Lutte contre le terrorisme au Burkina Faso : Les propositions d’un citoyen
Ceci est une tribune de M.B, doctorant de la Carter School for Peace & Conflict Resolution (USA) sur la situation nationale.
Les derniers développements de l’actualité morose du Burkina paraissent inquiétants à plusieurs égards avec la multiplication des manifestations contre le gouvernement dont les représentants et fonctionnaires sont traqués, kidnappés, dépouillés de leurs biens et souvent tues dans les régions du Sahel, du Nord, centre-Nord et de l’Est ou les djihadistes et d’autres hommes armés non-identifiés sèment la mort et la terreur.
Pour qui est un peu familier de la doctrine et de la stratégie militaire du mouvement djihadiste telle qu’élaborée par les penseurs et stratèges d’Al Qaeda et de l’Etat Islamique, le retournement et même le soulèvement des populations contre le gouvernement et les forces étrangères dans les zones persécutées par les Mujahidins (soldats d’Allah) n’a rien d’étonnant. Cela fait partie du plan funeste des djihadistes pour administrer le chaos qui devra discréditer les Etats apostats et les forces infidèles en démontrant leur incapacité à protéger la population et en faisant comprendre à la population que son salut se trouve dans l’adhésion et le soutien au mouvement djihadiste.
Que pouvons-nous faire?
Chacun de nous
Oui, chacun de nous peut beaucoup faire pour contribuer à gérer la crise au lieu de se contenter d’observer le gouvernement et les FDS et de critiquer. Par exemple, nous pouvons :
-Faire un petit geste en faveur des victimes du terrorisme (familles endeuillées des FDS tombées au front, aide à des personnes déplacées internes, etc.)
-Eviter les réactions épidermiques
-Eviter de se laisser manipuler par qui que ce soit
– Prendre le temps de réfléchir et d’analyser les évènements avant de parler ou d’agir
-Faire ce que nous pouvons, chacun de son côté, pour le retour de la paix et de la réconciliation dans le pays au lieu d’attiser le feu
-Faire preuve d’esprit critique et de responsabilité dans notre façon d’utiliser les réseaux sociaux (Facebook, Whatsapp…) qui doivent être avant tout un moyen de communication pour faire le bien et pour nous faire avancer, au lieu de nous diviser et de détruire notre vivre-ensemble.
Il est bon de savoir que les groupes terroristes, à travers le monde, utilisent les attaques terroristes et la propagande à travers les médias (presse écrite, TV et maintenant les réseaux sociaux) pour faire la publicité de leur cause, attirer l’attention du public, se justifier, obtenir une certaine légitimité et le soutien des masses, et atteindre leurs objectifs en influençant l’opinion publique.
Ainsi lorsque vous recevez un message (audio, video, etc), avant de le partager avec d’autres, posez-vous les questions suivantes : de qui vient ce message ? Quelle est son intention ? A-t-il les moyens de savoir ce qu’il prétend nous apprendre et comment l’a-t-il appris lui-même ? Autrement dit, le message est-il crédible ? Est-il logique, cohérent du début à la fin ? Ce message contribue-t-il au bien de notre pays, à la paix et à la réconciliation, ou pas ?
Quel bien puis-je espérer faire en partageant ce message avec d’autres ? Est-ce que je ne risque pas d’aider les groupes armés terroristes dans leur propagande, dans leur plan de communication de masse et dans la réalisation de leur agenda politique, si je me mets à partager ce message ? Envoyer ou partager des messages sur les réseaux sociaux, c’est prendre la parole en public. Et la sagesse de nos ancêtres nous apprend qu’il faut tourner sept fois sa langue avant de parler.
-Collaborer intelligemment, discrètement avec les FDS en utilisant les numéros verts (1010, 16) et savoir que l’ennemi, c’est le terrorisme djihadiste, et non le gouvernement ou un groupe ethnique donné. Les théories du complot, au lieu de nous unir pour le seul combat qui vaille, risque de nous diviser et opposer inutilement. Il est loisible de critiquer des acteurs extérieurs de vendre ou de donner des armes à des jeunes frustrés pour se révolter contre notre gouvernement ?
Mais n’est-ce pas nous-mêmes africains qui permettons à d’autres de nous manipuler et de nous utiliser les uns contre les autres, perpétuant ainsi notre dépendance et notre misère ? C’est nous qui créons l’enfer les uns pour les autres. Si votre voisin ne vous aime et donne un bâton à un de vos enfants pour frapper ses frères et il réussit son projet mesquin, il est bon de blâmer le voisin, mais vous devez aussi vous interroger sur votre responsabilité.
-Si vous êtes croyant, prenez le temps de prier, seul ou en groupe, pour le pays, ses gouvernants, les FDS, et pour la conversion de ceux qui se sont égarés dans la voie sans issue du terrorisme.
