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Procès Thomas Sankara et ses compagnons : Les témoins Kationga Thérèse, Ismaël Abdoulaye Diallo et l’accusé Tibo Ouédraogo étaient devant le tribunal

L’audience du tribunal militaire concernant le dossier Thomas Sankara et de ses douze compagnons a repris ce jeudi 2 décembre 2021 avec le passage à la barre des témoins Kationga Thérèse, Ismael Aboubacar Diallo et l’accusé Tibo Ouédraogo. L’accusé Tibo Ouédraogo était le seul qui n’avait pas pu passer pendant l’interrogatoire des accusés, pour des raisons de santé. A sa suite, les témoins Kationga Thérèse et Ismaël Abdoulaye Diallo ont été devant la barre pour verser leurs témoignages au tribunal.

Après plus d’un mois de prolongation, le tribunal militaire a pu procéder enfin à l’interrogatoire de l’accusé Tibo Ouédraogo ce jeudi 2 décembre 2021. Au moment des faits, l’accusé Tibo était sous-lieutenant en service à l’EMC, Escadron motocycliste commando. Aujourd’hui  Colonel à la retraite,  Tibo Ouédraogo est poursuivi pour « complicité d’attentat à la sûreté de l’État ». A la barre, l’accusé Tibo Ouédraogo dit ne pas reconnaître les faits  retenus à sa charge.

Dans son récit devant le tribunal pour ce qui concerne les évènements du 15 octobre 1987, l’accusé Tibo soutient qu’ « il était au mess des officiers lorsqu’il a entendu les coups de feu vers 16h. Il a tenté d’aller au conseil pour savoir ce qui se passait mais arrivé à la gendarmerie, les pandores lui ont signifié que ce n’est pas possible d’y accéder. Il a rebroussé chemin, arrivé au mess des officiers, il a appelé le Commandant Lingani en vain avec insistance mais sans nouvelles.

Et quand le commandant lui a rappelé, il a dit «  prenez des gens et allez neutraliser la Force d’intervention et de transport du ministère de l’Administration territoriale et de la sécurité (FIMATS). C’est ainsi qu’il s’est donc retrouvés au CNEC pour rassembler ses hommes. Arrivés, on a tiré en l’air, il n’y a pas eu de réaction ni d’opposition, aucune Kalash n’a répondu. Je suis allé donc vers celui qui gardait la porte les mains en l’air et il a fait venir Diarra et Théodore. On a organisé le couvre-feu » a indiqué Tibo Ouédraogo.

La zone des avocats de la défense©infoh24

Mais au niveau de la FIMATS, le chef Askia Mohamed Sigué (considéré comme un des inconditionnels de Thomas Sankara) était absent. En constant l’absence du chef, Tibo Ouédraogo décide de prendre le « commandement » de la FIMATS pour l’organisation des patrouilles dans la ville de Ouagadougou. C’est pourquoi, il dit ne pas comprendre son inculpation pour une mission qu’il a effectuée sous les ordres du haut commandement de l’armée, le commandant Jean-Baptiste Lingani. Mieux, il précise que « lors de mon passage à la FIMATS, il n’a pas  torturé quelqu’un ».

L’accusé rappelle  à la barre que dans l’armée, soit vous exécutez les ordres soit on vous fait. Ce qui signifie en clair qu’il pouvait  être exécuté, s’il refusait la mission » soutient-il.  Après cette mission, « il dit qu’il n’était pas tranquille, parce qu’on lui avait dit d’aller neutraliser la FIMATS et lui par contre est allé pacifier ». Car Thomas Sankara avait dit qu’ « un militaire sans formation politique est un criminel en puissance ». Partant de ce postulat, pour lui  « neutraliser » c’est mettre une unité hors d’état de nuire. De façon claire, neutraliser signifie arrêter, emprisonner. C’est une action qui peut aussi englober la tuerie. « J’ai exécuté l’ordre, mais je n’ai pas fait ce qu’on m’a demandé » a spécifié Tibo Ouédraogo.

Mais pour Tibo, il n’a pas suivi les ordres du commandant Lingani qui étaient de neutraliser la FIMATS, au contraire il est allé « pacifier ». Et une année après, il a été arrêté. Il a justifié son arrestation par ces faits. « J’étais contre le coup d’État. Je n’ai pas fait ce qu’on m’a demandé de faire, je me dis que c’est pour ça on a envoyé un de mes amis m’arrêter le 24 décembre 1989 et il a fait deux ans en détention avec des menottes », a expliqué l’accusé Tibo Ouédraogo.

Le tribunal©infoh24

Questionné  par le président du tribunal sur les motifs réels de son arrestation, il a confié qu’on lui a dit qu’il voulait faire un coup d’État avec Boukary Kaboré dit le Lion, quelqu’un qu’il dit ne pas connaitre. A travers cette réponse le parquet saisit la perche tendue pour citer des éléments introduits par le conseil de l’accusé, affirmant que Tibo Ouédraogo a été mis aux arrêts en lien avec le coup d’État Lingani et autres auraient voulu faire.

