La publication de l’analyse du CIFOEB sur les salaires des membres du gouvernement du premier mandat du président Roch Kaboré est la cinquième réaction majeure du genre du SMB sur le même sujet, note Diakalia Traoré, secrétaire général du syndicat des magistrats burkinabè. Un avis exprimé le lundi 15 février 2021 quand Lefaso.net l’a sollicité sur la question.
Sur le plan journalistique, le journal ‘’Le Pays » a été le premier à faire des révélations sur les rémunérations des membres du gouvernement dans un contexte où les débats étaient houleux, voire passionnants sur la suppression du fonds commun des agents du MINEFID notamment, et sur la conférence de remise à plat des salaires ; à l’époque, des voix se sont levées sur la toile pour réclamer une réaction de la part du gouvernement dans le sens de démentir l’article du journal ‘’Le Pays ». Ces réactions bruyantes ont été répliquées par une réaction silencieuse du gouvernement, maintenant ainsi le suspens au niveau de l’opinion ;
Sur le plan éthique, à la suite du journal ‘’Le Pays », le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) a dénoncé ces salaires dans son rapport de l’année 2019 sur l’état de la corruption au Burkina Faso (vous trouverez ces éléments aux pages 52 à 53 de ce rapport) ;
Sur le plan juridique, précisément pénal, à la suite du REN-LAC et acculée par les attaques incessantes contre les acquis des magistrats, l’intersyndicale des magistrats (SAMAB, SBM et SMB) a formulé une dénonciation en date du 15 janvier 2020, adressée à monsieur le Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, contre le Ministre de la Fonction Publique, du Travail et de la Protection Sociale, le Professeur Séni Mahamoudou OUEDRAOGO, un des architectes incontournables de la remise à plat des rémunérations, pour concussion et abus de fonction ;
Toujours sur le plan pénal et suivant l’approche de l’intersyndicale des magistrats, le REN-LAC a formulé également une dénonciation en date du 18 août 2020 adressée au Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou contre monsieur Paul Kaba THIEBA et autres pour les infractions de concussion, d’abus de fonction et de soustraction (frauduleuse) de biens publics ;
Sur le plan économique, le CIFOEB a publié son rapport en ce mois de février 2021 sur les ‘’trop perçus » des salaires des membres des gouvernements qui se sont succédé durant le premier mandat du Président du Faso et leurs répercussions sur le plan macroéconomique et peut-être en filigrane sur le plan microéconomique.
Vous voyez que l’analyse du CIFOEB s’inscrit dans la dynamique des réprobations successives contre les salaires des membres du gouvernement ; ce qui est très surprenant jusque-là, c’est le silence de l’ASCE-LC face à cette situation !
Mais de quoi s’agit-il ? Quel est le problème au juste ?
Le décret n°2008-891/PRES/PM/MEF du 31 décembre 2008 portant rémunération du Premier ministre, des présidents d’institutions et des membres du gouvernement fixe les rémunérations des membres du gouvernement ; l’article 1 dudit décret précise que « pour compter du 1er janvier 2009, la rémunération du Premier ministre, des Présidents d’Institutions et des Membres du Gouvernement est fixée ainsi qu’il suit (…) :
* Ministre d’Etat : 250 000
*Autres Membres : 200 000
Et l’article 2 du même décret renchérit que « la rémunération ci-dessus fixée s’applique uniformément à toutes les hautes personnalités occupant les mêmes fonctions quels que soient leur provenance professionnelle et le niveau de rémunération antérieurement acquis. Elle fera l’objet d’un contrat individuel entre l’Etat et chaque personnalité appelée aux hautes fonctions ».
Sur la foi des révélations du journal ‘’Le Pays », il semble, (je dis bien il semble car cette affaire reste toujours un puits profond dont le fond reste peu accessible) que les membres du gouvernement de l’époque sont passés outre le montant du traitement mensuel par ministre prévu par ce décret pour se tailler des contrats individuels leur octroyant des rémunérations pharaoniques dépourvues de tout fondement légal et ce, dans un contexte où les mêmes personnes dénoncent la masse salariale des agents de l’Etat, laquelle masse salariale serait à l’origine du sous-développement du Burkina ; par conséquent, il faut une remise à plat des salaires et, en attendant, il faut étendre l’IUTS sur les primes et indemnités, une mesure sournoise de diminution des salaires des travailleurs, ce qui est paradoxal !
Pourtant, si les faits sont avérés, la fixation de leurs rémunérations par voie contractuelle est illégale à lumière de la légalité administrative, infractionnelle au plan pénal, illogique dans leur dynamique et révoltante au plan syndical !
Quelle solution pouvez-vous proposer ?
A ce jour, il est impératif que les membres du nouveau gouvernement respectent les termes du décret de 2008 fixant leurs rémunérations pour être même habilités d’abord à donner des leçons de bonne conduite aux travailleurs, que les anciens membres du gouvernement remboursent intégralement les ‘’trop perçus » si c’est avéré, que leurs auteurs répondent des infractions de concussion, d’abus de fonction et peut-être de soustraction de biens publics devant les juridictions compétentes, notamment la Haute Cour de justice, conformément aux dispositions pénales de la loi portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso qui ont été incorporées dans le nouveau code pénal de 2018 en ses articles 332-7, 332-9 et 332-12.
Toutefois, il n’est pas à exclure que dans les jours à venir que le gouvernement procède à une sorte de validation réglementaire, une technique juridique peu enseignée dans nos universités, donc peu connue des juristes, pour faire intégrer les rémunérations incriminées dans le cercle légal et pour étouffer systématiquement toutes récriminations à l’encontre des salaires de ses membres, ce serait pourtant une forfaiture dans ce cas de figure !
Propos recueillis par Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net
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