Touré Soumane, le patron du Parti pour l’indépendance, le travail et la justice, est mort ce jeudi 25 mars 2021. Il venait de rentrer de Tunisie où il s’était rendu pour des soins. C’est un grand acteur de la scène syndicale et politique du pays par sa combativité et son talent particulier à faire parler de lui en toutes circonstances.
Soumane Touré était le metteur en scène de l’acteur syndicaliste et politicien Soumane Touré. Il aurait surclassé Thomas Sankara dans les médias s’il avait le pouvoir de premier plan de celui-ci et un peu de sa beauté et de son charisme.
Touré Soumane a été militant syndical depuis le berceau. C’est dès le lycée moderne de Bobo, actuel Ouezzin Coulibaly, qu’il sera délégué et dirigera ses premières grèves. Puis militant syndicaliste étudiant à Dakar à l’ASV (Association des scolaires voltaïques) et à l’UGEV (Union générale des étudiants voltaïques).
Durant ces années au sein du mouvement étudiant, deux forces politiques se battaient pour le contrôle de l’organisation, le Mouvement de libération nationale (MLN) et le Parti africain de l’indépendance (PAI). Le PAI d’obédience marxiste-léniniste favorable à l’URSS a gagné la bataille. De retour au pays Soumane Touré, avec ses camarades du PAI et d’autres courants de gauche, vont créer la CSV (Confédération syndicale voltaïque) qu’il dirigera jusqu’à la période du CNR.
Un ancien général des travailleurs
Il se fera aimer et deviendra très populaire dans la lutte contre les attaques syndicales du CMRPN contre le mouvement démocratique. Il sera recherché et prendra le maquis, comme on désignait à l’époque un camarade syndiqué entré en clandestinité, qui se cachait des policiers et des gens parce qu’il était recherché.
Le coup d’État du CSP1 (Conseil de salut du peuple) lui permet de revenir sous les projecteurs. Son parti qui avait des adeptes et des admirateurs parmi ses jeunes officiers va avoir une rampe de lancement surtout avec le coup d’État du Conseil national de la révolution. Les officiers putschistes feront une place à des civils maîtres de la parole révolutionnaire du PAI avec Soumane Touré, Phillipe Ouédraogo, et Adama Touré qui fût le professeur d’histoire géographie du capitaine Thomas Sankara et son mentor.
Ils étaient accompagnés d’autres civils membres de l’ULC/R : Basile Guissou, Valère Somé et Eugène Dondassé. Ces derniers ne tenaient pas en estime l’URSS, que les précédents adulaient. Mais l’essentiel n’est pas là, chacun avait sa révolution à faire et Valère Somé écrira le DOP qui consacrera la leur.
Les amitiés et la camaraderie révolutionnaire vont se distendre au sein des CDR que chaque composante du CNR voulait contrôler et le PAI avec son expérience au sein des organisations de masse (la LIPAD et la centrale syndicale CSV) va battre ses concurrents au sein des CDR. Les militaires qui étaient les maîtres du jeu au CNR vont se débarrasser du PAI qui a cru que leur coup d’État était sa révolution. Touré Soumane reprend le maquis, Touré Adama la prison à Po où il sera accueilli par le président Jean Baptiste Ouédraogo dans le « foyer incandescent de la révolution ».
Un autre coup d’État, celui de Blaise Compaoré permet à Soumane de retrouver la liberté et d’entamer sa carrière politique où il s’illustrera comme un défenseur du dictateur au compte du PAI et du PITJ. Il le défendra à sa manière en disant des vérités tout de même. Argumentant pour le vote de Blaise Compaoré, il aurait dit que Blaise Compaoré a tué mais il ne tuera plus. Ce qui était vite dit de sa part car les crimes politiques ont continué après. Dans la lutte contre ses anciens camarades du PAI, il retirera le nom du parti quand il en fût chassé, ce qui donna deux PAI pendant un moment.
Est-ce la défense de Blaise Compaoré qui fait qu’il n’a pas reconnu l’insurrection populaire comme un ancien camarade du CNR à lui Valère Somé ? Pour un ancien syndicaliste qui prêchait que le 3 janvier 1966 est un soulèvement populaire, ne pas reconnaître la participation du peuple aux évènements de 2014 est singulier.
Soumane Touré ne portait pas dans son cœur ceux qui ne pensaient pas comme lui et le critiquaient publiquement. Avec la Lipad, il conduira une expédition punitive contre des militants de l’AEVO (Association des étudiants voltaïques de Ouagadougou) qui critiquaient le PAI et proposaient une révolution autre que la leur et ne considéraient que l’Albanie comme pays socialiste.
Durant sa participation au CNR, le PAI ne soutiendra pas, sauf erreur, les syndicalistes taxés d’anarcho-syndicalistes qui se feront torturés dans les prisons et licenciés de leur travail.
Le PITJ s’illustrait par des déclarations annuelles avec des analyses dialectiques et surtout des diatribes contre le pouvoir de la transition et ceux qui l’ont suivi, en réclamant le retour de Blaise Compaoré. Comment quelqu’un qui s’est battu depuis son lycée et a combattu sa vie durant a-t-il pu terminer ainsi ? Il aura toujours était fidèle à lui-même, défendant ses idées même dans l’adversité et l’impopularité.
Sana Guy
Lefaso.net
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