Ce que l’accusé a réfuté. Pour sa défense dans le dossier pour lequel il est à la barre, le colonel Tibo Ouédraogo dit que la mission qu’on lui avait confiée « n’était pas bonne », raison pour laquelle il ne l’a pas exécutée comme le commandant le voulait. « Je n’ai pas fait de dégâts, je n’ai pas torturé quelqu’un », a soutenu M. Tibo.

Le témoin  Naoura Kationga Thérèse gérante de restaurant au moment des faits dans un quartier de la place à Ouagadougou, ex copine de l’accusé Bassobé Traoré.

A la barre, elle soutient qu’ « elle ne sait pas par où débuter sa déposition mais elle se rappelle très bien qu’entre le 11 et le 12 octobre 1987, le sergent Bassobé Traoré (Ndlr, accusé dans le procès Thomas Sankara) est passé la voir à son restaurant pour la dire au-revoir. Cet au revoir l’a tiqué », commence-t-elle.

Et elle a demandé « où on vous amène encore ?, lance-t-elle d’un air étonnée. Son interlocuteur répond  que Nabié Nsoni (ancien garde de Blaise Compaoré) lui aurait parlé d’un coup d’État le jeudi 15 octobre 1987, dans la soirée, par conséquent, de ne pas se rendre au conseil de l’Entente pour le sport de masse. A la question de savoir qui devrait faire ce coup d’État, Bassobé Traoré a répondu avec fermeté que c’était le capitaine Blaise Compaoré.

L’épouse de Thomas Sankara en discussion avec Pierre Ouédraogo©infoh24

Sur place, elle a demandé au sergent Bassobé, de prévenir le capitaine Thomas Sankara. Et  Bassobé répond que Thomas est au courant. Le parquet militaire a encore saisi cette aubaine pour demander une confrontation entre l’accusé et le témoin pour se situer définitivement. « Est-ce que vous êtes d’accord avec ce que Mme Kationga a dit tout à l’heure ? », demande le président du tribunal à l’accusé. « Ce que Thérèse vient de dire là, moi je ne comprends rien. En tout cas moi je n’ai rien compris dedans. Je sais qu’elle m’a demandé si tout allait bien chez au conseil de l’Entente et j’ai dit oui. Elle a insisté en me disant qu’elle était au courant de tout et que Ouaga est trop petit » a indiqué l’accusé Bassobé Traoré.

L’accusé Bassobé Traoré poursuit en révélant que dame Kationga est son ex copine et elle est à l’origine de son inculpation devant le juge d’instruction. Et le président du tribunal de le rassurer : « Ce n’est pas possible. Mme Kationga n’a pas ce pouvoir. Elle ne peut pas faire cette demande à un juge ». Pour dissiper cette vision dans la tête de l’accusé Bassobé Traoré, un avocat de la partie civile Me Hervé Kam fait comprendre qu’il a été inculpé avant même que le témoin (Mme Naoura Thérèse Kationga) ne fasse sa déposition chez le juge.

A la suite de Mme Kationgo, l’ex-fonctionnaire des Nations Unies, Ismaël Abdoulaye Diallo a été devant la barre pour verser son témoignage sur  les événements du 15 octobre 1987.

Dans son récit, le témoin Diallo a souligné avoir appelé le président Thomas Sankara le 15 octobre 1987 dans la matinée pour échanger avec lui sur la situation qui prévalait. «Je lui ai dit que la situation était sans issue ou l’issue était catastrophique, nous ne pouvons plus faire semblant». Mais Sankara n’était pas intéressé de ce qu’il disait.

Il est donc allé voir Blaise Compaoré pour en parler et Blaise Compaoré lui a «demandé s’il a vu Gilbert (Diendéré) sortir quand il rentrait ?». «J’ai dit non et il m’a dit que c’est la première fois (qu’ils) parlent politique». Sur le sujet qui l’a amené chez Compaoré le 15 octobre 1987 matin, le témoin  Diallo lui a suggéré que lui et Thomas fassent une déclaration qui sera lue par une autre personne dans le but de rassurer les gens et apaiser la situation. «Il m’a dit que Thomas dira oui et il fera autre chose», a poursuivi le témoin qui déclare qu’il était loin d’imaginer que quelque chose se passera quelques heures après.

Un avocat de la défense plongé dans ses documents©infoh24

Selon Abdoulaye Diallo, il a appris les tirs du 15 octobre 1987 par une de ses nièces qui travaillait à l’ambassade de l’Égypte. Concernant la nouvelle sur la mort de Thomas Sankara, c’est un journaliste français qui l’en a informé le 15 octobre 1987 vers 15h30. «Je lui ai demandé de qui il tenait l’information et il m’a dit que c’est de l’ambassade de France. Ce témoin informe aussi qu’avant les événements il a appris du président Nigérien Seyni Kountché que les présidents du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Togo auraient pris contact avec la France dans le but de faire un contre coup d’Etat au Burkina Faso.

L’audience a été suspendue et elle va reprendre le lundi 6 décembre 2021 avec la poursuite de l’audition du témoin Abdoulaye Diallo. Il faut noter que dans le cadre de ce procès, 111 témoins doivent témoigner à la barre. Mais à la date de ce 2 décembre 2021, il n’y a que 22 témoins qui ont fait leurs dépositions.

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