Economie

Tontines en ligne : Un phénomène en pleine expansion au Burkina Faso

L’essor de l’Internet a révolutionné les habitudes et les façons de faire dans presque tous les secteurs d’activités. C’est ainsi que depuis quelques années, l’on assiste à une digitalisation des tontines traditionnelles. Ce qui n’est pas sans risques pour les souscripteurs.

Le principe de la tontine est relativement simple : des personnes cotisent dans une caisse commune et le montant est remis à tour de rôle à chacune d’elles. Pour de nombreux ménages à la situation financière délicate, ce circuit est perçu comme une bouffée d’oxygène. Géré le plus souvent par les femmes, le système d’épargne qu’est la tontine en ligne, propose une gamme variée de services susceptibles d’intéresser un large éventail de la population. Disponible sous forme d’applications numériques, il repose sur la confiance.

Titulaire d’une licence et d’un BTS en ressources humaines, Fadilatou Kaboré a abandonné le travail en lien avec son diplôme, pour tracer son propre chemin dans l’entrepreneuriat. Une décision qui, au départ, a été mal perçue par ses parents, son père en particulier. Contre vents et marées, elle lance en 2017, son projet de vente de kits alimentaires. A ses débuts, cette ‘’techwoman » burkinabè proposait à la clientèle un menu fait d’un mélange de riz, de poulets, d’huile, de pommes de terre, d’oignons, de haricots verts et d’aloco à payer à tempérament. Au fur et à mesure dans sa progression, elle crée une page Facebook dénommée « Fadi store », spécialisée dans les tontines collectives ou individuelles.

Safiatou Ouoba/Touré, une dame à la double casquette

En même temps, elle ouvre une boutique dans laquelle les prestations suivantes sont offertes : les tontines de téléphones portables, de motos, de congélateurs, de télévisions et de climatiseurs. Le pouvoir d’achat des populations burkinabè ne leur permettant pas d’acheter cash, elles se rabattent alors sur ces tontines.

Une adhésion simple et souple

Aujourd’hui, la jeune dame gère aujourd’hui son business avec abnégation et détermination. Pour ce faire, elle travaille en partenariat avec des fournisseurs de renommée, dont des Libanais. Les raisons de ce choix ? « Ces partenaires donnent des garanties. Et comme, c’est en tontine, on n’ose pas aller prendre du n’importe quoi pour la clientèle. Mes articles proviennent de la maison mère », explique l’entrepreneure. Dans ce métier, pas question de se reposer, puisqu’il faut sans cesse rebondir d’une demande à l’autre. L’adhésion à sa tontine sur Internet est simple et souple. « La personne se déplace jusqu’à chez moi. Il y a un contrat à signer, que ce soit à titre collectif ou individuel », dit-elle.

Ce contrat définit clairement les modalités de paiement. Lorsque le matériel souhaité atteint une certaine valeur, Fadilatou Kaboré demande des garanties pour, en cas de défaillance, pouvoir couvrir le paiement de la somme due. Comme rêve, la jeune femme caresse celui d’étendre ses activités au-delà de nos frontières. Mais pour l’instant, sa page Facebook inspire confiance. Elle est suivie par de nombreux abonnés qui ne sont pas forcément des salariés.

Mais pour elle, tout n’est pas rose. En effet, Mlle Kaboré rencontre par moment des difficultés liées au retard dans les paiements.

Les désagréments de « maman tontine »

Safiatou Ouoba/Touré, secrétaire de direction au Centre national de presse Norbert Zongo, excelle dans les tontines d’argent depuis 2015. Née dans une famille commerçante, elle a développé la fibre entrepreneuriale depuis sa tendre enfance. A ce jour, ses tontines sont composées d’une soixantaine de membres qui se connaissent. Ce qui en assure le succès. Dans l’une de ces tontines, chaque mois, les membres (10 personnes) cotisent 100 000 francs CFA chacun sur la plateforme. Tirée au hasard, l’une d’entre elles remporte la somme de 1 million de F CFA.

Certaines mamans tontines sont des arnaqueuses, selon Mme Dioma

L’opération se répète jusqu’à ce que tous l’aient obtenu. Des difficultés dans le fonctionnement, il n’en manque pas. La dame à double casquette déplore la mauvaise foi de certains adhérents. Outre cela, elle reste aussi confrontée à des situations ou les clients deviennent insolvables, après avoir empoché leur argent. Malgré ces difficultés, Mme Ouoba dit s’en tirer à bon compte même si, avoue-t-elle, les bénéfices sont maigres par rapport au stress de l’activité.

Les tontines n’affichent pas toujours la sérénité. Si certaines personnes comme Issa Ouédraogo y trouvent satisfaction, tel n’est pas le cas pour beaucoup d’autres. « J’ai fait une tontine de gaz. Chaque semaine, on versait chacun la somme de 2 400 F CFA. Et on remettait une bouteille de gaz à une personne. A la troisième prise, les problèmes ont commencé avec notre « maman tontine ». Pour éviter les débats inutiles, nous avons exigé le remboursement de notre argent », relate Salimata Dioma.

Ainsi débute une longue et pénible bataille. Une mésaventure dont Mme Dioma peine toujours à se remettre. Pour des cas similaires, des victimes ont porté plainte pour obtenir réparation du préjudice. En effet, aux termes de la loi et du Code pénal, l’escroquerie est répréhensible, et punie. C’est ce qui est arrivé à Sonia et Rosalie qui ont comparu le 15 décembre 2020, devant le tribunal de grande instance de Ouagadougou, pour usurpation de titre, escroquerie aggravée et complicité d’escroquerie.

Aïssata Laure G. Sidibé

Lefaso.net

Comments

comments

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page