Connu pour ses prises de position courageuses sur le fonctionnement du système de santé dans notre pays, Dr Arouna Louré interpelle ici le nouveau ministre de la santé sur les conditions de réussite de sa mission.
Excellence Monsieur le ministre de la santé,
Au vu de mes prises de position parfois radicales, je me permets de vous adresser ces quelques pistes de réflexions qui englobent l’essentiel de mes propositions vis-à-vis de notre système de soins, et par-delà, de notre système de santé.
Je vous sais homme doué d’une certaine forme de management mais surtout un homme à l’écoute et particulièrement à l’écoute de la jeunesse. J’ose croire que vous sauriez mettre au profit de votre nouvelle mission cette compétence pour le bonheur de la santé de nos populations.
Monsieur le ministre de la santé,
Avant tout propos, je me permets de vous féliciter pour votre nomination. Plus qu’une simple félicitation, je vous présente là tous mes encouragements pour relever les défis qui se présentent à votre ministère dans un contexte international dominé par la maladie à coronavirus. Vous allez devoir trouver les moyens pour parer au mieux à cette pandémie de la Covid-19, sans oublier également les autres problèmes de santé de notre population qui sont aussi réels et pressants.
Permettez-moi de vous mettre en garde vis-à-vis de quelques erreurs humaines (dont certains ont payé le prix) qui pourraient anéantir tous vos efforts futurs si vous les commettez dès le départ.
Ne gérez pas votre ministère comme on gère un service médical spécialisé, mais plutôt comme on gère une grosse entreprise. De même, le poste de ministre n’est pas le lieu de régler des comptes personnels ni celui de faire un quelconque profit financier.
A cela, il faudrait que j’ajoute que vous n’êtes pas ministre pour faire plaisir à des compères ou à quelques individus, mais pour l’atteinte des objectifs de santé pour le peuple Burkinabè. La seule chose qui doit animer votre esprit est l’atteinte de ces objectifs de santé vaille que vaille. Ainsi donc monsieur le ministre, soyez disponible à l’écoute, mais ne laissez personne vous imposer quelque chose, même pas le président du Faso si cela peut vous empêcher à atteindre vos résultats.
Monsieur le ministre,
Comme je l’ai toujours cru, les ressources humaines sont la pierre angulaire de toute entreprise. Partant de là, les premières réformes devront porter sur ce volet de notre système de santé. Nous avons besoin d’une ressource humaine de qualité. Vous verrez que je parle peu de la quantité, certes cela sera nécessaire, mais je peux vous garantir qu’avec une ressource humaine de qualité, même peu, elle pourra relever des défis incroyables qu’un nombre pléthorique ne pourra le faire.
Une ressource humaine de qualité est une ressource humaine consciente de sa tâche et qui est capable de produire le paquet minimum d’activités hebdomadaire. Aujourd’hui nous devons reformer notre système de soins de telle sorte que des postes de travail soient définis avec un minimum de paquet d’activités hebdomadaire. Tenez-vous bien, quand je dis ressources humaines, il s’agit de tout le personnel du ministère. Demandez de la réflexion et des résultats à votre personnel, notamment les différents directeurs.
‘’Le poisson pourrit par la tête » dit-on. Ainsi certaines choses ne pourront pas s’imposer par la loi et encore moins par un décret. Cela pour dire que c’est votre rigueur au travail, votre intégrité et celle de votre entourage de travail qui imposeront le changement dans le comportement des agents de ce ministère.
Ne vous laissez pas abuser par les agences / projets tel que la CAMEG, le PROFOS, le PADS, la SOGEMAB
Excellence monsieur le ministre de la santé,
Vous conviendrez avec moi que notre système de santé n’a aucune planification holistique de développement. Nous naviguons à vue, louvoyant entre les rochers en colmatant de façon perpétuelle des brèches qui ne cessent de grandir. Notre plus grand défi sera de mettre en place quelque chose pour notre système de santé en général, mais pour notre système de soins en particulier qui aura une vision de mise en œuvre au moins sur 10 ans voire plus. Cela portera non seulement sur les ressources humaines (le nombre qu’il faut pour une activité donnée et la stratégie d’expansion dans nos différents centres), mais également sur les infrastructures et les équipements, notamment leur acquisition mais surtout la maintenance de nos appareils biomédicaux. Pour terminer avec cette idée, je vous demandereai particulièrement d’avoir un œil soutenu sur la réhabilitation de nos différents CHU, car ils se meurent ; et de ne point vous laissez abuser par les agences / projets tel que la CAMEG, le PROFOS, le PADS, la SOGEMAB, etc. affiliés à votre ministère.
Aujourd’hui les besoins pressant de notre système de santé sont d’une part la relecture de la loi portant règlementation générale de la commande publique afin de soustraire nos hôpitaux de la lourdeur administrative qui ne leur permet pas de répondre aux situations d’urgence. A cela, il faut ajouter l’urgence de la mise en œuvre effective de l’assurance maladie universelle qui permettra à nos hôpitaux de revoir le coût de leurs prestations et pouvoir avoir un budget d’investissement conséquent.
D’autre part, notre système de soins a besoin cruellement de la mise en place d’un SAMU-SMUR et d’une réorganisation de nos services d’urgence hospitalier et des évacuations sanitaires. Par ailleurs, la mutualisation des services et des biens en intra et inter hospitalier permettra d’optimiser l’offre de soins et de réduire certains coûts de fonctionnement : Monsieur le ministre, rien dans un hôpital n’est la propriété d’une personne.
Je ne saurais vous parler de tout cela et ignorer un pan combien important de notre système de santé : la santé communautaire. Avec les Partenaires techniques et financiers, vous pourriez trouver des solutions pour optimiser ce volet, de sorte à ce que nos populations puissent participer davantage aux prises de décisions qui concernent leur état de santé. Aujourd’hui avec la pandémie à coronavirus, nous avons besoin de la compréhension et de l’adhésion de nos populations aux différentes mesures de prévention.
Excellence monsieur le ministre de la santé,
Je ne saurais m’étaler davantage. Je vous souhaite beaucoup de courage pour votre mission. J’ose espérer que vous serrez bien meilleur ministre de la santé que vos prédécesseurs pour le bonheur de notre peuple.
Je vous remercie.
Dr Arouna Louré
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