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Position actuelle de Maître Sankara à l’ouverture du procès : Les inquiétudes de l’écrivain Adama Amadé Siguiré

Dans une lettre ouverte à Maître Bénéwendé Stanislas, l’écrivain Adama Amadé Siguiré s’interroge sur la position actuelle de Maître Sankara, au regard de ses interventions sur les plateaux de télévision concernant le dossier Thomas Sankara.  

Lettre ouverte à Maître Bénéwendé Stanislas SANKARA

Bonjour Maître,

Par où vais-je commencer pour me faire comprendre? Vous savez, j’avais décidé de me taire et voilà que ma conscience a eu raison de mon silence. Dois-je vraiment me présenter? Vous me connaissez bien, Maître. Les gens disent que vous êtes mon ami, et je n’ai jamais refusé cela parce que moi, j’ai toujours eu le courage pour assumer mes amitiés tout comme mes inimitiés puisque tout cela relève de l’ordre de la nature. Oui, vous le savez bien.

J’ai une grande admiration pour vous, et cela ne date ni de 2020 encore moins de 2015. Je vous ai voté pour la première fois lors des élections présidentielles de 2005, alors que j’étais un jeune instituteur dans la province du Passoré, et c’est bien votre province d’origine.

Au-delà de tout cela, j’ai toujours admiré votre courage, votre dévouement et j’aime dire que personne ne peut m’empêcher de vous admirer parce que j’estime, en toute honnêteté, que vous avez fait de grandes choses pour le Burkina Faso. Je refuse toujours de jeter le bébé avec l’eau du bain, et sachant bien que je suis loin de la perfection, je n’attends la perfection de personne.

Certains même pensent que, dans l’ombre, je suis votre conseiller. Et pourtant, c’est juste une sympathie que je vous porte, et cela, en reconnaissance de tous vos multiples efforts. Mais, puis-je dire que vous êtes un saint? Je ne le crois pas et vous êtes assez humble pour ne pas me demander de vous élever au rang de chevalier de grande croix de la sainteté.

Maître, je suis en train de m’éloigner de mon sujet. Et je voudrais le recadrer pour ne pas me perdre dans les méandres de mes lignes. Voyez-vous, Maître, je suis un peu gêné ces deux jours par vos sorties publiques. Vous êtes juriste de formation et le droit est bien une science rigoureuse et méthodique. Moi, je suis philosophe et littéraire, et la philosophie, elle non plus, ne peut se passer de la méthode. C’est d’ailleurs pour cela que Descartes intitulait son œuvre majeure sur la pensée: Discours de la méthode. Oui, vous avez mené un grand combat pour ce pays. Et ce combat est d’ordre politique et juridique.

A tous ces niveaux, je n’ai cessé d’admirer votre sacrifice et votre sens élevé du sacerdoce. Maître, l’ouverture du procès de Thomas SANKARA est bien pour vous un soulagement. C’était le sens de votre combat. Vous êtes avocat de la famille SANKARA. Et sur toute la ligne, vous êtes resté stoïque, exigeant, même au temps de Blaise COMPAORÉ où votre vie était en danger, la vérité et la justice pour Thomas et ses douze compagnons froidement abattus ce soir du 15 octobre 1987 au Conseil de l’entente.

Maître, ce combat fut noble, et c’est tout ce sacrifice qui a abouti à l’ouverture de ce procès. Mais, voyez-vous, je me permets aussi de croire que vous êtes un grand républicain, et la République , la vraie République, a ses exigences, puisqu’elle se veut même sacrée. Vous n’êtes pas aujourd’hui un avocat à la cour. Vous êtes un ministre de la République. Vous détenez un pouvoir républicain et c’est le pouvoir exécutif.

La profession d’avocat et la fonction de ministre sont- elles conciliables dans une République? Je ne sais vraiment pas. Mais l’avocat est un auxiliaire de justice qui exerce dans les tribunaux de justice. Si vous étiez magistrat, je n’ai pas besoin de vous dire que votre rang de ministre ne vous permet plus de vous assoir dans un tribunal pour rendre justice. Mais, vous êtes un avocat. Que dit la loi en ce qui concerne l’exercice de la profession d’avocat et de la fonction de ministre de la République? En avez-vous pensé?

Maître, voilà ce qui me gène quand je vous vois sur les plateaux de télévision. Il faudrait que nous jouons balle à terre et que la justice ne soit ni de la vengeance encore moins l’expression de la haine. Quand Maître SANKARA se présente à la télévision pour parler du dossier Thomas SANKARA, qui on voit? Le ministre de Roch KABORE ou l’avocat au barreau burkinabè ? Vous êtes assez humble pour reconnaître avec moi que c’est le ministre de Roch KABORE qui parle plus que l’avocat Maître SANKARA.

