Résilience ou résiliation ?
Hier mon voisin m’a demandé ce que voulait vraiment dire le mot résilience. Après moult questionnements pour mieux comprendre sa préoccupation, je pensais qu’il faisait une confusion sur le concept. En fait, pour mon voisin, la résilience, c’est l’indifférence des uns à la souffrance des autres ; c’est la distance et l’exubérance avec laquelle les uns parlent de la souffrance des autres comme si cette souffrance avait un certain mérite ou portait une certaine gloriole en termes de courage ou d’abnégation.
Pendant que je fouillais dans mon vieux dictionnaire pour me faire un allier sûr dans ma tentative de définition d’un concept à la mode, mon voisin me sauta presque dessus : « pourquoi c’est toujours ceux qui sont hors de l’arène qui savent le mieux apprécier l’état de résilience de ceux qui reçoivent les coups sur le podium des hostilités ? ». J’ai voulu vite l’arrêter pour recadrer les choses quand il cracha par terre son venin avant d’enchaîner : « est-ce que la résilience est une qualité qui s’apprécie mieux de loin ou est-ce quelque chose qui se vit ? ». C’était un interrogatoire, un réquisitoire.
Et enfin mon vieux dictionnaire me prit à la gorge avec une définition tirée des sciences physiques : résilience : « aptitude à résister aux chocs ». Aussitôt, mon voisin ouvrit grandement la bouche sans piper le moindre mot. Je dis voisin, c’est au sens figuré et non au sens propre ! Il me dit simplement que nous sommes en situation réel et que le sens du mot doit être réel. « Pourquoi chercher des métaphores pour rendre indolore ce qu’on déplore ? » lança-t-il en me défiant du regard. Et j’interrogeai Wikipédia sur Internet pour avoir le cœur plus net ; pour savoir au moins ce que c’est que la résilience en sciences humaines et sociales.
« La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l’événement traumatique de manière à ne pas, ou à ne plus vivre dans le malheur et à se reconstruire d’une façon socialement acceptable. Il s’agit d’une qualité, ou d’un trait de caractère qui permet à une personne de savoir résister aux chocs désagréables ou traumatiques, en vue de retrouver son équilibre et de poursuivre son chemin ». Mon voisin se leva et claqua la porte sans le moindre salamalec.
Là, je n’ai pas pu supporter son manque de tolérance et son incapacité à être résilient devant une simple définition qui a priori d’ailleurs, n’a rien de choquant. Mon voisin s’arrêta un instant et me dit que ce n’est pas le mot résilience ou résilient qui le met dans un état de non-résilience, mais plutôt ce que certains font de ce mot qui visiblement cache les maux qu’il désigne. « Quand les « résilients » résident dans des « bunkers » de la capitale appellent à la résilience, à quel choc le déplacé désespéré de la tente de fortune, peut-il encore tenir, s’il n’a rien à se mettre sous la dent ?
Quand le même déplacé a vu ses récoltes brûlées, ses bêtes emportées et son hameau miné et occupé, en quoi consiste la résilience et de quoi est-elle faite pour servir de moyen de résistance ?» Je ne sais pas de qui parle mon voisin mais, je l’ai trouvé quelque peu cynique et même cruel quand il me cria que même la fatalité est adoucie avec une certaine facilité au nom de la résilience, et souffrir ou mourir, n’a vraiment pas d’importance tant que l’on peut vivre avec, sans pour autant être avec.
Jusqu’à quand les autres vont-ils accepter supporter leur souffrance parfois au-delà du seuil de tolérance, au nom de la résilience des uns ? Finalement, la résilience sous nos tropiques consiste à porter sa croix et gravir Golgotha en chantant « Hosanna, hosanna ! » et « en attendant Godot » lui-même. Non, être résilient, c’est savoir relever les défis de la survie sans résilier le contrat social qui donne vie à la nation en sursis, sans devis ni compromis, sans la moindre contrepartie en guise de repartie.
Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr
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