L’opposition burkinabè a prévu des marches de protestation pour les 3 et 4 juillet 2021 dans le pays face à la situation sécuritaire chaotique du pays. Le drame de Solhan et l’embuscade meurtrière contre les policiers à Barsalogho ont augmenté la colère des populations qui ont manifesté dans les régions en proie aux attaques récurrentes des groupes terroristes.
Après trois semaines de silence, le chef de l’État s’est adressé au peuple pour appeler à l’union contre l’ennemi commun. Il a demandé aux organisateurs de manifestations de ne pas se tromper d’ennemi et de ne pas faire le jeu du terrorisme. Trois jours après il a remanié son gouvernement en remplaçant les ministres de la défense et de la sécurité, les premiers responsables de la lutte contre le terrorisme qui ont failli à leurs missions.
L’une des revendications des futures marches était le remplacement du ministre de la défense et du Premier ministre. L’opposition se contentera-t-elle de cette demi-victoire ? Ou bien va-t-elle saisir l’occasion pour tester sa popularité en faisant sortir les mécontents dans la rue ?
L’opposition politique regroupée autour du chef de file de l’opposition après avoir quitté la table du dialogue politique est dans la situation où son vis-à-vis lui a fait des concessions et que c’est à elle de décider maintenant. Il y a quelques jours, M. Eddie Komboïgo et Cie ne chantaient que leur tube préféré de la réconciliation nationale, et voilà alors qu’ils sont d’accord pour discuter ensemble, se parler entre Burkinabè, Eddie, Hermann, Noël, et les autres ne trouvent plus amusant de se réconcilier avec Rock, Simon, Zeph et les autres.
Non et non, ils ne se réconcilient plus, Blaise Compaoré peut rester en Côte d’Ivoire, ils veulent marcher dans tout le pays contre l’insécurité. Pourquoi ce demi-tour brusque dans la stratégie du dialogue ? Elle correspond à ce qui commence à devenir un habitus des politiciens du Mali et du Burkina : surfer sur les vagues du mécontentement général pour arriver au pouvoir. Les populations n’ont pas attendu les politiciens pour manifester contre l’insécurité à Djibo, Dori, Sebba, Kaya, et Titao…
On peut penser que c’est l’espoir de se hisser à la tête de ces mouvements que caresse le chef de file de l’opposition et ses troupes. Donc la tête de Sy Chériff et Ousséni Compaoré qui sont tombées dans leur escarcelle ne vont pas les satisfaire. L’opposition politique va essayer de montrer qu’elle peut faire sortir aussi les mécontents.
Les 3 et 4 juillet 2021 sont des journées test, pour vérifier si l’opposition peut mobiliser. Et leur marche est légale et républicaine. Eddie et ses amis veulent descendre dans la rue avec les masses populaires. Et si les mécontents sortent de plus en plus nombreux, la preuve sera faite que le pouvoir n’est plus légitime. Le fait que le chef de file de l’opposition soit le patron du Congrès pour la démocratie et le progrès peut faire penser à une volonté de jouer le match retour entre le pouvoir déchu et les insurgés au pouvoir. Ce qui serait vraiment dommage de la part de nos politiciens qui sont la source de nos difficultés.
Les Britanniques qui ont donné au monde cette institution du chef de file de l’opposition l’appellent aussi le « shadow cabinet ». Notre opposition ferait œuvre utile si elle avait réellement des hommes réfléchissant et proposant des alternatives aux ministres en place, notamment ceux de la sécurité et de la défense.
On entend parfois les politiciens médiocres dire qu’ils ont des idées mais ne les dévoileront que quand ils seront au pouvoir, sinon elles seront volées par leurs adversaires. Ces messieurs sous estiment les capacités de leurs cerveaux. Et la politique c’est de vendre des idées pour être élu et si on les cache, comment les électeurs vous reconnaitront-ils pour vos belles idées ? La situation désespérante du pays est liée au manque de stratégie de notre gouvernement. Si l’opposition a une solution, elle doit être la bienvenue et le dialogue politique doit être le cadre idéal pour en parler.
Sinon leurs marches ne mesurent, ne sont qu’une photo du nombre de mécontents. Elles ne seront jamais une marque d’adhésion à un programme politique qui n’a pas été présenté pour mobiliser pour la marche. Attention donc à confondre les mécontents avec ses militants. Il serait dommage que chaque fois qu’il y a mécontentement populaire, ce soit le lieu d’un changement de régime, au lieu d’un changement de politique.
Sana Guy
Lefaso.net
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