Demande de démission du Président du Faso : « C’est rajouter du chaos au chaos » (Amadou Ardho Dicko)

Le président de l’association SOS Terrorisme/Burkina Faso, Amadou Ardho Dicko, a accordé ce vendredi 26 novembre 2021, une interview à une équipe du média en ligne Faso7. L’association a pour mission de sensibiliser toutes les couches de la société pour qu’elles « sachent que le Burkina Faso a pour ennemi commun, le terrorisme », a fait savoir Amadou Ardho Dicko.

 

Faso7 : Quelle lecture faites-vous de la situation politique et sécuritaire actuelle ?

Amadou Ardho Dicko : Actuellement, nous vivons des moments très difficiles et je rends hommage à toutes les Forces de sécurité qui sont tombées, les armes à la main pour défendre ce pays. Actuellement, il y a un seul mot d’ordre. C’est de s’unir face au péril du fondamentalisme religieux ou bien du terrorisme, on peut l’appeler comme on le veut. Maintenant, tout ce que nous demandons, c’est qu’on sorte une stratégie claire qui va mobiliser les gens autour d’une lutte commune.

Donc que ça soit des décideurs politiques, que ça soit les chefs coutumiers, les responsables politiques, les maires au niveau centralisé comme décentralisé, tout un chacun doit savoir que le pays est en guerre et qu’il faut taire les luttes des égaux, les manœuvres politiques et politiciennes, car cela ne fait que renforcer la position des forces du mal.

Faso7 : Des OSC ont appelé à manifester ce samedi pour soutenir les FDS et certains pour demander le départ du président du Faso. Quelle est votre réaction ?

Amadou Ardho Dicko : Actuellement, nous sommes dans une incertitude par rapport à ce qui va se passer demain par exemple où on appelle à marcher. Et ce que je dis, sortir pour marcher, pour demander la démission du président du Faso, c’est un acte très dangereux. Non seulement, il est anticonstitutionnel parce que le président il a été voté, son mandat court. Donc, demander la démission du président du Faso, c’est rajouter du chaos au chaos.

C’est comme si nous nous projetons dans l’inconnu et moi, je suis animé d’un esprit républicain. Ce qui est primordial, ce qui est sacré, ce sont les institutions. Il faut préserver les institutions, et faire de telle sorte que les colères qui sont émotionnelles ne prennent pas le dessus sur la raison. Quand on parle de la démocratie, du Contrat social, Jean Jacques Rousseau disait par exemple que le pouvoir appartient au peuple. C’est vrai, mais le vrai pouvoir, c’est la raison du peuple et justement, j’appelle à la raison de ce peuple-là, de tout faire pour préserver les institutions de la République, d’arrêter de demander la démission du président du Faso et de consolider l’aspect sécuritaire, le dispositif qui est en vigueur.

Marche du 27 novembre : Une « manipulation politique » selon Amadou Ardho Dicko

 

Faso7 : Mais quelle est votre réaction par rapport aux manifestants qui réclament plus de sécurité ?

Amadou Ardho Dicko : Ceux qui réclament plus de sécurité, c’est légitime. Maintenant, c’est la manière de procéder. Il y a la légitimité, mais la légalité aussi. Parce que je pense qu’aller jusqu’à demander la démission du président du Faso, ce n’est vraiment pas la solution. La solution, si les gens veulent que les gens réussissent, il faut une solution endogène. Il faut que tout le monde s’y mette parce que c’est le pays de tout le monde.

Faso7 : Quelles sont ces solutions endogènes ?

Amadou Ardho Dicko : Actuellement, il faut créer un cadre de dialogue officiel. Un cadre de dialogue qui implique les militaires, les civils, les chefs religieux, les chefs coutumiers, les jeunes pour que les gens réfléchissent. Et puis, qu’on sorte une stratégie commune. Je vous dis en Algérie, ils l’ont fait, en Mauritanie, ils l’ont fait.

Faso7 : De cet appel à manifester, d’aucuns estiment qu’il y a de la manipulation politique. Le pensez-vous aussi ?

Amadou Ardho Dicko : Je pense que c’est de la manipulation politique. Actuellement, il y a combien d’écoles qui sont fermées ? Il y a combien de déplacés ? Il y a près de 2 millions de déplacés. Les gens parlent d’un million cinq cent. Les enfants sont dans la rue. Donc, je pense que c’est encore ajouter une couche au chaos alors que le chaos-là, ça ne sert à personne.

