Agence nationale des évaluations environnementales : « Il y a toujours des promoteurs qui tentent de contourner la loi », DG Tidiane Zougouri
Née de l’évolution du Bureau national des évaluations environnementales (BUNEE), l’Agence nationale des évaluations environnementales (ANEVE) dispose désormais d’un conseil d’administration composé de neuf personnes installées, le 13 août 2021. Pour comprendre les missions et les défis de l’institution, le Directeur général de l’ANEVE, Tidiane Zougouri, a accordé une interview à Sidwaya.
Sidwaya (S) : Le Bureau national des évaluations environnementales (BUNEE) s’appelle désormais l’Agence nationale des évaluations environnementales (ANEVE) avec un conseil d’administration. Qu’est-ce qui explique ce changement de dénommination ?
Tidiane Zougouri (T.Z.) : Effectivement au départ, c’était le BUNEE. C’était une structure créée au sein du ministère de l’Environnement, de l’Economie verte et du Changement climatique et rattachée au secrétariat général. L’ancrage institutionnel a changé plus ou moins. Nous sommes un Etablissement public de l’Etat (EPE) et nous relevons toujours du secrétariat général du ministère de l’Environnement. Les missions ont plus ou moins changé étant donné qu’à présent nous avons un conseil d’administration et d’autres services qui ont été créés au sein de l’agence.
Il faut dire que l’agence vient de loin. Il est dit que les structures qui sont chargées de gérer les questions des évaluations environnementales en Afrique de façon générale doivent avoir une autonomie de gestions administrative et financière. C’est d’ailleurs une exigence de nos partenaires notamment les institutions bancaires telles que la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) pour ne citer que ces deux-là. Aujourd’hui nous faisons face à de grands défis dans le domaine des sauvegardes environnementales et sociales. Donc, tous les projets de réalisation au niveau national doivent faire une évaluation environnementale en fonction de la taille du projet.
Alors, pour cette évaluation environnementale, il s’agit, soit de faire une étude d’impact environnemental et social, soit de faire un audit d’impact environnemental et social. Ces outils qui ont une exigence réglementaire au niveau national doivent être satisfaits d’abord par tous les projets au niveau national.
S : Pouvez-vous donner un cas concret d’évaluation environnementale ?
T. Z. : Je prends l’exemple d’une station d’essence que vous voulez construire. Cette station peut avoir dans son fonctionnement un impact sur l’environnemental et le social. Pourquoi ? D’abord, c’est une installation qui prend de l’espace. Il faut regarder si le site occupé ne dérange pas le voisinage. Il faut voir si en cas d’accident, il n’y a pas de problème dans l’environnement immédiat. Il y a aussi le fait que dans le cadre de certains projets, notamment miniers, il arrive qu’on déplace des populations pour que la mine puisse exploiter le minerai.
Ce déplacement des populations n’est pas toujours de gaieté. L’évaluation environnementale permet donc, à travers un outil que nous appelons le plan d’actions de réinstallation, d’identifier et de recenser les personnes qui sont impactées. Il faut s’accorder sur les méthodes de compensation, les méthodes d’indemnisation, les coûts des indemnisations et des terres que ces populations perdent. L’évaluation environnementale vient tout de suite encadrer et accompagner tout ce processus. Dans le cadre des projets routiers qui traversent des villes et des forêts par exemple, il y a des impacts sur la végétation.
A ce niveau précis, il faut des plantations de compensation parce qu’on ne peut pas construire une route sans couper les arbres, sans qu’il n’y ait des pistes de déviation qui pourraient entrer dans des villages et impacter la vie des populations comme la poussière, le bruit des engins, etc.
S : Est-ce que des structures vous approchent pour des études d’impact environnemental avant d’entreprendre une activité ?
T. Z. : Tout à fait ! C’est la loi même qui l’indique. Le Code de l’environnement qui est la loi de base dit clairement en son article n°25 que tout projet qui a un impact sur l’environnement doit faire l’objet d’une évaluation environnementale. Cela veut dire que vous ne pouvez pas réaliser votre projet sans passer par l’ANEVE qui doit vous délivrer d’abord un avis de faisabilité environnementale. C’est sur la base de cet avis que vous pouvez réaliser votre projet.
Aujourd’hui, tous les prometteurs des projets étatiques ou privés qui font la promotion immobilière passent toujours dans nos services pour déposer leur rapport d’évaluation environnementale. Le plus souvent, ce sont des études d’impact environnemental et social avant de bénéficier de l’avis de faisabilité du ministre en charge de l’environnement. C’est vrai que dans le processus, il n’y a pas que l’avis de faisabilité. Mais, c’est un acte très important qui vous permet de démarrer votre projet sans problème. Il y a aussi des promoteurs immobiliers qui ont besoin d’agrément du ministère du Commerce pour bénéficier des avantages du Code des investissements.
