Les élections couplées présidentielle et législatives de novembre 2020 sont belle et bien terminées. La bataille a donné un vainqueur et les perdants ont tous reconnu leur défaite, sauf peut-être un seul qui reste sur sa rancœur et qui a pourtant un lot de consolation, celui de chef de file de l’opposition. Une reconnaissance officielle de son droit de s’opposer et, de premier des perdants qu’il peut rassembler, organiser pour faire entendre leur voix et indiquer la voie qu’ils suivront quand les électeurs reconnaîtront leurs charmes et leurs compétences pour diriger le pays.
Wend-Venem Eddie Hyacinthe Komboïgo, le nouveau chef de file de l’opposition politique, va devoir faire preuve de talent et de force de persuasion pour convaincre les nombreux partis en déroute après la présidentielle et les législatives de faire bande avec lui, pour affronter le pouvoir de RMCK (Roch Marc Christian Kaboré), son parti le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) et ses nombreux alliés.
Dès l’annonce des résultats de l’élection, en tant que candidats à la présidentielle, ils avaient à peine fini de faire une déclaration commune de non reconnaissance des résultats proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), que le front de l’opposition a volé en éclats, avec des débris qui se sont retrouvés au siège de campagne du candidat Roch pour le féliciter de sa victoire. Cela préfigurait des difficultés prochaines de cohabitation, de faire équipe ensemble, de s’aligner derrière le Chef de file de l’opposition.
Aujourd’hui on sait plus ou moins que le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) aura du mal à rallier autant de partis que l’UPC (Union pour le progrès et le changement) de Zéphirin Diabré. D’abord à cause des personnalités propres des deux hommes, Eddie et Zéphirin.
Ce n’est pas faire une insulte au candidat arrivé deuxième à l’élection présidentielle, que de dire que, pour bon nombre de politiciens, il est un « imposteur » en politique car n’ayant pas une vie de militant politique. Il s’est fait connaître comme un « golden boy », devant son succès dans les affaires grâce à l’entregent du clan Compaoré. La manière dont il a conquis le CDP avec la bénédiction des exilés d’Abidjan illustre parfaitement son désamour avec une partie de la classe politique. C’est un CDP qu’il a pris à la hussarde mettant dehors ceux qui contestaient sa légitimité. Si au sein du CDP, la bénédiction de Blaise Compaoré et /ou celle de François Compaoré suffisait, en tant que Chef de file de l’opposition, il lui faudra faire plus pour attirer et faire venir à lui les partis d’opposition. Il va lui falloir un peu plus d’épaisseur politique. Et c’est cela qui manque le plus. À lui de nous donner tort par sa pratique.
Une opposition peau de chagrin
L’autre rocher sur sa route, c’est l’action du MPP et du président Kaboré pour assécher l’opposition en hommes et en idées. Le CDP doit reconnaître que Rock Kaboré s’est comporté en héritier politique de Blaise Compaoré, en attirant l’UPC au gouvernement. Et l’autre aspect de cette politique de strangulation de l’opposition, c’est de lui prendre sa rhétorique. Dès le lancement de la campagne, pour enlever au CDP une promesse de campagne, Roch s’est engagé à faire rentrer Blaise Compaoré, s’il est réélu, et cela dès le premier semestre de son nouveau mandat. Et pour aller plus loin, il a promis la réconciliation qui n’était plus un argument offrant un avantage comparatif puisqu’il est devenu une offre publique que même le parti au pouvoir proposait. Les partis de la Coalition pour la démocratie et la réconciliation nationale (CODER) se sont vus dépossédés ainsi de leur chose et sont devenus inaudibles. Et encore plus aujourd’hui avec le ministre d’État à la Présidence chargé de la Réconciliation et de la Cohésion sociale.
Le parti de Djibrill Bassolé, la Nouvelle alliance du Faso (NAFA) qui était un membre influent de la CODER a aussi fait son « coming out » en optant de rejoindre les rangs de la majorité présidentielle.
Eddie Komboïgo voit bien qu’aujourd’hui il y a deux baobabs unis et son parti qui n’est que l’ancien parti au pouvoir les a contre lui. L’union CDP et UPC ne s’est jamais faite pour terrasser le baobab MPP. L’opposition est aujourd’hui en débandade sur tous les plans. Et avant qu’Eddie Komboïgo ne prenne ses rênes, celle-ci a rejoint, par vagues successifs, le pouvoir.
Il y a des partis qui, quand bien même ils resteraient dans l’opposition, ne composeront jamais avec le CDP. Ce sont les partis sankaristes qui étaient autour de l’ancien chef de file de l’opposition. Et il y a aussi la troisième voie réclamée par Soumane Touré et le professeur Abdoulaye Soma, qui s’est constituée lors de la dernière législature et qui va peut-être attirer davantage de partis. Tous les partis de gauche qui étaient contre le dictateur déchu Blaise Compaoré et qu’ils ne veulent pas voir même en peinture, ne vont jamais faire bande avec le CDP comme « bandit chef ».
Eddie Komboïgo ne sera pas un chef rassembleur comme Zéphirin Diabré, parce qu’il n’a lutté avec personne. La politique et les hommes politiques c’est cela aussi, ce sont les combats qu’ils mènent, les hommes et les partis avec qui ils luttent qui les grandissent et leur donnent de la consistance.
Au final, l’opposition à Rock Kaboré risque de se réduire aux partis qui soutenaient la révision de l’article 37 de la constitution : CDP et ADF/RDA avec le mouvement Agir ensemble, qui est petit-fils du CDP et qui n’était pas encore né en ces temps de braise.
Sana Guy
Lefaso.net
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