30e anniversaire de la Constitution du Burkina Faso : Abdoul Karim Sango pose les enjeux de l’adoption d’une nouvelle Constitution
Dans la cadre de la commémoration des 30 ans d’existence de la Constitution de la 4e République du Burkina Faso, la cellule de l’Université Nazi-Boni du Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) a organisé, le samedi 12 juin 2021, une conférence publique au profit des étudiants. C’est l’ancien ministre de la Culture, Abdoul Karim Sango, qui a animé cette rencontre placée sous le thème « La Constitution de la 4e République, 11 juin 1991 – 11 juin 2021 : bilan, enjeux dans l’adoption d’une nouvelle Constitution ».
Les débats ont tourné essentiellement autour des forces et faiblesses de la Constitution de la 4e République du Burkina Faso. Face aux étudiants, le conférencier du jour, Abdoul Karim Sango, président du Parti pour la renaissance nationale (PAREN), a également posé les enjeux du passage à une nouvelle Constitution.
Du point de vue du conférencier, le principal avantage de la Constitution de la 4e République reste sa longue durée. En effet, adoptée en juin 1991, cette Constitution a aujourd’hui 30 ans, battant ainsi le record de longévité d’une Constitution de notre pays depuis son indépendance en 1960. A l’en croire, c’est une Constitution qui a permis le retour et la restauration de l’Etat de droit, qui a prévu les mécanismes de la démocratie électorale, qui a consacré les libertés publiques, car il estime que le Burkina Faso est un pays où les populations sont relativement assez libres.
Des étudiants de l’Université Nazi-Boni à l’écoute d’Abdoul Karim Sango.
Toutefois, Abdoul Karim Sango n’a pas manqué de soulever certaines faiblesses de la Constitution. Des faiblesses qui, selon lui, sont moins liées aux textes constitutionnels qu’à la pratique des hommes. « Nous avons par exemple la non-intangibilité du principe de la limitation des mandats, le verrou de cette limitation qui a été sauté plusieurs fois et qui a conduit d’ailleurs à l’insurrection populaire. Parmi les pouvoirs constitutionnels, il y avait un déséquilibre entre ces pouvoirs au profit de l’exécutif. Pendant 27 ans, l’Assemblée nationale était une sorte de chambre d’enregistrement alors qu’elle a un important pouvoir qui est non seulement de concevoir, de voter la loi, mais surtout de contrôler l’action du gouvernement, de s’assurer que le gouvernement mis en place travaille au profit de l’intérêt général », a-t-il déploré.
L’ancien ministre de la Culture a par ailleurs évoqué ce qu’il a appelé « la théorie des juges acquis ». Pour lui, la justice burkinabè a pendant longtemps été impuissante face à certains dossiers emblématiques qui n’ont jamais été jugés. « Ce sont autant d’éléments qui ont fait qu’au lieu que la Constitution devienne un élément sacré de notre système politique, elle a fini par devenir un élément vulgaire », a-t-il laissé entendre.
Abdoul Karim Sango suggère de passer à une nouvelle Constitution.
« Il est temps de passer à une nouvelle Constitution »
Le communicateur a aussi déploré le mimétisme avec lequel la Constitution est appliquée. Il pense que cette Constitution ne reflète pas les valeurs de la société burkinabè. C’est face à toutes ces faiblesses qu’Abdoul Karim Sango a suggéré de passer à une nouvelle Constitution en phase avec les aspirations du peuple burkinabè. Une Constitution dans laquelle le peuple va avoir davantage de droits, mais qui va aussi renforcer ses devoirs.
« Il nous faut rédiger une nouvelle Constitution en phase avec les aspirations de notre peuple. Aujourd’hui, nous sommes conscients de nos problèmes et réalités. Donc nous devons écrire une Constitution qui parle de notre histoire, qui reflète notre culture. Il faut une Constitution qui va créer un véritable équilibre entre le législatif et l’exécutif, mais qui permettra en même temps aussi d’encadrer les pouvoirs du juge », a suggéré Abdoul Karim Sango.
Abdoul Mashoud Yampa, le maire de la cellule CGD/Nazi Boni.
Toutefois, il a précisé que le passage à une nouvelle Constitution ne va pas résoudre comme par enchantement tous nos problèmes. Parce que, dit-il, « une Constitution n’est rien sans un peuple conscient, de véritables citoyens qui, eux-mêmes, deviennent les gendarmes du respect de la Constitution ». Il a insisté sur la question de la création d’une deuxième chambre mais sous une autre appellation, qui permettra de donner un pouvoir législatif aux chefs traditionnels.
Cette rencontre a été un cadre d’échanges entre le paneliste et les étudiants de l’Université Nazi-Boni. Etudiant en troisième année de Droit, Abdoul Mashoud Yampa est le maire de la cellule CGD/Nazi Boni. Il a expliqué que cette rencontre a permis d’aborder les questions de la démocratie et de la bonne gouvernance. « Notre pays tend vers une 5e République, ce qui est censé intéresser tous les Burkinabè. Etant donné que nous sommes des Burkinabè, il était de notre devoir, en tant que jeunes étudiants, de débattre des thèmes qui concernent la nation. Cela va permettre de conscientiser la jeunesse, d’éveiller son patriotisme. La question de la Constitution engage tout le monde et cette rencontre donne l’occasion aux jeunes de se poser des questions à savoir si notre Etat est sur une bonne marche vers la démocratie », a-t-il dit.
Romuald Dofini
Lefaso.net