Burkina : Le MPP « accompagne » certains de ses cadres à sortir du navire
La session du Bureau politique national (organe de décision entre deux congrès) du parti au pouvoir (le Mouvement du peuple pour le progrès, MPP), le samedi 13 février 2021, a fait une sorte d’émondage dans ses rangs, par l’exclusion de cadres qui se seraient érigés contre les textes fondamentaux du parti.
Comme dans nombre de partis politiques, la période électorale n’a pas été un moment tranquille au MPP. Des frustrés résignés aux départs du parti en passant par le jeu de sous-marin, le parti en a enregistrés. La première session du Bureau politique national (BPN) de l’année 2021, première d’après-scrutin, se voulait donc un moment de bilan sur ces joutes électorales, avec son volet des cas d’indiscipline observés durant la période.
Au terme de l’examen des rapports des structures de base du parti, le Bureau politique national a exclu des cadres pour avoir porté atteinte aux textes fondamentaux du parti. Parmi ceux-ci, le maire de la commune de Yaba (province du Nayala, région de la Boucle du Mouhoun), le maire de Karangasso-Sambla (dans la province du Houet, région des Hauts-Bassins) ou encore, celui de Barsalgho (province du Sanmatenga, région du Centre-Nord).
« En réalité, nous n’avons fait qu’acter…, ces gens-là s’étaient déjà exclus. Il y a des gens qui ont quitté et ont créé leur parti. Il y en a également qui sont allés avec des partis politiques tandis que d’autres, au lieu de soutenir le MPP dans la campagne, sont partis aider des partis adverses. Ceux qui sont exclus ne peuvent pas nier cela. On n’a fait la force à personne », a synthétisé une source de la direction politique nationale du parti, à l’issue de cette instance à huis-clos. Selon ce responsable, les concernés ne pouvaient donc s’attendre à autre réaction que celle-là.
« Il y a des gens qui sont allés dans des partis de la mouvance. Mais la mouvance, ce n’est pas le MPP. Ils disent que c’est pour aider le président (du Faso), etc. En 2025, le président ne sera plus candidat, comment vont-ils mener la campagne ? Tous ces gens-là guettent 2025 et vous verrez d’ici cette échéance… Nous sommes quand même de vieux routiers…, ce n’est pas aujourd’hui on est dans la politique », anticipe l’interlocuteur, pour qui les calculs pour 2025 sont engagés.
Un autre membre de la direction soutient qu’on adhère à un parti avec ses règles de fonctionnement, dont le non-respect expose à plusieurs niveaux de sanctions, selon la gravité. Il explique à titre illustratif que le MPP a été battu dans certaines localités avec la complicité de cadres mêmes du parti. « Beaucoup sont dans le MPP, mais le MPP les gêne parce qu’ils n’arrivent pas à faire n’importe quoi. (…). L’éthique en politique doit exister », se lâche-t-il pour justifier les décisions du parti et la nécessité de veiller, dans la perspective des municipales, au « respect strict » des textes.
- Vue partielle de participants à cette première session BPN de 2021.
« Les gens ne comprennent pas la politique ; ce n’est pas parce que ça ne va pas aujourd’hui que tu vas quitter, non ! En politique, on peut te mâter aujourd’hui et demain tu es promu », répond cette source de la direction politique. Elle rafraîchit les mémoires : « Feu Salifou Diallo, dans le même CDP, les Roch (Kaboré), Simon (Compaoré) l’ont maté, mais ils se sont tous retrouvés après et ont continué ensemble (Politique : Salif Diallo suspendu de toutes les instances du CDP jusqu’à nouvel ordre). (…). Mais aujourd’hui, les gens sont très pressés ».
La direction politique n’a-t-elle pas imposé des candidatures par endroits, frustrant ainsi des militants ?
Certains militants ont, dans le processus de désignation des candidats aux législatives, affirmé que la direction politique a imposé des candidats à la base. C’est le cas dans le Kourwéogo (Boussé). Toute chose qui aurait favorisé le départ de certains cadres du parti. A cette question, un des interlocuteurs convainc : « En réalité, ce sont des manipulations. Quelqu’un sent venir les choses, il organise ses partisans pour faire du tapage, en disant que tant qu’untel n’est pas retenu sur la liste, on n’est pas d’accord. Ce sont les structures de base qui sont sur le terrain, qui connaissent les réalités, la direction ne peut pas aller contre leur volonté ».
Un des faits marquants des législatives au MPP, c’est le rajeunissement (parlant de nouveaux visages) de ses listes. Sur ce point, les interlocuteurs affirment, à expressions près, que c’est une dynamique qui va se poursuivre au fil des élections. « On ne peut pas faire passer les mêmes à tout temps. Quand vous prenez le BPN par exemple, nous sommes entre 600 et 700 personnes. C’est déjà nombreux, sans ajouter l’ensemble des militants du parti. Donc, on ne peut pas prendre les mêmes personnes à tout moment. Il y en a qui ont fait dix, voire quinze ans en tant que député. Ils n’ont qu’à laisser la place aux autres. Ça aussi, on a qu’à être clair. C’est pour cela, cette année (législatives de 2020, ndlr), il y a eu beaucoup de nouveaux sur les listes des législatives. Il y a des élus que moi-même, je ne connais pas. Mais c’est cela le mérite aussi, ce sont des gens qui se sont battus dans leur localité, ils ont longtemps travaillé pour le parti », note-t-on.
Oumar L. Ouédraogo
(oumarpro226@gmail.com)
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