A l’annonce du coup de force en Guinée qui a mis un terme au régime d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021, des messages de condamnation ont fusé de partout. De l’ONU à l’Union africaine (UA) en passant par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), toutes ont fustigé la prise du pouvoir par la force et appelé au rétablissement du président déchu, Alpha Condé dans ses fonctions. Sans connaître les motivations réelles du lieutenant-colonel, Mamady Doumbouya, et ses hommes à faire irruption sur la scène publique guinéenne, tout porte à croire que le 3e mandat a servi en filigrane de prétexte à ce putsch. En modifiant la Constitution pour se présenter à la présidentielle pour un 3e mandat, Alpha Condé avait dessiné les fissures qui allaient l’emporter un jour ou l’autre. Au moment où les velléités de modification de la loi fondamentale guinéenne se faisaient sentir avec en ligne de mire, une énième candidature du chef de l’Etat,
personne n’a osé l’en dissuader. Ni l’ONU, ni l’UA encore moins la CEDEAO n’a interpelé Alpha Condé quant aux risques que comportait son passage en force. Ces institutions ont brillé par leur silence assourdissant feignant d’ignorer l’agitation que suscitait le mandat de trop. Des Guinéens ont été envoyés six pieds sous terre tout simplement parce qu’ils ont eu le courage de dire « non » à la confiscation du pouvoir. D’autres sont emprisonnés dans des conditions exécrables en Guinée par la seule volonté d’Alpha Condé et son clan. Dans l’indifférence générale, personne ne s’en est ému face à ces graves crimes et violations des droits de l’homme. Alors que le président est renversé, ces organismes se sont empressés de vouer aux gémonies, les auteurs du putsch pour avoir renversé un régime démocratiquement élu. Oubliant que la réélection du président Condé portait en elle-même les germes d’une crise évidente. Ces condamnations tous azimuts ont quelque chose d’une farce mal inspirée. Où étaient ces institutions quand les Guinéens battaient le pavé contre la modification de la Constitution ? Que faisaient-elles quand Alpha Condé a imposé sa volonté au peuple guinéen en se présentant à la présidentielle d’octobre 2020 ? Ce jeu qui consiste à vouloir jouer les pompiers après que le feu a embrasé la maison n’honore aucunement ces institutions qui crient au coup d’Etat.
Leur crédibilité doit se jouer dans la prévention des crises inhérentes aux modifications des Constitutions sur le continent. C’est en empêchant certains dirigeants désireux de s’éterniser au pouvoir, au mépris des lois fondamentales, que l’on pourrait espérer mettre fin à l’irruption de la grande muette dans la sphère publique. Tant que des chefs d’Etat seront animés d’une volonté de confisquer le pouvoir à vie, des coups d’Etat comme celui qui vient de se passer en Guinée interviendront. Et il trouvera des gens qui applaudiront ces putschs qui mettent fin à l’appétit gargantuesque de certains présidents qui ont la prétention de penser qu’ils sont indispensables. Il faut encourager la culture démocratique chez les dirigeants au lieu de fermer les yeux sur leurs dérives susceptibles de créer des troubles. Comme l’a souligné Augustin d’Hippone : « une loi injuste n’est pas une loi ». Pour dire que lorsque l’on contorsionne la loi à des fins égoïstes, il est clair qu’il y aura un jour ou l’autre une contestation de celle-ci. L’important dans l’épisode qui s’est ouvert en Guinée, c’est d’aider les nouvelles autorités à rassembler l’ensemble des Guinéens autour d’un idéal commun de justice, d’égalité et d’inclusion pour que le retour à la normale puisse s’opérer à la satisfaction de tous. Il est temps que ce grand pays sorte de cette zone de turbulences qu’il traverse depuis belle lurette.
Karim BADOLO
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