Des Burkinabè résidants aux Etats-Unis ne sont pas indifférents à ce qui se passe dans leur pays. Faso7 a tendu le micro à trois d’entre eux afin qu’ils expriment leur opinion sur la situation nationale et esquissent quelques pistes de solutions.
Marcel Ouédraogo, Burkinabè résident à New York : «On ne change pas un président en temps de guerre »
J’aimerais m’incliner sur la mémoire des disparus de ces actes barbares. Que Dieu essuie les larmes de leurs parents, les larmes de toute la nation burkinabè. Ce sont des moments très difficiles pour ceux qui sont au pays mais aussi pour nous qui sommes loin. Nous ressentons cela malgré la distance.
Le Burkina Faso a traversé des périodes difficiles de par le passé, mais le chalenge a rarement été aussi grand que maintenant. Cela dit nous pouvons encore nous relever parce que quand des gens s’entendent ils peuvent tout faire. Mais ce qui est malheureux en ce moment au pays c’est que beaucoup de gens en font de la récupération politique.
On ne peut combattre l’ennemi et l’exterminer que si nous sommes unis. Mais si on se lance la balle et on s’accuse mutuellement de tout, on ne pourra arriver à rien et c’est triste.
Il y a un adage américain qui dit que « on ne change pas un président en temps de guerre ». Je ne voudrais pas forcément faire référence chez nous au changement de président, mais je veux dire qu’en temps de guerre, chacun doit savoir déposer ses intérêts personnels de côté et regarder dans la direction de la recherche de solution adéquate.
Il y a un travail de confiance à mettre en place. Il faut que la confiance soit rétablie entre les hommes au pouvoir et la population. Remarquons que chaque fois on demande aux gens de collaborer avec les forces de l’ordre, mais on est toujours face au même challenge : les gens n’ont pas confiance au pouvoir. Lorsque les terroristes menacent les populations et que celles-ci ont plus peur des terroristes qu’elles n’ont confiance dans le gouvernement pour les sauver, elles auront tendance à choisir le moindre mal.
Si les promesses des gouvernants ne sont pas tenues, si des régions sont dépourvues de moyens vitaux, les populations pourraient choisir de ne pas aller à l’encontre des menaces pour une meilleure chance de survie. Il ne suffit pas de venir déclarer des deuils nationaux à chaque fois et faire des discours. La confiance doit donc être reconstruite entre le gouvernement et le peuple.
Il faut aussi mettre les moyens nécessaires à la disposition des forces de l’ordre pour nous défendre. C’est vrai qu’on ne peut pas consacrer tout le budget du pays à la sécurité, mais il faut reconnaitre qu’il y a un travail de fond à faire : éradiquer ce mal ! Il faut donc mettre assez de moyens – humains et matériels – pour sécuriser les zones vulnérables. Il faut une meilleure estimation et une répartition plus optimale des moyens dont nous disposons, pour que nous ayons de meilleurs résultats.
On parle d’économie mais s’il n’y a personne pour faire fonctionner cette économie là nous ne pourrons pas en bénéficier. Donc il faut faire en sorte que les gens se sentent en sécurité.
Je voudrais aussi appeler les opposants à mettre de l’eau dans leur vin. Qu’ils reconnaissent que ce n’est à pas à toutes occasions qu’il faut ramener le jeu politique et faire de la récupération. Si le gouvernement a la volonté de changer les choses et que les opposants sèment la division, ils deviennent les partenaires de la terreur même sans le savoir. Ils donnent de la force à la terreur, qui recherche la division, la panique, le désordre.
Si les gens n’ouvrent pas les yeux, si on ne se met pas ensemble pour gagner cette guerre avant de recommencer le jeu politique, la terreur va se rire du Burkina. Il faut alors que toutes les couches sociales se réveillent, laissent leurs problèmes personnels de côté, et fassent front pour l’intérêt de la nation.
Dimitri Diallo, Burkinabè résidant au Texas depuis une dizaine d’années : « Si les partenaires que nous avons en ce moment ne nous arrangent pas…. »
La situation sécuritaire au Burkina Faso est vraiment très inquiétante et alarmante. Pour nous qui sommes à l’étranger, à chaque fois que nous recevons des nouvelles du pays on s’inquiète. D’autant plus qu’on se sent impuissants, étant à l’étranger. On se demande bien quel est l’état réel des choses, parce que de loin on ne peut pas réaliser l’ampleur de la situation.
On n’ose pas sous-estimer le niveau d’insécurité, et quand on regarde les infos ça fait peur. On a peur pour nos parents, nos amis, et le reste de la population.
On aimerait bien pouvoir trouver une solution à cette situation. Ce que je proposerais c’est qu’il faut une union de cœur au niveau de la population burkinabè parce que tous ces problèmes ont émergé après le départ de Blaise Compaoré. C’est difficile de ne pas faire une corrélation par rapport à la situation.
Pendant 27 ans on a vécu sous le pouvoir Compaoré et il n’y a pas eu de problème de ce genre. Et tout d’un coup maintenant que Compaoré n’est plus au pouvoir, cela se passe. Alors on se demande quels sont les deals ou accords qu’il y avait et qui nous tenaient à l’abri de ces maux ; et s’il y a quelque chose que les gens au pouvoir actuellement peuvent faire pour apporter un peu de paix aux populations.
