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Le timing d’un message

Dans un message adressé au peuple burkinabè depuis son exil ivoirien, l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré, déplore les récentes attaques contre les Forces de défense et de sécurité (FDS), les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et les populations civiles. Tout en exprimant sa solidarité avec les autorités et le peuple, le président d’honneur du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) rappelle que « sans une union sacrée, nous ne parviendrons pas à arrêter la barbarie de ces assassins et à préserver l’intégrité de notre territoire ».

Il a même interpellé chacun à l’union et à la solidarité, dans cette grande épreuve, « conscients que ce qui arrive à nos populations désarmées au Nord, à l’Est et dans d’autres régions du pays, peut arriver à chacun de nous personnellement ou à nos proches ». Cette sortie de l’ex-chef de l’Etat (confirmée par le président du CDP, Eddie Komboïgo) a cette particularité de rompre le silence dans lequel il s’est muré depuis 2014, se réservant de se prononcer sur bien de sujets en relation avec sa personne, sa famille proche et surtout la rude épreuve terroriste que son pays traverse.

Après plus de six ans d’attaques terroristes plus meurtrières les unes que les autres, c’est donc ce moment précis que Blaise Compaoré a choisi pour exprimer sa compassion à l’endroit du peuple burkinabè. Au-delà de ces « précieux conseils », tout porte à croire que Blaise Compaoré a « recommencé » à s’intéresser à la situation que traverse le pays qu’il a dirigé pendant plus d’un quart de siècle. Mieux, « l’enfant terrible de Ziniaré », précise qu’il est temps de taire « nos querelles, nos incompréhensions et nos égos » pour se donner toutes les chances de préserver « notre Patrie » en très grand danger.

Ce message, si tant est qu’il émane de M. Compaoré, a au moins le mérite d’être clair, parce que son émetteur, comme tant d’autres l’ont fait avant lui, appelle les Burkinabè à s’accorder sur l’essentiel pour affronter et surtout vaincre l’ennemi commun de la Nation, le terrorisme. Par ces temps de crises où le Burkina Faso compte ses amis et partenaires, le pays ne gagne rien à être sélectif sur cette expression de solidarité et même de soutien d’une personnalité de la trame de Blaise Compaoré.

Il doit donc prendre avec ouverture ce coup de pousse de la principale victime des événements des 30 et 31 octobre 2014 qui, visiblement, jette un regard compatissant sur le peuple insurgé. De ce point de vue, les lignes semblent bouger, comparativement aux premières heures du divorce entre le président Compaoré et « son » peuple. Toutefois, sa sortie suscite des interrogations chez bien de Burkinabè. Blaise Compaoré est-il sincère dans son appel à l’union ? Dans le fond, ne s’agit-il pas d’une condamnation du bout des lèvres ? Le timing de cette sortie n’est-il pas sujet à interprétation ?

Ces questions méritent d’être posées parce que l’ex-chef de l’Etat aurait pu se prononcer depuis belle lurette, surtout au début des attaques qu’on qualifiait, à tort ou à raison, d’actes de déstabilisation du nouveau régime. Quant au timing, cette sortie tombe en plein dans un processus de réconciliation nationale et on est tenté de faire le lien avec cette dynamique engagée et sa volonté d’y prendre une part active.

La question est d’autant plus importante que ce message de Blaise Compaoré intervient dans un contexte où plusieurs dossiers judiciaires notamment de Thomas Sankara qui le concerne, de l’assassinat de Norbert Zongo impliquant son frère cadet (François Compaoré) et de son dernier gouvernement (procès de l’insurrection populaire) sont sur le point d’entrer dans leur dernière phase, celle du jugement.

En faisant une réapparition sur la scène politico-sécuritaire de son pays, Blaise Compaoré, en fin stratège, pourrait tenter de gagner la sympathie des Burkinabè et par conséquent, demander leur clémence. Quelle que soit la motivation qui se cache derrière cet appel à l’union sacrée, il est d’une unanimité absolue que le Burkina Faso en a besoin, aujourd’hui plus que jamais.

Jean-Marie TOE

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