Politique

Politique au Burkina : Bluff de l’opposition ou hostilité de la majorité ?

C’est un procès sans appel que le Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF) a fait au pouvoir, à l’occasion de sa rentrée 2021-2022, ce mardi 13 septembre 2021. Si les sujets abordés ne sont pas nouveaux pour les Burkinabè, des passages relatifs à cette sortie qui acte la reprise des activités retiennent l’attention et nourrissent des préoccupations dans certains cercles.

Tout comme le gouvernement, la rentrée du CFOP-BF se tient dans une actualité aux faits têtus et qui impliquent pour les populations de pouvoir compter sur leur élite politique pour une solution aux préoccupations. L’opposition retrouve donc les problèmes, comme elle les avait laissés. Ce n’est donc pas nouveau, la verve par laquelle les responsables du CFOP-BF sont revenus sur les défis qui se dressent devant le pouvoir et en mettant en exergue l’agacement des populations face à la recrudescence de certaines préoccupations (surtout la dégradation de la situation sécuritaire).

Mais ce qui a davantage capté l’attention à cette sortie de l’opposition, ce sont ces affirmations sur ce qu’on peut qualifier de « tentatives » d’étouffement des libertés d’opinion et d’expression . « Les tentatives de réduire au silence les opposants et les activistes de la société civile par des arrestations arbitraires et des menaces multiformes ne sauraient être une stratégie payante de sortie de crise.

L’histoire nous enseigne que seule la bonne gouvernance et le respect des libertés individuelles dont fait partie la liberté d’expression, sont les fondements d’une démocratie en construction. Il y a à peine deux mois de cela, Simon Compaoré, Président du parti majoritaire, a proféré des menaces explicites, au détour d’une interview accordée le Vendredi 16 juillet 2021 au journal Le Pays. Il a dit ouvertement ceci : « face à la capacité de nuisance de l’opposition, nous allons développer une capacité de nuisance plus importante. Il faut rappeler que ces propos ont été tenus par Monsieur Simon Compaoré suite à l’appel lancé par l’opposition pour la marche de soutien aux FDS (Forces de défense et de sécurité) et aux VDP (volontaires pour la défense de la patrie) », ont évoqué les responsables du CFOP-BF.

Dans des commentaires autour du sujet, des leaders de l’institution ont fait état (et sans plus de précisions) de ce que certains d’entre eux subissent des menaces voilées de la part du pouvoir.

Du « buzz » politique ou une réelle dynamique du pouvoir d’étouffer les libertés ?
En tous les cas, ces évocations, après les épisodes d’intimidations de journalistes et leaders d’opinion (Ladji Bama, Seydou Baoula, Sidiki Dramé, Lionel Bilgho), pour n’afficher que ces exemples, ne sont pas un bon élan pour le pays. On retient également que les syndicats ont, à maintes reprises, dénoncé une « remise en cause des libertés ».

La classe politique se doit, à commencer par celle au pouvoir, d’œuvrer à éviter au pays, les méthodes de gangsters. On ne peut pas fustiger les attitudes inciviques dans la société, prôner un front commun contre les défis cruciaux communs et en même temps adopter des démarches qui vont en contradiction. La responsabilité du pouvoir est grande dans la marche du pays, c’est lui qui définit la marche et la cadence. Il se doit donc, dans cette position, d’éviter tout ce qui peut laisser des possibilités à d’interprétations nuisibles à l’aspiration commune des Burkinabè (la paix, la stabilité, la cohésion sociale, l’unité nationale, la discipline et le civisme dans la société).

Les défis ne peuvent être relevés en taisant les réalités que vivent les Burkinabè. Tout comme ils ne sauraient l’être sans la bonne foi de ceux qui s’opposent au pouvoir politique. Chaque entité a sa dose d’apport et de responsabilité, à la mesure des pouvoirs qui lui sont confiés par la République.


La ration de l’usure politique ?

Contactée pour réagir à cette déclaration du CFOP-BF, un leader politique, qui dit ne se reconnaître en aucun bord (ni majorité ni opposition, ndlr), a eu des propos durs vis-à-vis de l’ensemble de la classe politique, qu’il qualifie de « génération paumée ».

« Il faut qu’une certaine catégorie d’hommes politiques accepte maintenant de se mettre à l’écart pour soulager ce pays. Ils utilisent le Burkina Faso pour faire des bagarres personnelles. Qu’est-ce que les pauvres populations ont à avoir dans vos querelles ? Vous avez tout eu grâce à ce pays et avec ce pays, mais que voulez-vous encore ? Il y a des gens qui ne pensent pas l’existence de ce pays sans eux. Pour eux, s’ils doivent tomber, c’est le pays avec. Ils sont-là, ce sont les mêmes qui font le jeu politique au détriment des intérêts réels des populations », s’est emporté l’interlocuteur.

C’est aussi un regard mitigé que cette source interne au CFOP-BF a de la situation. « Ce n’est pas une question d’opposition ou de majorité, c’est une affaire d’hommes ; ceux qui sont au premiers plans de la politique actuelle du Burkina n’ont plus rien à proposer. Ils n’ont plus rien comme idée. Et quand je pense que ce sont les mêmes qui vont se trimballer pour un prétendu dialogue politique, j’ai mal. La seule chose qu’ils vont défendre là-bas, ce sont leurs propres intérêts. Ce qu’ils sortent pour dire devant les micros et caméras, c’est pour contenter le peuple, les vrais motifs sont derrière. Si les acteurs ne changent pas, il ne faut rien espérer. (…). Même au CFOP-BF, on est divisé ; parce qu’il y a des gens là-bas avec des calculs, des jeux d’intérêt avec le pouvoir. C’est triste », soupire-t-il.

Oumar L. Ouédraogo

Lefaso.net

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