Et tant que vous ne réalisez pas l’étude d’impact, tant que vous n’avez pas l’avis de faisabilité, soyez-en sûr que vous n’allez pas bénéficier de l’accompagnement du Code des investissements. C’est donc important pour tout promoteur qui a besoin d’un agrément pour réaliser l’évaluation environnementale d’un projet. Cela permet de maîtriser les problèmes que l’installation d’un projet peut amener soit du côté des populations soit du côté de l’environnement.
S : Il y a certainement des brebis galeuses !
T. Z. : Oui c’est vrai ! Il y a toujours des promoteurs, des personnes qui tentent de contourner la loi. Mais à ce niveau aussi, nous avons d’autres instruments pour faire des contrôles. Il s’agit, par exemple, des inspections environnementales. Nous avons nos équipes qui sortent plusieurs fois de façon inopinée ou organisée et qui vérifient sur tout le territoire. Au cours d’une sortie, la première des choses, c’est de vous demander si vous bénéficiez d’un avis de faisabilité environnementale et sociale de votre projet. Si vous ne l’avez pas, nous considérons déjà que vous êtes en infraction. Vous serez donc interpellé et on va bien sûr vous appliquer les textes.
Vous pourrez être ainsi verbalisé et on vous donnera un délai pour satisfaire ces exigences. Mais cela n’empêche pas que vous puissiez aussi subir des sanctions que les textes nous donnent le droit d’appliquer.
S : La mine de Kalsaka a causé un dégât environnemental au point d’impacter la vie de la population de cette localité. Où en est-on avec ce dossier ?
T. Z. : La mine de Kalsaka a, au départ, respecté toutes les conditions et toutes les procédures pour s’installer. Pendant la phase d’exploitation, les activités de cette mine, ont été arrêtées. En pareilles circonstances, il est prévu bien sûr dans nos textes que lorsqu’une mine veut fermer, elle doit présenter à notre niveau, un plan de réhabilitation et de fermeture. La mine de Kalsaka depuis 2012, si je ne me trompe, a introduit au niveau de l’administration environnementale leur plan de réhabilitation et de fermeture.
A ce niveau, on ne peut pas dire que la mine n’a pas satisfait les exigences de la loi. Mais, il s’est posé un problème. Tout simplement pour l’examen de ce plan de réhabilitation et de fermeture, un comité devrait être mis en place puisque les textes prévoient un comité qui doit examiner ce plan de réhabilitation et nous ne devons pas perdre de vue que toutes les mines ont cotisé au niveau des banques. Au départ, c’était des banques commerciales et puis la BECEAO. Mais la mine de Kalsaka, au moment où elle déposait son plan de réhabilitation et de fermeture, il n’y avait pas ce comité en place. On a mis du temps pour mettre en place ce comité, mais à présent c’est fait.
Le cas de Kalsaka, à un moment donné, il y a eu reprise de la société par un autre groupe. Ce que nous avons demandé à Kalsaka, c’est de faire le passif environnemental de la société que nous avons examiné à notre niveau. Il s’agissait d’un audit environnemental qui a aussi un peu une couleur d’étude d’impact environnemental et social. Il s’agit d’un document hybride qui donne le passif et aussi qui ouvre un peu la voie à mener des actions de réhabilitation. Nous étions à ce stade.
Comme il y a eu une reprise, il n’est pas exclu que toujours dans le cadre de la reprise de la mine et de redémarrage des activités que des actions de réhabilitation se fassent. Forcément, il y a des actions de réhabilitation et la mine a d’ailleurs intérêt à mener ces actions de réhabilitation parce que pour avoir accès à certaines fosses et certaines installations, il faut forcément réhabiliter même si ça ne suit pas les règles édictées par la loi. Ils sont obligés de le faire.
Mais pour le moment nous suivons le démarrage effectif de cette mine par un nouveau groupe qui traîne à reprendre les choses en bonne et due forme. Peut-être que cela est dû à certaines difficultés que nous ne maîtrisons pas parce qu’il n’y a pas seulement que les questions environnementales.
Il y a aussi des questions économiques et autres qu’il faut prendre en compte. D’autres structures pourront peut-être s’exprimer sur la question, mais, pour ce qui nous concerne, nous savons que le rapport du passif environnemental a été déposé à notre niveau. Il a été examiné et il n’est pas exclu qu’il y ait des actions de réhabilitation parce que dans tous les cas la mine a déjà cotisé et l’argent est donc à la BECEAO.
S : Pouvez-vous nous assurer que toutes les sociétés minières installées au Burkina Faso sont soumises à la règlementation concernant les questions environnementales.
T. Z. : Oui tout à fait ! Il n’y a pas cette mine qui s’est installée au Burkina sans satisfaire cette exigence là parce que lorsque vous n’avez pas votre avis de faisabilité, cela suppose que la commission nationale des mines ne peut pas examiner votre dossier pour que vous ayez le permis d’exploitation. Donc, toutes les mines qui sont en fonctionnement et qui ont bénéficié de leurs permis d’exploitation ont forcément conduit des études environnementales et sociales.
Paténéma Oumar OUEDRAOGO
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