Centre saint joseph des malades mentaux errants de Tenkodogo : « Ne jamais laisser un frère en humanité trainer » Mgr Prosper Kontiébo fondateur du centre
A Tenkodogo, le « Centre saint joseph des malades mentaux errants » est la seule structure qui accueille, abrite, soigne et réinsère des personnes victimes des troubles psychiques et des malades mentaux. Une œuvre de l’église diocésaine qui veut donner redonner la dignité humaine aux malades errants. Dans cette clôture, «l’on ne veut laisser un frère en humanité trainer», selon le fondateur du centre Mgr Prosper Kontiébo.
Je sais jouer au tambour ». Le journaliste n’a encore rien demandé, il vient à peine d’entamer la visite du département affecté aux hommes malades mentaux, d’ailleurs, c’est sa première visite dans le centre saint joseph, et voilà à peine deux minutes, Casimir, la quarantaine, cheveux frisés, sourire radieux, bras ouvert, livre cet aveu les yeux dans les yeux, en déambulant pour saluer le visiteur.
Casimir T. pensionnaire du Centre, batteur de tambour
« Chaque jour, je joue et on danse, j’aime ça », poursuit Casimir tout joyeux, comme s’il saisissait l’opportunité pour étaler son talent. « Il faut lui apporter un tambour, il va le jouer et on va enregistrer le son », interpelle le prélat, Mgr Prosper Kontiébo, fondateur dudit centre. Pendant ce temps, Casimir, tout souriant, le regard confiant se positionne comme s’il ne manquait que ça, retire le tambour des mains de la bonne sœur Marie Rosalie Ouédraogo, accompagnatrice du centre. Puis, survint un coup de tambour par battement des mains, couplé d’une cadence rythmée, des éclats de rires et des danseurs, donc, des pensionnaires. « Ici, on danse, on chante, on regarde la télévision, ça les aide, ça soigne, cela leur fait du bien », dit la sœur Marie Rosalie Ouédraogo, « on joue au football aussi », renchérit, Mgr Prosper Kontiebo.
Monseigneur Prosper Kontiébo ( évêque de Tenkodogo), fondateur du centre Saint Joseph des malades mentaux
Casimir est l’un des 34 pensionnaires du Centre Saint Joseph des malades mentaux errants du diocèse de Tenkodogo. A chaque côté de la cour du centre, on y aperçoit un mur délimitant le centre, d’un plus de 5 m de haut, infranchissable, dont la seule porte reste bouclée. Mais l’intérieur est bien nettoyé et propre, avec des allées entourées de verdure, notamment des arbres, des plants de maïs, des légumes, mais aussi de micros bâtiments en forme carré. Pas de blouses blanches, juste une femme souriante, vêtue de pagnes complets, crucifix pendu au cou qui prend la parole : « Ici, on soigne les malades mentaux errants. Ils sont actuellement 32 pensionnaires, plus deux qui sont en phase de réinsertion, soit un total de 34 hommes et femmes ». « Le centre va à la recherche des malades abandonnés, nous allons à leur rencontre, souvent les familles nous les emmènent. Généralement, on les retrouve dans la rue, on les observe, on rentre en contact, avec les familles, on s’entend avec elles pour la prise en charge. Dès fois, les parents hésitent, puis après ils acceptent, on les envoie à l’hôpital pour les premiers soins, ensuite ils vivent pour la suite ici », relève la sœur Marie Rosalie Ouédraogo.
Sœur Marie Rosalie Ouédraogo, responsable du centre
A la question de savoir de quoi souffrent-ils, la sœur Marie Rosalie enchaine « Qui sont ces personnes souffrantes des maladies mentales, ce sont des retards mentaux, il y a la Schizophrénie, les maladies psychiatriques, la démence, les personnes âgées abandonnées du fait des maladies mentales, mais aussi dans une moindre mesure la dépression ».
