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Produits forestiers non ligneux : des menaces sur les espèces pourvoyeuses

On les consomme presque chaque jour sans chercher à savoir qu’on les appelle Produits forestiers non ligneux (PFNL). Menacés de disparition, les PFNL sont des produits tirés de la forêt, à l’exception du bois et de la faune sans les insectes. Les actions de l’homme sur l’environnement constituent des menaces graves à la survie des essences pourvoyeuses de ces matières. L’espoir de régénérescence de la forêt est entre les mains du Centre national de semences forestières (CNSF).

Les Produits forestiers non ligneux (PFNL) sont de plusieurs catégories : la première comprend les feuilles, les fleurs, les fruits. La deuxième catégorie regroupe les écorces, les racines, les jeunes tiges ou tiges non lignifiées. La troisième catégorie se compose des sèves, des gommes, des résines et des champignons. Enfin les insectes et leurs produits dérivés : éphémères, chenilles du karité, miel. « De nos jours, il n’y a pas un habitant au Burkina qui ne consomme pas de PFLN», foi d’Ernest Bambara, directeur de la valorisation et de la Promotion des produits forestiers non ligneux (PPFNL). Pour le seul cas du ‘’soumbala’’, il précise : « Plus de 44% de la population consomment ce produit tiré des graines du néré ». Les produits forestiers non ligneux sont plurisectoriels. Il y a les PFNL alimentaires qui sont des produits bruts ou transformés, destinés à la consommation. Edith Youl, responsable de l’Association Tew-maalou de Gaoua détaille : « Nous avons de jardins nutritifs (champ d’arbres) dans lesquels nous récoltons les feuilles de baobab et du moringa pour la consommation et la commercialisation». Le groupement de Mme Youl transforme les produits du baobab, du karité et du moringa. Mais, il n’y a pas que cela dans le ‘’palmarès’’ de Tew-maalou : «De la pulpe du pain de singe, nous produisons des jus de toedo, du biscuit et du sirop. On extrait également de l’huile à partir des graines de ces espèces et leurs feuilles sont utilisées dans la préparation de la sauce pour accompagner le tô et d’autres repas ».

Au-delà des groupements associatifs, des personnes physiques à titre individuel s’adonnent aussi à la transformation des PFNL. C’est le cas de Mme Eliane Zo/Toé, restauratrice spécialiste de mets locaux. Elle décrit comment se prépare les plats à base des PFNL : « Nous préparons ‘’le koum-vando’’ (les boules de feuilles d’aubergine sauvage), ‘’le Baabenda’’, ‘’le zamnin’’, les boules de feuilles de moringa et les jus de ‘’toedo’’ et bissap ». Nombreux sont ceux qui aiment s’alimenter avec ces repas qui sont de plus en plus servis lors des pauses cafés et déjeuners pendant les ateliers. Et la restauratrice de souligner qu’il n’y a pas de mets meilleurs que ceux-ci, puisqu’on en trouve presque pour tous les goûts et saveurs et à moindre coût. Elle soutient que les mets locaux renforcent plus la santé que le riz et les pâtes alimentaires.

L’apport de Yacouba Sawadogo

Moussa Ouédraogo, directeur général du CNSF : « Le CNSF est la 1re structure à promouvoir les espèces locales ».

L’autre secteur concerne la médecine où on retrouve, entre autres, les racines, les écorces et les feuilles. Cette catégorie constitue la base des interventions de l’Organisation non gouvernementale (ONG) Phytosalus. Elle est spécialisée dans les traitements médicaux à base de produits d’espèces végétales locales.

Cette ONG, qui a des représentations au-delà des frontières burkinabè, est aussi réputée dans les soins traditionnels. Ernest Compaoré, Coordonnateur de Phytosalus à Ouagadougou exprime sa fierté : « En 30 ans d’exercice, nous n’avons enregistré aucune plainte à la suite d’un traitement, bien au contraire nous avons les félicitations de plusieurs partenaires». Selon le coordonnateur, les espèces locales sont uniquement utilisées pour soigner les patients. Pour illustrer ses propos, il confie utiliser les produits du ‘’Bagendé’’ en mooré et Piliostigma reticulatum de son nom scientifique pour soigner le paludisme, ainsi que le Moringa pterygosperma qui lui sert à soigner l’abcès. Le ‘’Wukma ou tengkwi tem kwi’’ en mooré, de son appellation scientifique Portulaca meridiana, soigne les céphalées, prescrit-il. Elles sont nombreuses, les personnes physiques qui, en plus des organisations œuvrant dans la filière, ont foi en ces produits. Est de celles-là, Yacouba Sawadogo, « l’homme qui arrête le désert », un particulier résidant dans la région du Nord par ailleurs tradipraticien et lauréat du prix Nobel alternatif 2018 et champion de la terre 2020. Ce natif de Ouahigouya décrit la nature de ses interventions au profit de la population : «Nous recevons des patients chaque jour et nous les soignons à base des feuilles, des racines ou d’écorces d’arbres provenant de la forêt ». M. Sawadogo, reboise depuis 48 ans avec pour ambition de pérenniser les espèces végétales locales dont les produits sont utilisés pour la pharmacopée.

