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Réouverture des frontières terrestres du Burkina : la délivrance, en attendant Abidjan

Le Burkina Faso a rouvert, ce mercredi 1er décembre 2021, ses frontières terrestres et ferroviaires avec des pays voisins, après 20 mois (mars 2020, ndlr) de fermeture, du fait de la COVID-19. Soulagement pour certains transporteurs et reprise des services et d’activités de commerce sont le constat fait à Yendéré dans la région des Cascades.

Au poste frontalier de police, le contrôle des documents de santé peut encore attendre.

En embarquant dans le bus, à 07h30, à Banfora, Moussa Konaté rêve, un moment, de rejoindre Bouaké, en terre ivoirienne, sans trop de soucis. Il a appris, dit-il, « la bonne nouvelle », de la réouverture des frontières. En effet, toute personne peut entrer et/ou sortir du pays, à condition de s’être fait vacciner contre la COVID-19 ou d’être négative au test PCR, à partir de ce mercredi 1er décembre 2021, selon un décret présidentiel. Le jeune ne remplit aucune de ses conditions. « Mon voyage était déjà prévu. J’espère que tout va bien se passer », affirme-t-il. Après une heure de trajet, à Niangoloko, à peine 45 kilomètres, il commence à déchanter. Malgré la réouverture officielle des frontières, la compagnie de transport en commun n’a pas encore décidé d’assurer le transit jusqu’en Côte d’Ivoire. La raison, ce pays n’a officiellement pas rouvert ses frontières, confie-t-il. L’employé de commerce, résident à Bouaké, s’attache les services d’un « passeur » à tricycle, qui se retrouve être notre « convoyeur », également, pour Léraba-Burkina, village frontalier avec la Côte d’Ivoire voisine, dans la commune de Niangoloko, région des Cascades.

Neuf autres personnes dont trois femmes et deux enfants y ont pris place. Nous marquons la première halte à Yendéré, à 9h. Profitant du contrôle de la police nationale, nous nous permettons une petite balade dans les boutiques de fortune au petit marché qui s’est construit, non loin du poste frontalier. Ici, c’est le sujet de conversation du jour sur toutes les lèvres. Assis devant sa boutique et bonnet vissé sur sa tête coiffée à ras, le vieux Fofana parle justement de la réouverture des frontières, avec ses « amis ». « Il était vraiment temps. Il faut dire que cela a trop duré. c’est vraiment une bonne nouvelle », estime-t-il. A côté de lui, Abdoulaye Sirima, la soixantaine, ironise : « c’est la meilleure décision du gouvernement depuis sa nomination ». Pour lui, la réouverture des frontières vient soulager les populations les plus vulnérables, parce qu’elles ont été, à l’en croire, les premières. « C’est un ouf de soulagement. Nous en avons beaucoup souffert. La fermeture des frontières n’a pas arrêté le coronavirus, mais elle a tué l’économie locale et nationale. Nous devons apprendre à vivre avec cette maladie et continuer à chercher notre argent », soutient M. Sirima. C’est pourquoi il salue la décision de l’exécutif qui permettra d’alléger les souffrances des populations.

« C’est la meilleure décision du gouvernement »

Il faut se soumettre aussi au contrôle policier. Les contrôles se veulent rigoureux. Les documents d’identité sont exigés, certains bagages fouillés. La carte de vaccination contre la COVID-19 ou l’attestation de test PCR négatif peuvent encore attendre. Le poste de vaccination de Yendéré, jouxtant la police, est fermé. « C’est aujourd’hui que les frontières ont été rouvertes. C’est une phase de sensibilisation. Nous parlons aux gens, nous leur demandons de se conformer aux conditions sanitaires imposées. Nous sommes entre nous, il faut se parler, il faut sensibiliser », explique un officier de police dont les agents communiquent beaucoup avec les passagers. La démarche se veut informative et pédagogique. Notre interlocuteur qui a requis l’anonymat soutient que certains voyageurs n’ont pas reçu l’information de la réouverture des frontières et d’autres n’ont pas eu le temps de se faire vacciner ou de faire le test COVID-19. « Pour le moment, nous ne verbalisons personne même si elle ne remplit pas les conditions sanitaires. Mais nous sommes exigeants pour ce qui est des documents d’identité », ajoute-t-il. Nous continuons notre chemin.