Faso7 : Que retenez-vous du message du président du Faso ?

Amadou Ardho Dicko : C’est un message qui appelle au calme, à l’apaisement, à l’unité des citoyens, à l’union sacré. Je pense que c’est bien venu. Il ne pouvait pas faire autrement. Actuellement, c’est peut-être que lui aussi ne veut pas aller très fort. Sinon, en s’adossant à la loi 023, il peut décréter un état d’urgence national. Mais je pense que c’est appeler à la conscience de tout un chacun, à la responsabilité individuelle et collective pour que ce pays reste un pays stable.

Faso7 : Les Burkinabè ont toujours dénoncé l’attentisme du gouvernement, la mauvaise gestion de la réponse face au terrorisme. Peut-on dire que le gouvernement de Roch Kaboré a refusé de voir la réalité depuis le début des attaques terroristes ?

Amadou Ardho Dicko : Non ! Je pense que ce n’est pas un déni. Plus que la lutte contre le terrorisme, c’est une lutte qui se fait à court, moyen, et long terme. Je vous donne l’exemple de l’Algérie. Les algériens ont fait quinze (15) ans dans une guerre civile. La base qui a déclenché la guerre civile était le fondamentalisme religieux. J’ai vécu douze (12) ans en Russie par exemple. Quand la Tchétchénie s’est levée dire qu’elle veut une indépendance vis-à-vis de la Russie alors qu’elle fait partie de la Russie, c’était le chaos.

Quand on partait à l’université par exemple, on avait peur qu’il ait des bombes dans les métros. Mais entre temps, ils avaient même réussi à diviser des Russes. Mais les Russes ont pris leurs mains et sont venus à bout. Mais il y a un travail qu’il faut faire. Il faut renforcer le dispositif sécuritaire, réellement, il faut le faire. Mais en même temps, quand on apprend qu’il y a des gens qui sont complices du terrorisme par le carburant, par des choses comme cela, c’est grave. Il faut se départir de çà.

Il faut que les chefs religieux sortent dirent que nous prônons un islam qui est tolérant. Parce que, j’ai discuté avec des journalistes algériens, chaque prêche de vendredi, les chefs religieux donnaient des messages d’apaisement pour dire qu’ils ne sont pas des terroristes et qu’ils appelaient les jeunes à ne pas aller se faire enrôler. Les gens se font enrôler parce qu’ils sont pauvres, parce qu’ils sont manipulés, pour deux cent milles (200 000F), cinq cent milles (500 000) francs alors qu’au bout, c’est le chaos.

Donc vous voyez, il y a un travail qu’il faut faire. Les gens voient tout simplement le coté militaire de la chose. Non, en tout cas moi, je vois ça sur plusieurs facettes. Il y a le coté militaire, il y a le coté média, il y a le coté de la société civile, il y a le coté des chefs religieux, il y a le coté des chefs coutumiers. Chacun est assis et dit qu’on ne fait rien. Ce n’est pas vrai qu’on ne fait rien. Mais si eux-mêmes ils étaient engagés, peut-être qu’on allait aller plus dans le sens de gagner contre le terrorisme.

Vidéo – Marche du 27 novembre : Le message de Amadou Ardho Dicko

 

Faso7 : Quel est votre message à l’endroit des burkinabè ?

Amadou Ardho Dicko : Je demande aux Burkinabè d’être calme, d’être lucide et de préserver les institutions de la république, de préserver notre vivre en commun, de préserver notre culture. Le Burkina, c’est un bien commun, et les institutions sont les institutions de la république. Si vous ne voulez pas un tel, un tel, mais ça, c’est au niveau individuel. C’est ce que Jean Jacques Rousseau dit. Il dit que la raison est universelle. C’est ça qui donne un sens à la vie parce que ça unit autour des grands projets, mais les passions sont individuelles. Et les passions, elles ne construisent pas.

J’appelle les Burkinabè à la retenue, au calme, à plus de lucidité pour qu’on sache d’abord qu’on a un seul ennemi, ce sont les terroristes et de se mobiliser justement derrière ce président du Faso, derrière ce gouvernement, en solidarité avec les forces de défenses et de sécurité pour combattre les forces du mal.

Interview réalisée par Lazard KOLA

Faso7

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