2)Le gouvernement
– Les manifestations contre l’insécurité sont une expression de l’insatisfaction et de la frustration des populations dont les besoins de base, surtout la sécurité, sont insatisfaits. Comme les recherches en psychologie nous l’apprennent, une telle insatisfaction provoque chez les humains comme chez les animaux de la frustration qui presque toujours engendre des comportements agressifs et même violents. La pire façon de gérer de telles expressions de l’insatisfaction populaire est de les réprimer violemment sous prétexte de vouloir maintenir l’ordre public, car le plus souvent une telle répression entraine une spirale de violence qui peut plonger un pays dans le chaos ou la guerre civile si on en perd le contrôle.
-Tendre la main aux Burkinabè de tous les bords, de toutes les couches sociales, de toutes les régions et de tous les groupes ethniques dans un effort d’inclusion politique qui associe tout le monde à la lutte contre le terrorisme djihadiste.
-Organiser un forum national de gestion de la crise terroriste et de prospective qui regrouperait des représentants de la majorité au pouvoir, de l’opposition, des partis politiques non-affiliées, de la société civile, et des différentes communautés religieuses pour réfléchir rigoureusement sur les problèmes immédiats et structurels que pose le terrorisme et proposer des réponses réalistes pour résoudre ces problèmes à court terme et à long terme, avec des ressources et un calendrier adéquats.
-Revoir le train de vie de l’Etat et la gestion financière pour prioriser la sécurisation du pays
-Donner le bon exemple et inspirer confiance au peuple
-Combattre sincèrement la corruption et l’impunité qui, avec le désespoir et les griefs contre l’Etat, alimentent la radicalisation et de terrorisme.
-Mettre en place un programme qui pourrait s’appeler « Les Burkinabès aident les Burkinabès victimes du terrorisme ». Le programme consistera à : i) inviter les familles burkinabés qui le peuvent à accueillir un enfant déplacé interne pour lui donner la chance de poursuivre sa scolarisation, et ii) inviter chaque Burkinabè à donner au moins 100 F par mois (c’est à peine 1/5 du prix d’une bière) pour contribuer à aider les personnes déplacées internes. Le Ministère de l’Action Sociale ou l’ABBEF pourrait coordonner cela.
Les médias
Les médias aiment le sensationnel, et les terroristes aussi, car ils ont besoin d’attirer l’attention du public, de la presse locale et internationale. Etant donné que les terroristes ont besoin des médias pour faire connaître leurs attaques et attirer l’attention du public et des décideurs politiques, les professionnels des médias doivent être formés à la manière de rapporter les attaques terroristes afin de ne pas servir l’agenda des terroristes ou d’accroître le sentiment d’insécurité du public.
Mais une question importante se pose ici à tout journaliste : comment concilier la liberté d’informer ou le droit des citoyens à l’information avec l’exigence de s’abstenir de publier des informations d’une façon qui nuise à la sécurité publique ? Tout journaliste qui travaille sur le terrorisme doit sans cesse réfléchir à cette question et chercher un juste milieu en évitant soigneusement de jouer le jeu des terroristes qui veulent qu’on fasse la publicité de leur violence.
Les FDS
-Prendre conscience du fait que certains citoyens ont une perception négative des forces de sécurité du fait d’abus que certains de vos collègues ont commis et du fait que historiquement certains voient en l’armée un bâton répressif au service du pouvoir (colonial puis post-colonial). Une telle perception négative ne les dispose pas à faire confiance immédiatement aux FDS et à vouloir collaborer avec elles surtout si eux ou leurs proches ont été victimes d’abus de FDS.
-Le drame d’Inata a mis au grand jour les dysfonctionnements au sein des forces armées du Burkina. Il est grand temps de prendre de grandes mesures pour assainir et réformer l’appareil sécuritaire dans son ensemble en dialogue avec les FDS mais aussi les représentants de la population. Pour cela, il faut mettre en place un système de monitoring qui permet de suivre l’exécution des mesures prises et les résultats obtenus.
-Pour s’assurer que chaque FDS ne manque pas de provisions de base, la proposition a été aussi faite que chaque soldat emporte dans ses déplacements un petit stock de provisions de base, par exemple des barres nutritives, et que la hiérarchie veille à ce que l’approvisionnement en général dans l’armée soit supervisée, depuis la commande jusqu’à la livraison par un comité dont il n’y a pas de doute sur la moralité des membres.
Bref, ce sont là quelques suggestions qui pourraient contribuer au débat sur que chacun de nous pourrait faire face à la crise actuelle qui risque de pas être seulement sécuritaire mais aussi politique si les positions se durcissent. Une crise politique aggraverait la situation socio-politique et économique déjà mauvaise.
Paix au Burkina !
MB, CAPDD
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