Quoi qu’on dise, l’impact est grand sur l’économie, les populations, tous les secteurs de la vie. Avec le nombre croissant des déplacés internes, j’imagine que les grandes villes sont actuellement en train de s’asphyxier. Jusqu’à quand tiendront-elles, et pourront-elles recueillir tout le monde, c’est des questions qu’on se pose. C’est aussi une source plausible de la croissance du grand banditisme. Il faut alors que les Burkinabè s’unissent pour lutter contre le terrorisme.
Une autre chose est qu’il faut absolument une approche sous-régionale au problème, avec nos pays voisins. La frontière Burkina-Niger-Mali est très grande, et il faut qu’on lutte de commun accord er que la réponse soit bien coordonnée. Faut-il donner un territoire à ces gens-là pour qu’ils puissent y faire ce qu’ils veulent ? Ce qui serait vraiment dommage. Est-ce que nous pouvons nous mettre ensemble pour les asphyxier ?
Je ne comprends pas qu’on ait BARKANE et le G5-Sahel et que malgré tout, il y ait des zones de non-contrôle. C’est quoi le véritable problème ? Y a-t-il un manque de volonté politique, ou de moyens ? Il faut que nos dirigeants jouent cartes sur table et qu’ils informent les populations. Quelles sont les revendications des assaillants ? Qu’est-ce qu’on peut concéder et qu’est-ce qu’on ne peut pas donner ? On ne dit pas de négocier avec l’ennemi, mais au moins les parents des victimes doivent savoir pourquoi leurs gens sont mortes. C’est le minimum.
Les gens vont au front pour défendre le pays, mais quand est-ce que ça va finir ? Y a-t-il un parchemin avec un compteur d’un nombre de victimes à atteindre pour que ça finisse ?! L’ennemi veut-il des biens ou une partie de la terre ? Rien n’est clair. Ces problèmes sont apparus avec les grandes découvertes d’or, de pétrole, de minerais. Alors c’est difficile de ne pas associer la France à cela.
A un moment donné il va falloir s’assumer. Un sursaut patriotique est nécessaire pour mener ce combat. Je pense qu’au-delà des moyens, il faut une réelle volonté politique pour en venir à bout. Il nous faut des partenaires capables et qui veulent vraiment nous aider à en finir avec le terrorisme. Si les partenaires que nous avons en ce moment ne nous arrangent pas, nous devrions être capables en tant qu’Etat souverain de les laisser et chercher des partenaires plus à même de nous soutenir.
Boukary Ouédraogo, journaliste indépendant résident aux USA : « On ne nous dit pas pourquoi on nous attaque ! »
C’est désolant de voir comment les pauvres populations civiles et militaires se font massacrer par les hommes armés non identifiés. Ça fait mal de voir son pays décréter des deuils nationaux à n’en pas finir. Pratiquement 6 ans que ça dure, on a l’impression que ça va de mal en pis. En tant que Burkinabè, on ne peut qu’en être frustré.
Depuis 2015, après l’arrivée de Roch au pouvoir, les premières attaques ont été perpétrées. Et ça ne finit pas de s’aggraver. Ce qui m’écœure le plus c’est qu’on ne nous dit pas pourquoi on nous attaque. Pourtant il semble que des membres importants de ces bandes armées ont été faits prisonniers. Ceux-ci auraient pu dire le pourquoi des attaques. D’autant plus que ce sont des Burkinabè même parmi ces terroristes-là.
Mais les autorités n’ont pas encore pu donner des informations précises dessus. Ces informations auraient pourtant pu inciter les populations à mieux coopérer avec les FDS et à dénoncer les criminels.
Pour que la situation s’arrange, il faudrait d’abord que ceux qui sont sur le terrain de cette guerre, les forces de défense et de sécurité et les VADS soient convenablement équipés. Ils ne doivent absolument manquer de rien pour faire bouger les lignes.
Il faudrait aussi que les populations qui sont dans les grandes villes se mettent en tête qu’on n’est pas dans une période ordinaire. Tout le pays doit se rendre compte qu’on est en situation de guerre, et qu’ils se comportent en conséquence.
Si le président du Faso arrive à appeler le peuple au rassemblement, en le convainquant dans la manière et les actes, nous pourrons tous faire front contre ces forces du mal qui nous attaquent. Si les moyens adéquats sont mis à la disposition des forces de défense et de sécurité et des VADS, et que les autorités se mettent en condition de guerre, je me dis que nous pouvons vaincre ces terroristes-là.
Nous qui sommes à l’extérieur essayons d’apporter notre soutien, chacun comme il peut. Personnellement j’ai déjà envoyé de lot de vêtements, chaussures et vivres. J’ai aussi participé à une collecte de fonds organisée par des Burkinabè ici, pour soutenir personnes déplacées internes.
C’est de petits gestes mais qui montrent que nous sommes de tout cœur avec la patrie malgré la distance. Chacun essaie de jouer sa partition pour le meilleur.
Propos recueillis par Stella NANA
Faso7
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