Et partant de cela, les avocats de Blaise voient, non pas votre volonté à exiger la justice, mais l’acharnement du pouvoir de Roch KABORE sur l’ancien président Blaise COMPAORÉ. Comment voulez-vous que les gens fassent la part des choses? Comment voulez-vous qu’ils voient Maître SANKARA et non pas le ministre de l’urbanisme et de la ville? Si vous étiez aujourd’hui dans votre cabinet, la chose allait être plus simple à comprendre.

Mais, ce n’est point cela. Quand vous quittez le tribunal militaire, vous rejoignez le ministère de l’urbanisme. Il y’ a des gens qui pensent que je vous rends souvent visite. Et pourtant, je ne connais pas encore où se trouve votre ministère à Ouagadougou. Mais, là n’est pas le sujet.

Maître, il y’ a un autre problème. Vous défendez la légalité du tribunal militaire. Avez-vous étudié le droit militaire au département de droit? Je voudrais juste savoir. Je pense plutôt que le droit est pénal ou civil, privé ou public. Quand un militaire tue un autre militaire, Maître, cela échappe-t-il au droit civil ou pénal pour tomber dans le droit militaire? Je n’ai pas étudié le droit. Je raisonne plus selon la forme qu’en tenant compte du fond.

Voyez-vous, Maître, dans une République, il y’ a des pouvoirs régaliens. La justice en est un. La défense du territoire en est un autre. Le militaire a un pouvoir régalien qui est la défense de la patrie. Le juge en a un autre qui consiste à dire le droit. Que veut dire un juge militaire? Un juge militaire répond-il du ministère de la défense ou de celui de la justice? Oui, il y’ a des militaires médecins, des militaires ingénieurs. Mais, la médecine n’est pas un pouvoir régalien tout comme le métier d’ingénieur. Mais, un juge militaire dans une République, il y’ a une profession de trop qui serait celle du militaire ou celle du juge.

Quand je vous vois défendre la légalité du tribunal militaire, je me permets de croire que vous le faites parce que vous voulez que le dossier soit jugé, sinon, de bonne foi, vous savez que ce tribunal n’a pas sa place dans une République. Il est même inconstitutionnel. Que disent les avocats de Blaise COMPAORÉ ? Ils disent que le tribunal militaire est une juridiction d’exception. Pensez-vous qu’ils ont tort? Pourquoi le tribunal militaire a été créé au Burkina Faso? Si le tribunal militaire est légal, nous devons être honnêtes pour reconnaître qu’il n’est pas légitime. Pour que le tribunal militaire soit légitime, il nous faut un droit militaire. Et pourtant, le droit militaire n’existe pas.

Et même l’assassinat de SANKARA, est-ce le président SANKARA qui a été assassiné le 15 octobre ou le capitaine Thomas SANKARA? Cet assassinat est loin d’être un crime militaire. Il est un crime politique. Des militaires ont laissé leur profession de militaires pour faire la politique et la politique a poussé les uns à tuer les autres. Comment le jugement de cet assassinat politique, civil, peut être confié à un tribunal militaire? Ou bien tout crime commis par des militaire est un crime militaire?

Maître, je vais m’arrêter là. Il fait nuit. Je vais dormir. Je suis pour le jugement du dossier SANKARA. Mais, je suis aussi un républicain. J’ai cette faiblesse qui me permet d’écouter mes ennemis et même de leur donner raison. Où se trouve la vérité, Maître? Chez vous? Chez moi? Je ne sais pas. Une justice dans une République doit être assez républicaine. Elle ne doit pas se confondre à de la haine, à de la vengeance.

Quel sera le verdict de ce procès militaire et quel sera son impact social et politique? Je suis pour la justice, Maître. Mais, comme vous le dites en droit, la forme tient le fond. Cela est vrai en droit comme en philosophie.Il n’y a donc rien de bon sans méthode, sans raison. Là où la raison est confuse, tout est confus. Voilà mes préoccupations, Maître. Je me permets de vous les partager parce qu’en dépit de tout, j’ai une grande admiration pour vous. Les gens disent même que j’ai la carte de lUNIR/PS. Mais, ce sont des ragots. Les Burkinabè en raffolent.

Bien à vous, Maître.

Avec toutes mes humbles considérations.

Adama Amadé SIGUIRE

Écrivain Professionnel/ Consultant en relations humaines.

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