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Procès Thomas Sankara et ses douze compagnons : Domba Jean-Marc Palm,Pr Etienne Traoré et Bongnessan Arsène Yé livrent leurs versions des faits

Le témoignage des témoins des événements du 15 octobre 1987 s’égrène toujours devant le tribunal militaire. Après la livraison des faits du Pr Basile Guissou, ce fut le tour ce jeudi 18 novembre 2021, de Domba Jean-Marc Palm, Etienne Traoré et Bongnessan Arsène Yé.

L’audience du tribunal militaire sur l’assassinat du président Thomas Sankara et ses douze compagnons a débuté en cette matinée à 9 heures et quelques minutes avec le témoignage de l’actuel président du Haut Conseil du dialogue social, membre du groupe communiste burkinabè (GCB) à l’époque des faits, Domba Jean-Marc Palm. Ce témoin comparativement aux autres témoins n’a pas prêté serment devant le tribunal à cause de sa filiation avec l’accusé, Jean-Pierre Palm. Le témoin Domba Jean-Marc Palm a fait directement sa déposition.

Durant environ 10 minutes, la salle d’audience était suspendue au récit de Domba Jean-Marc Palm. En effet, la soirée du 15 octobre 87 l’a trouvé à Bobo-Dioulasso où Il était enseignant. Il soutient qu’ « il dormait, lorsqu’un de ses collègues,  Somé son ami, est venu le réveiller pour dire que pendant que ça chauffe à Ouagadougou, toi tu dors. Il s’est levé pour aller chez un ami, du nom d’Ahmed Yago. Chez son ami, ils vont écouter la radio pour s’informer de ce qui se passe à Ouagadougou. C’est là qu’ils ont appris ce qui venait d’arriver ».

La place réservée aux avocats de la défense©infoh24

Après cet exposé du témoin, le président du tribunal, Urbain Méda a posé au témoin une série de questions. Dans ses réponses, on peut que « Domba Jean-Marc Palm et Thomas Sankara ont été des promotionnaires au lycée Ouezzin Coulibaly (Bobo-Dioulasso). Mais il était son ainé d’une année » émet M. Palm.

Membre du CNR (Conseil national de la Révolution, organe de direction de la Révolution démocratique et populaire) avec son groupe politique, GCB. Il énonce que, contrairement à ce que certains pensent qu’il n’était pas le président. Mieux, le GCB, était dirigé par un directoire de cinq ou six personnes.

C’est ainsi qu’il se retrouvait souvent pour faire des rencontres et les instances étaient dirigées de façon tournante entre Zampaligré, Issa Dominique Konaté et lui. Et lorsque le président du tribunal lui demande de raconter les difficultés sur  le fonctionnement du CNR. Domba Jean-Marc Palm a d’abord précisé que son groupe a rejoint le CNR en début 1986.

Me Anta Kissé de la partie civile©infoh24

L’une des difficultés soulevées par Palm est la méthode de travail de Thomas Sankara. Et cette méthode de travail, il n’appréciait pas. Concernant la tentative de Thomas de fédérer tous les groupes en un parti unique. « Le GCB n’était pas d’accord. Nous n’étions pas les seuls à ne pas être d’accord, mais je parle de mon groupe » a relaté le témoin.

Le président du tribunal poursuit en demandant au témoin « si ce n’est un secret, peut-on savoir pourquoi vous n’étiez pas d’accord ? ». « Nous craignions être noyés par les autres organisations » soutient-il. Selon Palm l’idée de fédérer les groupes est née vers fin 1986. Elle a continué sous le CNR. Et même avec Blaise Compaoré, lorsqu’il a voulu fonder l’ODP/MT (Organisation pour la démocratie populaire/Mouvement du travail).

Le témoin poursuit dans déposition pour affirmer que le GCB a continué avec le Front populaire. Répondant à une question, il soutient que contrairement à ce que certains chantent, au CNR, il y avait des discussions. Thomas Sankara acceptait la discussion. Ça, il faut le reconnaître ».

L’épouse de feu Thomas Sankara en discussion avec Pierre Ouédraogo©infoh24

Pour comprendre un rapprochement du témoin à Blaise Compaoré au lendemain des événements du 15 octobre 1987, une avocate de la partie civile, Me Anta Kissé demande au témoin pourquoi il n’a pas cherché à comprendre auprès de Blaise Compaoré, ce qui s’était passé le 15 octobre 1987. Domba répond «  Excusez-moi, Me, vous me voyez poser la question à Blaise Compaoré ? Je ne suis pas fou hein ! ».

L’avocate poursuit avec une question concernant une déclaration faite par le témoin Boukari Kaboré dit le Lion, l’accusant d’être l’auteur des tracts à Bobo Dioulasso. Cette question a mis le témoin hors de lui. Et il répond « C’est faux. Boukari Kaboré est un piteux menteur. Je n’ai jamais été mêlé à ces histoires de tracts. La gendarmerie est là. Demandez si sous le CNR j’ai été perquisitionné. Il ment et je trouve écœurant ces genres de propos » profère-t-il.    

Témoignage du professeur, Étienne Traoré sur les événements du 15 octobre 1987

Enseignant d’université à la retraite, Pr Étienne Traoré était un responsable syndical et militant clandestin de l’UCB au moment des faits dans sa version des faits, les événements du 15 octobre 1987, l’ont trouvé en ville. Face à cette situation, il a continué chez un parent pour passer la nuit.

