Procès Thomas Sankara « J’ai voulu aider un ami » Ninda Tondé
Le procès de l’affaire Thomas Sankara et douze autres victimes s’est poursuivi le lundi 8 novembre 2021 au Tribunal militaire avec les auditions du Colonel-major de la gendarmerie à la retraite, Mori Aldiouma Jean-Pierre Palm et du militaire à la retraite Ninda Tondé dit Pascal alias Manga-Naaba.
Le lundi 8 novembre 2021, le procès du dossier Thomas Sankara et 12 de ses compagnons s’est poursuivi avec l’audition de l’accusé, Mori Aldiouma Jean-Pierre Palm, colonel-major de la gendarmerie à la retraite, capitaine au moment des faits. Le prévenu s’est soumis aux questions des avocats de la partie civile en l’occurrence de Ferdinand N’Zépa, Olivier Badolo et Prosper Farama. Les questions sont en rapport avec le rôle que l’accusé aurait joué dans cette affaire. Selon le pandore, le 15 octobre 1987, jour du drame, il souffrait d’un mal de dent. Il s’est alors fait accompagner dans un cabinet dentaire par un ami togolais répondant au nom de Julien lorsqu’ils ont entendu des coups de feu. Etant en tenue civile ce jour, son ami lui a conseillé de se mettre à l’abri dans la famille du vieux Barry. C’est ainsi que les deux hôtes ont passé la nuit dans cette famille jusqu’au lendemain 16 octobre. L’accusé qui venait d’être nouvellement affecté à Bobo- Dioulasso a répondu à une des questions de la partie civile, ne pas savoir exactement la durée de son séjour à Bobo lorsqu’il s’est rendu dans la cité de Sya pour inscrire sa fille dans un établissement scolaire. « Je suis revenu de Bobo entre le 12 et le 13 octobre », a-t-il témoigné. A la question de savoir si le prévenu était au parfum des mésententes entre les deux leaders du Conseil national de la Révolution (CNR), M. Palm a déclaré qu’il se refusait de prendre des rumeurs pour des vérités. L’accusé a aussi soutenu ne pas connaitre les noms des responsables des structures révolutionnaires de l’époque que sont l’ULCR, l’OMR et l’UCB. Pour l’avocat Olivier Badolo, le prévenu à travers ses réponses tente de manipuler l’opinion. « M. Palm ne peut pas être membre de CNR et ne pas connaître les responsables de ces structures. Il est une boite noire de la situation et il peut nous aider dans la manifestation de la vérité », s’est-il convaincu.
Un mois après les événements d’octobre 1987, le capitaine Jean-Pierre Palm a été nommé Chef d’état-major de la gendarmerie. A l’époque Valère Somé, Basile Guissou et Firmin Diallo avaient été arrêtés par la gendarmerie. « Qui a ordonné de les arrêter? », a voulu comprendre Me Prosper Farama « C’est sous mes ordres qu’ils ont été arrêtés. Je l’ai fait sous les instructions de la hiérarchie. Ils ont été arrêtés en décembre 1987 et libérés en janvier 1988. Dans un régime d’exception, je ne savais pas ce qu’on me réserve si je refusais d’obéir », a expliqué le chef de la gendarmerie à l’époque. Il a également reproché à M. Palm d’avoir désactivé la table d’écoute de la gendarmerie. L’accusé a répondu par la négative. Pour lui, l’agent qui est à la table d’écoute est comme un standardiste. « Il faut que l’ordre vienne d’un chef pour qu’il mette quelqu’un en écoute », a-t-il relevé. Puis de préciser que les écoutes étaient plus dirigées vers les syndicalistes et les groupes révolutionnaires. L’avocat du prévenu, Me Moumouny Kopiho, s’est insurgé contre certaines questions de la partie qu’il qualifie de « cuisinage» de son client. « Plusieurs questions posées n’ont rien avoir avec ce pour quoi on reproche à mon client qui est poursuivi de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat. Je souhaite que les gens se débarrassent de leur haine », a-t-il plaidé
Il a un logiciel dans sa tête
Le deuxième prévenu du jour est le chauffeur du général Gilbert Dienderé au moment des faits. A la barre, l’accusé, Ninda Tondé dit Pascal alias Manga-Naaba militaire à la retraite a nié les faits de subornation des témoins. Il est reproché à M. Tondé d’avoir voulu contraindre Zétinga Abdouramane à livrer un témoignage en la faveur de son patron Gibert Diendéré. Selon l’instruction, après avoir rendu visite au général à la MACA, M. Tondé s’est rendu à plusieurs reprises au domicile de M. Zétinga sans le trouver. Et lorsqu’il qu’il a pu le rencontrer, il aurait suggéré à M. Zétinga de dire au juge d’instruction qu’il était hors du Conseil de l’entente au moment des faits. Il aurait aussi déclaré qu’il avait été mandaté par le général Diendéré de faire cette déclaration pour ne pas se faire noyer par Somda K. Eugène. Selon M. Tondé, Somda aurait déclaré que Zétinga l’avait empêché de rentrer au conseil au moment des faits.
A la barre, M. Tondé a confié qu’il avait voulu aider un ami de longue date. « Nous nous connaissons depuis 1982 », a-t-il soutenu. De son avis, il ne pensait pas que cela le conduirait à la barre sinon il ne l’aurait pas fait. Mais la partie civile et le parquet militaire pensent le contraire. L’accusé a été le chauffeur du Général Diendéré jusqu’à sa retraite et est encore au service de son patron et de sa famille, a fait remarquer Me Ferdinand N’Zépa. Pour lui, l’accusé a un logiciel dans sa tête. « Il ne veut pas impliquer Diendéré malgré toutes les contradictions du dossier. Il a changé de version au moins 3 fois », a-t-souligné. Selon le conseil du prévenu, Me Hien Ollo Larousse, M. Tondé a donné des conseils à son ami. « Tout ce qu’il a dit à son ami n’a rien de faux, car son ami était effectivement or du conseil ce jour-là. Il a prononcé le nom du général pour que cela soit crédible. Il a reconnu que le général ne le lui a jamais envoyé », a-t-il développé. La partie civile et le parquet n’ont pas eu grand-chose à dire si ce n’est que revenir sur des choses périphériques pour accabler mon client a conclu Me Hien. L’audience du jour a pris fin à 16 heures 10 minutes et reprend aujourd’hui avec le général Diendéré.
Abdoulaye BALBONE
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