrique aux maladies de l’appareil digestif comme la cirrhose du foie, la pancréatite aigüe, le cancer de la bouche, du foie, du colon et de l’œsophage, etc. En plus de cela, il ne faut pas perdre de vue les répercussions sur le travail pour ceux qui en ont, la détérioration des rapports avec les membres de la famille.

Le circuit de ravitaillement ?

A Wayalghin, quelques semaines plus tard, avant le maquis « Compressor », se trouve un kiosque où l’on peut se gaver à volonté de ces boissons. Pour en savoir plus sur son lieu de ravitaillement, nous nous approchons de M. Wayalghin, le nom que nous avons choisi pour le gérant du kiosque de Wayalghin. Nous l’approchons en inventant une histoire qui nous avait été conseillée par notre rédaction, bien sûr après nous avoir fait servir une boule de cette boisson dangereuse. « Bonsoir. Dis-moi, j’ai un petit frère qui est revenu de la Côte d’Ivoire. Je voulais lui ouvrir un truc de ce genre pour l’occuper un peu mais je ne sais pas où trouver la marchandise. Est-ce que tu peux me donner un numéro ou m’indiquer un coin ? », lui avions demandé.

Il observe un silence avant d’indiquer une boutique située à droite, jouxtant le feu de Bénogo en allant à Saaba. « Là-bas tu trouveras tout ce que tu veux à des prix abordables », a-t-il ajouté. Combien coûte par exemple le carton de pastis ? avions-nous questionné. « Entre 8000 Fcfa. Le plus cher, si je ne me trompe pas coûte 12 000 Fcfa », indique M. Wayalghin. Nous continuons la conversation en lui demandant s’il trouve le business rentable. « Oui, moi en tout cas je m’en sors bien. C’est avec cela que je nourris ma famille et je scolarise mes enfants. Et c’est également dans ça que j’ai acheté ma moto », dit-il en guise de réponse. « Ok. Pas de souci. Je vais aller voir. Merci baucoup », avons nous conclu.

C’est sur ces échanges que nous prenons congé de M. Wayalghin pour nous rendre au lieu indiqué. Là, nous trouvons un homme d’un âge avancé. Après les salutations d’usage, nous lui faisons savoir qu’il nous a été recommandé parce que nous avions ouvert un kiosque et nous aimerions trouver quelqu’un pour nous ravitailler régulièrement. M. Bénogo (nom que nous lui avions donné) s’empresse de poser des questions sur l’identité de celui qui nous l’a recommandé : « C’est qui ? Comment il s’appelle ? ». Sa réaction ne nous surprend pas. C’est une logique du marché noir. Sans donner de nom, nous lui faisons savoir que la personne gère un Kiosque à Wayalghin. Cela suffit-il pour qu’il nous fasse confiance ? Difficile de répondre par l’affirmative.

Il acquiesce cependant : : « Ah ok. ok. Sinon que j’ai tout. Pastis, Eperon, Mangousta, gin en bouteille comme en sachet, koutoukou, gnamarou, quimapousse, etc. Il vous a déjà donné les prix ? » A la question sur les prix, nous répondons par l’affirmative. « Oui, oui, il m’a tout expliqué. Je repasserai la semaine prochaine pour me ravitailler. J’espère que chez vous il n’y a pas de rupture de stock ! » Il n’a visiblement pas aimé la dernière phrase de notre réponse.

« Mon ami, c’est la boisson que tu veux ou bien tu veux savoir comment je travaille ? » questionne-t-il, la mine renfrognée. Nous prenons immédiatement congé de lui en promettant de passer la semaine prochaine pour bien évidemment nous approvisionner…

En attendant, il continue d’approvisionner d’autres personnes, en dehors de tout cadre légal. Quand va-t-on parvenir à briser cette chaîne néfaste ?

M.O

Lefaso.net

Source : lefaso.net

Faso24

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