Bénin : le gentlemen agreement
Après un long moment de relations orageuses, l’ancien président béninois et opposant, Yayi Boni et son successeur, Patrice Talon, se sont rencontrés, hier mercredi 22 septembre 2021 au palais présidentiel de la Marina à Cotonou. D’emblée, il faut reconnaître que ce tête-à-tête, troisième du genre en neuf ans entre les amis d’hier, devenus des ennemis farouches, est un véritable « gentlemen agreement », une sorte d’accord à l’amiable (informel), de paix des braves. En effet, jusque-là, la tension était à son comble entre les deux ténors de la scène politique béninoise couronnée, entre autres, par les violences d’avril dernier à Savè et Banté, deux localités sous le contrôle de l’ancien Président Boni Yayi et ayant fait 28 blessés dans les rangs des militaires et les incidents aux encablures du domicile de l’ancien président qui ont fait de nombreux morts.
Depuis, c’est le statu quo et les médiations des chefs d’Etat de la sous-région ouest africaine n’y ont rien pu. De retour de son « exil médical » la semaine dernière, Yayi Boni, après avoir échangé avec l’ex-président Nicéphore Soglo, a finalement accepté de rencontrer le président Patrice Talon. Ce pas vers la sortie de crise a été franchi sur fond de retour de plusieurs Béninois en exil et des membres du parti les Démocrates, ayant fui le pays à la suite des évènements du 6 avril 2021.
C’est dire que les violences de 2019 et 2021, le retour des exilés, la libération des détenus « politiques », mais aussi la tenue probable d’un dialogue pour sceller la réconciliation nationale ont sans doute meublé les échanges. « Nous avons uniquement parlé du peuple béninois, de l’image de notre pays et de la décrispation. Il n’y a pas de problèmes profonds entre Patrice Talon et moi. J’ai demandé au président, qui m’a écouté, la libération des détenus politiques et d’opinion », a déclaré Yayi Boni, au terme des échanges. Les crises, quelles que soient leurs natures, se sont généralement terminées autour d’une table et le cas béninois ne fera pas l’exception. En acceptant enfin de rencontrer son successeur, Yayi Boni, a compris que le Bénin ne se résume pas aux seuls rivaux politiques. Bien au contraire, le pays a besoin de l’ensemble de ses fils et filles pour se construire. A l’entame de son deuxième (et peut-être le dernier ?) mandat, Patrice Talon commence lui aussi à mettre de l’eau dans son vin, pour léguer aux plus jeunes générations, un pays réconcilié avec lui-même et donc plus enclin à regarder sereinement l’avenir.
Alors qu’un vent de réconciliation souffle sur une partie de l’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire et Burkina Faso), le Bénin ne perdrait rien à aller dans le même sens. Il aura tout à gagner, en décrispant la situation sociale et politique pour dégager le ciel assombri depuis plus de huit ans par les guéguerres politiques et autres rivalités qui ne contribuent en rien à relever les défis du développement qui se posent au pays. Déjà, le ton sur lequel la rencontre s’est tenue présage de lendemains meilleurs comme l’a dit Patrice Talon : « J’attendais ce moment, tous les Béninois aussi ». La balle reste toutefois dans son camp puisque Yayi Boni a souhaité que le locataire du palais de la Marina organise un dialogue et une concertation périodique avec les anciens présidents. Wait and see !
Jean-Marie TOE
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