A 44 ans, avec le pied droit atteint de la filariose lymphatique, Hamidou Sarba, agriculteur, éleveur et maçon selon les circonstances et les caprices de la maladie qu’il traine depuis bien longtemps, vit à Bayé, un village situé à 17 km de Solenzo dans l’Ouest du Burkina Faso, près de la frontière malienne. Après trois décennies à lutter contre la filariose lymphatique, un mal qui l’a physiquement et financièrement affaibli, Hamidou a fini par se résigner.
Une concession grouillante de bêtes, des excrétas d’animaux par-ci par-là, avec au centre un puits traditionnel sans couvercle, duquel est tiré l’eau de boisson pour toute la maisonnée. C’est dans ce décor que Hamidou, mari de deux femmes, père de neuf (09) enfants, nous a reçu pour nous relater ce qu’a été sa vie de malade jusqu’à présent.
« Ça a commencé quand j’étais petit selon mes parents. Mais tout ce dont je me souviens ce sont les fortes fièvres que je ressentais au début ».
La douleur dans l’appauvrissement
De cette époque à aujourd’hui, Hamidou explique avoir perdu beaucoup de temps et d’argent à chercher des remèdes traditionnels. « J’ai commencé le traitement à Ouagadougou (la capitale) et ensuite un grand frère m’a emmené à Bobo Dioulasso (2ème ville du pays). Les tradipraticiens ont tout fait mais sans succès. J’ai dépensé plus de 100 000 FCFA à l’occasion ».
La suite a été encore plus dure à supporter. « Vous savez quand vous êtes malade d’un mal que vous ne connaissez pas, et que vous entendez des nouvelles d’un guérisseur, vous ne réfléchissez pas, vous y aller. C’est ce que j’ai fait depuis tout ce temps. J’en ai vu de toutes les couleurs. Il y a un tradipraticien qui m’a une fois fait coucher au soleil pendant des heures. J’ai même failli perdre la vue »? explique Hamidou.
De fil en aiguille « j’ai dû vendre mes animaux, même la vache que j’utilise pour les travaux champêtres afin de supporter le coût des consultations de la médecine traditionnelles et des charlatans ». Arrivé à un moment je n’en pouvais plus ». Combien a-t-il dépensé en tout ? Difficile d’y répondre avec exactitude, mais cela « dépasse largement le million de franc CFA » ajoute-t-il amèrement, le regard fixé vers le ciel.
Les crises de la maladie le conduisaient souvent à une paralysie, incapable de vaquer à ses occupations quotidiennes surtout pendant la saison hivernale. « A cause des manifestations de la maladie, j’ai raté beaucoup de campagnes agricoles. Elles pouvaient durer au moins 20 jours. 20 jours pendant lesquels je ne peux plus rien faire d’autre à par me tordre de la douleur atroce sur ma natte. Le pied s’enfle, un liquide verdâtre sort des pores. Du genou aux orteils, toute la peau se décape »
La découverte et le soulagement
Après plus de trente ans, ce n’est qu’en 2017, que le quadragénaire a trouvé, par le biais du médecin chef du centre de santé de son village, Hamidou Ouattara, un remède pour calmer ses crises.
« Vraiment à un moment donné j’étais à bout de souffle, j’avais des tas de poudres, des feuilles et décoctions de tout genre. A force de les utiliser, ma peau était devenue encore plus noire. Puis il y a trois ans, le médecin du village m’a proposé une injection dans le pied qui m’a beaucoup aidé. Elle m’a coûté moins de 1000 francs CFA. Le pied n’enfle plus comme avant. De plus j’ai un antidouleur que je prends et qui me permet de mieux supporter la douleur quand elle survient».
Pourquoi seulement 2017 ? Pourquoi n’avoir pas proposé cette solution dès le début ? L’infirmier principal du district sanitaire Hamidou Ouattara répondra tout simplement : « nous-mêmes on ne connait pas assez bien la maladie car on en parle pas assez à l’école de santé. C’est à l’issue d’un séminaire là-dessus, que de retour, comme je connaissais le patient, je lui ai parlé des possibilités de soins. Il a tout de suite adhéré». Le traitement disponible au niveau du district sanitaire de Bayé est une injection au Benzyl Benzatyle Pénicilline, plus du Diclofenac.
Cependant, tout ne réside pas dans le traitement médicamenteux. Il y’a l’hygiène corporelle. Le pied doit être lavé à plusieurs reprises au cours de la journée pour le garder propre.
Hamidou fait souvent cette toilette. Mais avec l’eau du puits impropre. Le village n’est pas raccordé en eau potable. De plus les puits sont dans un état insalubre et non couverts. Les ordures des alentours s’y engouffrent aisément.
Une fontaine d’eau potable a été installée au cours de l’année 2020. Mais, elle n’est pas encore fonctionnelle. Pour le moment, elle sert d’abri de fortune pour un malade mental.
Hamidou est exposé à de nouvelles infections voir aggravation de sa filariose par l’utilisation de l’eau impropre. Et pour ne rien arranger, la pilule anti douleur qu’il ingurgite provient du marché de la rue et non du dépôt pharmaceutique, pour la modique somme de 150 FCFA.
Harouna Drabo
Source : Burkina24.com
Faso24
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