Le lendemain du coup, il dit qu’il a reçu une convocation de la part de Blaise Compaoré pour lui demander une collaboration. C’est ainsi que « le 16 octobre 1987, Victor Sanfo est venu vers 7 heures  me chercher pour le conseil. Arrivé, Blaise m’a tiré de côté dans une maison. A deux, il m’a dit qu’hier, il y a eu des problèmes entre nous militaires, on s’est tiré dessus et Sankara est mort. Que mon ami Patrice Zagré était mort aussi. Qu’entre-temps, Gilbert Diendéré a levé la main et ces gens ont compris qu’il fallait attaquer et ils ont attaqué », a-t-il raconté.

Le témoin, Pr Étienne Traoré©infoh24

Selon le témoin « Blaise Compaoré n’était pas du tout malheureux le lendemain, contrairement à ce que certains font croire ». Il a cru à la version de Blaise et « il était convaincu en son temps que Blaise était un révolutionnaire. Il ne savait  pas qu’il fréquentait les milieux droitiers. Il croyait que la mort de Sankara était vraiment un accident, or c’était prémédité bien avant» confie-t-il.

C’est ainsi qu’il a décidé de collaborer avec Blaise Compaoré. Dans cette collaboration, il a effectué des missions à l’extérieur dans le but d’expliquer les événements du 15 octobre 1987. «Je suis parti en mission à Dakar et en France pour aller expliquer que la mort de Sankara était un accident, sans mal parler de Sankara. Car j’étais convaincu que ce qui s’était passé était un accident » soutient-il à la barre.

L’assassinat du Commandant Lingani en 1989 a causé la rupture entre sa personne et le Front Populaire

Le témoin Pr Etienne Traoré a précisé que c’est l’assassinat du Commandant Lingani en 1989 qui a déclenché  la rupture entre sa personne et le Front Populaire. « Quand j’ai appris que les gens sont exécutés avec l’affaire Lingani, j’ai cherché à voir le Président pour essayer de comprendre. Je n’ai pas réussi à le voir et c’était la première fois qu’il me faisait recevoir par Salif Diallo», confie-t-il à la barre.

Avec cette rupture, il avoue avoir pris du recul avec le pouvoir de Blaise Compaoré pour analyser sur la survenue des faits notamment le coup d’Etat de 1983. À travers  Blaise avait l’ambition de prendre le pouvoir

Houphouët-Boigny et Eyadema ont été des acteurs clés dans cette histoire

Avant d’évoquer les complicités internes, selon le témoin Pr Étienne Traoré,Joseph Ouédraogo a dit à Blaise, « toi tu es un vrai mossi, tu fais le coup et tu prends le pouvoir pour donner à quelqu’un d’autre ». En ce qui concerne les complicités extérieures.

À en croire, le témoin Pr Étienne Traoré, l’épouse de Blaise, Chantal Compaoré n’était qu’une « espionne extérieure » pour évincer Sankara. « Chantal Compaoré a joué un rôle dans la détérioration des relations entre Blaise et Sankara. Blaise avait une fiancée qui participait aux séances débats avec nous, mais Blaise l’a laissée pour aller épouser cette Ivoirienne sans enquête de moralité, chose qui n’était pas autorisée en son temps », déclare-t-il.

Des citoyens à la salle d’audience©infoh24

Selon lui, «Houphouët-Boigny n’aimait pas notre révolution. Il n’aimait pas du tout Sankara. Thomas Sankara a été piégé par une bombe dans sa maison en Côte d’Ivoire. Heureusement qu’il n’y était pas et moi j’y crois. Toutes les forces droitières de la sous-région étaient totalement contre Sankara. D’une source sûre, il était prévu que si Blaise Compaoré échouait son coup, un avion était déjà prêt à l’aéroport pour les exfiltrer. Le président Houphouët-Boigny et le président Eyadema ont joué un rôle clé dans le renversement de la révolution », révèle-t-il.

Le témoignage de Bongnessan Arsène Yé

Après le Pr Étienne Traoré, c’était au tour de Bongnessan Arsène Yé à la barre. « J’étais au bureau quand j’ai entendu les tirs. Par la suite, j’ai suivi le communiqué à la radio. Après le communiqué, j’avais toujours des interrogations sur la situation. Le lendemain, j’ai appelé au Conseil de l’Entente pour savoir ce qui se passe. C’est Lingani qui a décroché et m’a dit de venir que je serai reçu » a-t-il narré.

Des avocats à la fin de l’audience©infoh24

Au conseil « le 16 octobre dans la matinée. On m’a introduit dans une salle où il y avait Jean-Baptiste Lingani et Henry Zongo. Je leur ai demandé où est Thomas? Lingani a regardé vers un coin de la pièce où était accrochée la photo de Thomas et m’a dit:le pauvre. J’ai compris qu’il était mort » a-t-il poursuivi à la barre.

Et par la suite, c’est Blaise Compaoré qui soutient qu’il y a eu une attaque entre eux: « Nous avons voulu arrêter Thomas, mais cela a mal tourné et Thomas est mort ». C’est sur ces échanges que l’audience a été suspendue, elle se poursuivra le lundi toujours le témoin yé et d’autres témoins.  

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