Ce qui fait dire au lauréat que les produits de sa forêt, précisément les fruits, profitent aux femmes et aux enfants de la localité. Cette forêt, située dans le quartier Gourga de Ouahigouya s’étend sur une superficie de 27 ha. Elle est composée, entre autres, du karité (Vitellaria paradoxa), du raisinier (Lannea microcarpa), du noabga (Sclerocarya birrea), du jujubier (Ziziphus mauritania), du tamarinier (Tamarindus indica) … Les PFNL sont également utilisés dans le secteur artisanal. « Ce sont des produits qui entrent dans la confection des seccos pour la toiture des maisons et hangars, les chapeaux et bien d’autres », indique M. Bambara. Les PFNL tinctoriaux sont également utilisés pour obtenir de la teinte et colorer les tissus des habits. Anogeissus leiocarpus appelé ‘’siiga’’ en mooré, produit de la teinture, est beaucoup utilisé pour les tissus ‘’Faso dan fani’’ et les ‘’koko-donda’’, confie le directeur de PPFNL. De nos jours, ceux qui interviennent pour la valorisation et la promotion des PFNL produisent en pépinière les plants qui sont cultivés dans ‘’des jardins nutritifs’’ en vue d’entretenir et de récolter en quantité importante les PFNL. C’est une activité qui fait vivre des milliers de personnes. « Lorsque vous cultivez les semences du baobab produit par le CNSF, au bout de deux semaines vous avez la germination et en deux mois vous pouvez faire la 1re récolte. En moyenne, chaque 15 jours on peut faire une récolte de feuilles de baobab », relève Ernest Bambara dont la direction s’occupe de la promotion de ces produits.

Un atout socioéconomique

La Stratégie nationale de valorisation et de promotion des produits forestiers non ligneux (SNVPPFNL), élaborée en juillet 2010 indique que 70% du territoire national du Burkina Faso, soit environ 19 048 352 ha, renferme une grande diversité de PFNL. La stratégie précise que les PFNL entrent dans l’alimentation et l’équilibre nutritionnel de plus de 43,4% des ménages burkinabè et interviennent dans l’amélioration de la santé de 75 à 90% des habitants. Ils procurent aussi 23% des revenus et offrent de l’emploi aux ménages ruraux. M. Bambara ajoute que la filière des PFNL contribue à hauteur de 3.8% au Produit intérieur brut (PIB), soit un montant de plus de 23 milliards francs CFA injectés chaque année dans l’économie nationale. Aux dires du directeur Bambara, les PFLN génèrent plus de 58 000 emplois en milieux urbain et rural. En la matière, les PFNL constituent une source de revenus considérable pour l’autonomisation des femmes.

A en croire Mme Youl, l’Association Tew-maalou de Gaoua, voit en la transformation et la commercialisation de ces produits forestiers, une passerelle pour l’atteinte de l’autonomisation financière de la femme en luttant contre l’extrême pauvreté en milieu rural. « Au niveau régional, l’Association Tew-maalou compte 218 femmes et au niveau communal 83 qui transforment et commercialisent ces produits », laisse-t-elle entendre. La responsable de l’association des femmes de Gaoua, précise que les adhérentes se partagent 90% des bénéfices des produits et le reste revient à l’association. C’est sans doute pour tout cela que Mme Youl a reçu des lauriers lors de la Journée nationale du paysan (JNP) 2019 à Gaoua. En effet, l’Association Tew-maalou de Gaoua a remporté le 2e prix dans la promotion et la valorisation des PFNL et le 1er prix en matière de production des huiles à partir des graines de produits forestiers. Les Produits forestiers non ligneux qui contribuent énormément à l’amélioration des conditions de vie des populations sont malheureusement menacés de disparition. Il y a par exemple la coupe abusive du bois qui repose surtout sur des pratiques traditionnelles. En effet, le bois des espèces concernées est utilisé dans la cuisine, l’artisanat et aussi dans les soins traditionnels sans souci de procéder au remplacement des essences détruites. Autre fait non négligeable, c’est la divagation des animaux, obstacle majeur à la survie des espèces végétales. Les animaux à leur passage broutent les jeunes plantes sans oublier les fleurs et les fruits indispensables à la multiplication végétative.

Les feux de brousse, une pratique traditionnelle dans la chasse aux animaux sauvages, sont aussi des terreaux de la déforestation. Les inondations, la sécheresse, le réchauffement climatique et la rareté des pluies sont autant de facteurs qui ne favorisent pas le développement des espèces végétales. Le terrorisme, ce phénomène nouveau s’inscrit progressivement sur la liste des prédateurs de l’environnement. La peur d’accéder aux zones dites rouges entrave les activités de collecte des semences et empêche le reboisement, ce qui limite les champs de la production des PFNL. Moussa Ouédraogo, Directeur général du CNSF fait observer que les peuplements sont en brousse, notamment au Sahel et à l’Est et l’accès à ces zones est très difficile, ce qui nous empêche de faire la collecte des semences. Si bien que les équipes sont obligées d’exploiter les peuplements des particuliers, ce qui revient plus coûteux, fait savoir M. Ouédraogo.