La surcharge des bagages, la difficile monture et l’inconfort du tricycle ainsi que l’allure du conducteur ne permettent pas les échanges entre passagers. Chacun est accroché. Autour de 10h15, nous débarquons à Dangoindougou. Là, c’est la gendarmerie qui prend la relève. Les mêmes procédures. Contrôle d’identité d’abord, lutte contre le coronavirus après. Un gendarme, sous anonymat, regrette la fermeture des frontières qui, selon lui, a davantage rendu les pays vulnérables dans un contexte marqué par le terrorisme. « Nos frontières sont déjà poreuses. Avec la fermeture, les gens ont créé des pistes de passage, rendant nos frontières plus dangereuses. En cette période de terrorisme, le contrôle des frontières est rendu difficile », déclare-t-il. Il loue la décision de permettre aux citoyens de circuler librement. Pour lui, cela va renforcer la sécurité sur cette route en ces temps de lutte contre le terrorisme.

« Si le Burkina seul ouvre, cela ne sert à rien »

Les motos, véhicules personnels, et tricycles…servent de moyens de transport.

Coup de chance. Nous rencontrons à Dangoindou-gou, le Secrétaire général de l’Organisation des transpor-teurs routiers du Burkina (OTRAF)/section de Niangoloko, Ibrahim Traoré. Il est venu constater de visu, la réouverture effective des frontières. « C’est effectif. Les frontières sont enfin rouvertes », soupire-t-il. Il qualifie la levée de cette mesure de réouverture des frontières de « délivrance », après 20 mois de fermeture et plusieurs annonces avortées de réouverture. « C’était la galère chez les transporteurs. Tous ceux qui empruntent l’axe Ouaga-dougou-Abidjan ont été pénalisés. Il y a des compagnies de transport qui ont compressé leurs personnels », déplore M. Traoré. Cette fermeture des frontières était devenue, à un moment donné, une violation de la liberté de mouvement des citoyens de l’espace CEDEAO, contrairement aux dispositions légales de l’instance communautaire. Pendant que les frontières aériennes étaient ouvertes, dénonce-t-il, celles terrestres sont restées fermées. « C’est une violation de la libre circulation des personnes et des biens », relève Ibrahim Traoré. Plus d’une trentaine de personnes sont mortes dans des accidents sur la vingtaine de pistes de passage entre le Burkina et la Côte d’Ivoire. A 11h30, nous arrivons à Léraba-Burkina. La barrière estampillée « Frontières fermées », aux abords du pont Leraba, a disparu. Mariam Kéré attend toujours les premiers passagers, arrivés dans les bus, comme avant la fermeture des frontières. Pour elle, c’est le seul signe que les frontières sont reouvertes et que le trafic a repris.

Pour la circonstance, la vendeuse de boissons rafraichissantes a fait des provisions pour renforcer le contenu de son réfrigérateur. Mais, à ce premier jour de réouverture de la frontière elle va encore se contenter du ballet des « passeurs » avec les motos, tricycles et véhicules, qui assurent le transport des personnes pour la traversée des frontières entre le Burkina et la Côte d’Ivoire. « Le Burkina Faso de son côté a ouvert, c’est vraiment une bonne nouvelle. Nous allons enfin reprendre notre commerce, sinon actuellement, c’est la survie. Si nous seuls, nous ouvrons, cela ne sert à rien. Nous espérons que la Côte d’Ivoire le fera dans les jours à venir », plaide la quinquagénaire. En attendant, Moussa Konaté et les autres poursuivent leur voyage, accrochés à l’arrière d’un tricycle confiant leur vie aux « fous passeurs ».

Djakaridia SIRIBIE

dsiribie15@gmail.com

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