Ceci est une lettre ouverte de l’Unité d’action syndicale (UAS) adressée au Président de l’Assemblée nationale Alassane Bala Sakandé.
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
L’Unité d’Action Syndicale (UAS) voudrait en ces temps difficiles pour les travailleurs et le peuple burkinabè, saluer la mémoire des travailleurs, des populations et des forces de défense et de sécurité (FDS) victimes du terrorisme qui gagne du terrain chaque jour.
Excellence,
Le monde du travail et singulièrement les travailleurs sont confrontés à des conditions de vie et de travail difficiles et précaires. Les médias en font étalage dans leurs productions quotidiennes. Lors de son émission « Ligne de mire » du 14 avril 2021, la télévision BF1 a mis à nu les difficiles conditions de travail auxquelles fait face le monde du travail dans de nombreux secteurs d’activités.
La commission d’enquête parlementaire mise en place par l’Assemblée Nationale en avril 2016 a également mis à nu un ensemble de maux tels que :
le non-respect de la loi par les agences de placement (page 14) ;
le recours à des bureaux de placement par les sociétés minières pour le recrutement de leur personnel (page 14) ;
le climat conflictuel créé dans les mines par les dispositions du Code du Travail relatives aux types de contrat, aux heures supplémentaires, aux droits syndicaux, au transfert de compétences, à l’externalisation du personnel et aussi par l’absence d’une convention collective (page 14) ;
la disparité dans le traitement salarial ;
Cette commission d’enquête avait aussi fait les recommandations suivantes :
la clarification des responsabilités des sociétés minières et des sociétés de placement afin de garantir la sécurité des emplois (page 20) ;
la création d’ici fin 2017 d’un service spécial d’inspection du travail pour le contrôle et le suivi de l’emploi national dans le secteur des mines (page 15) ;
l’encouragement à l’adoption d’une convention collective de travail dans le secteur de l’industrie minière (page 15) ;
la vérification de la disponibilité de la compétence au niveau national pour tout recrutement d’un expatrié (page 15) ;
la régulation et l’assainissement des agences de placement (page 15).
Par ailleurs, le Bureau International du Travail (BIT) a interpellé le Burkina Faso sur les questions de liberté syndicale et le droit de grève. En effet, la limitation de la désignation du délégué syndical dans l’établissement constitue selon le BIT une immixtion dans le fonctionnement du syndicat. De même, les sit-in ont fait l’objet d’observations du BIT qui estime que tant que l’occupation des lieux de travail n’engendre pas de violences et que le droit des travailleurs non-grévistes est pris en compte, il n’y a pas lieu de les interdire.
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Toutes ces incriminations sont liées à l’adoption de la loi n°028-2008/AN du 13 mai 2008 portant Code du Travail qui livre les travailleurs à l’exploitation et aux abus de leurs employeurs. Une question comme la limitation du renouvellement de CDD à deux (2) qui avait fait consensus entre le patronat et l’UAS dans le processus de relecture, a été complètement charcutée à l’étape de l’Assemblée Nationale. Le verrou de limitation a été sauté. Idem pour le plafonnement des dommages et intérêts à 18 mois alors que le code de 2004 laissait le choix au juge de décider en fonction du niveau du dommage.
Dans ce sens, il importe de souligner que dans le processus de révision en cours, les concertations entre les partenaires sociaux (CNPB et UAS), les amendements portés par la CCT et le COTEVAL ont abouti à des innovations positives dans le projet, même si les propositions de l’UAS allaient au-delà.
Il s’agit notamment :
de la limitation des contrats de travail à durée déterminée :
Article 61 : « Le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu avec la même entreprise plus de trois fois ni renouvelé plus de deux fois.
Le renouvellement du contrat de travail à durée déterminée ou la prolongation de sa durée équivaut à la conclusion d’un nouveau contrat.
La poursuite des services au-delà des cas prévus à l’alinéa 1 constitue de plein droit l’exécution d’un contrat de travail à durée indéterminée ».
des modifications concernant le plafonnement des dommages et intérêts
Article 87 : « Le montant des dommages et intérêts est fixé en tenant compte en général de tous les éléments qui peuvent justifier l’existence du préjudice causé et déterminer son étendue, notamment :
1) lorsque la responsabilité incombe au travailleur, dans la limite maximale de six mois de salaire ;
2) lorsque la responsabilité incombe à l’employeur, des usages, de la nature des services engagés, de l’ancienneté des services, de l’âge du travailleur et des droits acquis, dans la limite maximale de trente-six mois de salaire. Cette limitation ne s’applique pas aux travailleurs protégés dont le licenciement requiert l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail.