CNSF, un rôle de premier plan

Tout cela laisse penser que si rien n’est fait pour sauver le couvert végétal, les êtres vivants en subiront un impact négatif. Heureusement pour faire barrière à cette avancée du désert, le Centre national de semences forestières a sa stratégie. Ce centre mène des recherches afin de trouver des solutions idoines pour le développement de la forêt. Plus de 30 ans d’expériences dans la multiplication végétative, le CNSF est la 1re structure à promouvoir les espèces locales. Il va donc de soi que nous avons participé significativement à la promotion des PFNL, déclare Moussa Ouédraogo, Directeur général du Centre national de semences forestières.

Des pépiniéristes des communautés contribuent à la pérennisation des PFNL.

A l’écouter, les semences forestières et les plants du CNSF sont des PFLN. Etant entendu, souligne-t-il, que le terme PFNL n’existait pas, il y a 20 ans, nous avions déjà devancé à faire la promotion des produits forestiers non ligneux avant même que ce terme ne soit à la mode actuellement. Ainsi, le travail de collecte, de conservation, de traitement et de production des semences constitue la base de la pérennisation et de la multiplication des espèces végétales. De ce fait, le Centre contribue directement ou indirectement à la promotion des produits forestiers. Dr Lassina Sanou, responsable chargé de la gestion de l’herbier du CNSF et chercheur au sein du programme sylviculture, écologie et taxonomie explique le travail de propagation végétative : « Nous faisons la collecte de semences mélangées sous plusieurs pieds de la même espèce au sein du peuplement pour avoir la chance d’obtenir des meilleures graines ». A titre d’exemple, une fois collectées, les gousses sont pilées pour extraire la graine de la pulpe, puis lavées et séchées à l’ombre afin d’obtenir la bonne graine de semence. Selon M. Sanou, au début, la graine est testée pour connaître sa teneur en eau initiale d’abord puis vient le test de germination et enfin la viabilité avant de procéder à la conservation en laboratoire ou à la production dans la pépinière.

La technique de conservation développée par le CNSF permet de garder les semences aussi longtemps que possible dans les laboratoires, « C’est-à-dire mettre en dormance la graine, si bien qu’à tout moment, on peut la régénérer ou la commercialiser », confie Dr Sanou. Pour la multiplication des espèces végétales, le Centre national de semences forestières utilise la voie sexuée ou la voie naturelle par laquelle les espèces se reproduisent par le biais de la graine en passant par la pollinisation des fleurs donnant les fruits. Ensuite, vient l’étape de maturation et enfin, le fruit tombe et pourrit. Le cycle peut se poursuivre naturellement en donnant naissance à une nouvelle plante. En ce qui concerne la voie asexuée, elle consiste à couper un morceau de tige ou de racine que l’on peut manipuler à travers plusieurs techniques destinées à multiplier ou à améliorer la productivité de l’espèce. Selon Dr Sanou, ces techniques sont, entre autres, le bouturage, le greffage, le drageonnage, le marcottage et la micropropagation. Ces procédés sont utilisés en fonction du type d’espèces ou de semences pour la multiplication végétative. Les résultats sont sans appel sur le terrain et ils sont d’autant plus marquants que les recherches du CNSF ont permis de nos jours d’écarter les préjugés.

« Il y avait des mentalités fixistes qui trouvaient que celui qui plantait le karité ou le baobab, n’avait aucune chance de voir ses fruits de son vivant », raconte-t-il. Et d’en déduire que les activités du Centre ont permis de convaincre même les plus sceptiques. Aujourd’hui, nombreux sont les pépiniéristes au sein des communautés de base qui font germer le néré, le baobab, le karité et obtiennent des plants de qualité qu’ils mettent à la disposition des populations pour les activités de reboisement. Ernest Bambara, inspecteur des Eaux et forêts et directeur de la Promotion des produits forestiers non ligneux (PPFNL), client potentiel du CNSF affirme : « Le CNSF a pu mettre à notre disposition des matériels végétaux de qualité pour nos activités dans les jardins nutritifs et il accompagne également les acteurs de la filière PFNL ». Se félicitant de cette avancée scientifique grâce au CNSF qui fait son bonhomme de chemin, l’inspecteur des Eaux et forêts révèle qu’en moins de 3 mois, il peut disposer des PFNL frais dans les jardins nutritifs et de meilleure qualité pour la consommation ou la commercialisation.

Harouna OUEDRAOGO (Collaborateur)

(Article de fin de formation à l’ISTIC)

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