Les types de patients viennent de plusieurs horizons, notamment des paroisses et villages de Tenkodogo, mais aussi de Ouagadougou et plusieurs autres régions du pays. Anita Salembéré, 24 ans, pensionnaire souffrante de maladie mentale, est accueillie dans ladite maison, depuis bientôt une année. Originaire d’une province voisine, elle était une étudiante avant de connaitre une crise psychique qui l’a conduite à l’errance. La sœur Marie Roslie Ouédraogo se souvient « C’est une de ses camarades étudiante, devenue policière qui l’a emmené ici, pour la prise en charge ». Depuis son arrivée, elle vit dans un appartement avec les autres filles, cuisinent ensembles et jouent entre elles. La sœur Marie Rosalie explique : « on a un contact régulier avec leurs parents, ils viennent nous rendre visite, ils visitent les patients, souvent, ils contribuent volontairement, selon leurs moyens ». Dieudonné Bondaogo, 60 ans l’un des plus anciens pensionnaires du centre. Muni d’une houe, après avoir été dans un champ, il témoigne « je me sens mieux ici, le centre m’a aidé. Je dis à ceux qui vont venir, je les invite. La manière dont j’ai la santé aujourd’hui, je souhaite aussi que ceux qui vont franchir ce centre aient la bonne santé ». Son histoire remonte, il y a de plus 5 de ans. A l’époque, il était maçon, avant d’être victime de maladie mentale, qui l’a conduit dans le centre pour la prise en charge. « J’étais maçon, je ne pouvais pas monter sur le mur, mais je peux faire le travail de la terre », lâche Dieudonné en souriant.
Dieudonné Bondaogo, doyen des pensionnaires du centre
Outre Dieudonné, plusieurs dizaines de pensionnaires souriants, sortent de leur appartement pour venir nous serrer la main tout en se présentant. Mais pour la sœur Marie Rosalie Ouédraogo, le combat de la prise en charge est parsemé d’embuche : « A long terme, il faut une prise en charge continue, surtout la réinsertion des malades. Les familles refusent de les accueillir, on a des difficultés à les réinsérer dans la société. A court terme, il nous manque des médicaments, les vivres, on n’a pas de personnel qualifié suffisant, et de volontaires ».
Ces difficultés, Mgr Prosper Kontiébo évêque dudit contre les partages : « les bâtiments nous manquent, surtout les logements, un hôpital, des médicaments, un réfectoire et une salle d’administration. On a besoin d’appui des bonnes volontés », confie-t-il. En attendant, pour se soulager des besoins du centre, il a initié, des jardins potagers, des élevages de canards, de poulets, de dindons, des champs de maïs, mais le besoin reste énorme. « Le diocèse est jeune, on n’a pas encore de moyen, mais le besoin est là, on compte sur la providence, ceux qui nous aident, nous marquons leurs noms sur le mur », lance Mgr Prosper Kontiébo.
Mais à l’origine, ce fut un appel le prélat s’en souvient encore : « « quand j’ai été nommé évêque, j’ai trouvé les gens qui trainaient et qui demandent à manger ; je me suis dit, qu’on ne pouvait pas laisser un frère en humanité qui trainait. Ce sont des malades qui n’ont pas voulu cet état. Pour raison de maladie, nous n’avons pas le droit de les ignorer, de les abandonner encore moins de les rejeter. Il faut que nous fassions quelque chose, ce n’est pas normal que nous n’assistions pas nos frères en difficultés, nous les bienportants, ce sont nos frères, les voir nus, passer comme si rien n’était ce n’est pas normal ».
Béatrice Yamba Ouedraogo, volontaire au Centre Saint Joseph des malades mentaux errants
Actuellement, outre la sœur accompagnante, c’est Béatrice Yamba Ouédraogo, qui s’est engagée volontaire, depuis 5 ans au service des malades par vocation, elle se confie « c’est l’amour des malades, je me sens bien à leurs côtés, j’invite les gens à passer rendre visite aux malades pour apprendre et pouvoir les aider », laisse-t-elle entendre toute souriante.
Les résultats de prise en charge de certains malades après un moment satisfont Mgr Seigneur Kontiébo et lui donnent l’espoir de poursuivre les soins au profit des malades, malgré les difficultés. Le centre ouvert, bientôt six ans, a rendu d’énormes services aux malades, à leurs familles et la communauté. Mais le besoin reste énorme, et pour l’évêque Prosper Kontiébo, la contribution de chacun à permettre de ne plus jamais laisser un frère en humanité errer est important ».
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