Ces dommages et intérêts ne se confondent, ni avec l’indemnité pour inobservation de préavis, ni avec l’indemnité de licenciement ».
de l’introduction de l’astreinte pour la réintégration du délégué du personnel et du délégué syndical
Article 338 : « La réponse de l’inspecteur du travail intervient dans un délai de quinze jours ouvrables, sauf cas de force majeure. Passé ce délai, l’autorisation est réputée accordée.
Si l’autorisation n’est pas accordée par l’inspecteur du travail, le délégué du personnel est réintégré sous peine d’astreinte, avec paiement des salaires afférents à la période de suspension ».
Article 339 : « La décision de l’inspecteur du travail peut faire l’objet d’un recours hiérarchique auprès du ministre chargé du travail.
La décision du ministre est susceptible de recours en annulation devant la juridiction administrative.
L’annulation de l’autorisation de licencier un délégué du personnel à l’issue du recours hiérarchique ou du recours juridictionnel, entraine la réintégration de celui-ci sous peine d’astreinte, avec payement des salaires de la période allant de la date d’effet de la mise à pied provisoire à la date de la réintégration ».
de l’encadrement des entreprises de placement et de travail temporaire : A défaut de supprimer ces entreprises comme le souhaite l’UAS, des dispositions sont prévues en vue d’éviter les abus et la précarisation de l’emploi, à limiter les cas dans lesquels on peut faire recours à elles, à assurer l’égalité de rémunération entre les travailleurs de ces entreprises et les travailleurs des entreprises utilisatrices
de la prise en compte les observations du BIT relatives à la convention 100 sur l’égalité de rémunération. Ainsi, la prescription passe à 5 ans et 7 ans lorsque le serment est déféré.
Ces innovations, même si elles ne donnent pas entièrement satisfaction à l’UAS, constituent des avancées par rapport aux dispositions de 2008.
Cependant, il demeure dans le projet une disposition qui porte atteinte à la liberté syndicale, en faisant fi des observations pertinentes du BIT. Il s’agit de la désignation d’un seul délégué syndical par organisation syndicale au sein de l’entreprise alors que l’article 3 de la convention N°135 de l’OIT ratifié par le Burkina stipule que :
« Aux fins de la présente convention, les termes représentants des travailleurs désignent des personnes reconnues comme telles par la législation ou la pratique nationales, qu’elles soient :
(a) des représentants syndicaux, à savoir des représentants nommés ou élus par des syndicats ou par les membres de syndicats ;
(b) ou des représentants élus, à savoir des représentants librement élus par les travailleurs de l’entreprise, conformément aux dispositions de la législation nationale ou de conventions collectives, et dont les fonctions ne s’étendent pas à des activités qui sont reconnues, dans les pays intéressés, comme relevant des prérogatives exclusives des syndicats ».
Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
La relecture en cours du Code du Travail est avant tout une revendication du mouvement syndical qui date de 2008. Pour nous, cette relecture est une occasion offerte à tous les acteurs, notamment votre institution, d’adopter une loi sociale plus juste, à visage humain, respectueuse des droits fondamentaux au travail et gage de paix sociale.
C’est dire la responsabilité qui pèse sur votre institution, chargée en dernier ressort, de décider du contenu du nouveau Code du Travail, destiné à régir les relations entre les producteurs des richesses et leurs employeurs, et surtout de garantir les principes et droits fondamentaux des travailleurs. Nous osons espérer que les préoccupations ci-dessus exprimées trouveront un écho auprès de vous et de toute l’Assemblée Nationale.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, l’expression de notre considération distinguée.
Pour les organisations syndicales
CGT-B CNTB CSB
Bassolma BAZIE Marcel ZANTE Olivier G. OUEDRAOGO
Secrétaire Général Secrétaire Général Secrétaire Général
FO/UNS ONSL USTB
El Hadj Inoussa NANA Paul N. KABORE Ernest OUEDRAOGO
Secrétaire Général Secrétaire général Secrétaire Général
Pour les syndicats autonomes :
Le Président de Mois
Blaise R. NEBIE
Secrétaire Général / SYNATRAD
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