Un coup de jeune
Aussitôt dit, aussitôt fait. Pourrait-on dire après cette dernière vague en date, de changements au sein des forces armées nationales ? Pendant que d’aucuns s’interrogeaient sur ce que le chef de l’Etat ferait du rapport d’enquête qu’il a lui-même commandité sur le drame d’Inata qui a officiellement causé la mort de 57 personnes (dont 53 gendarmes), la nomination d’une quinzaine d’officiers à des postes stratégiques a été rendue publique, le samedi 4 décembre 2021.
Des changements qui révèlent l’ampleur des dysfonctionnements qui ont conduit à la plus grande perte de soldats au cours d’une même attaque depuis que le pays est engagé dans la guerre contre l’hydre terroriste en 2015 (attaque de Samoroguan, le 9 octobre). En effet, les divisions des opérations de l’Etat-major général des armées, de l’armée de l’air, de l’armée de terre, le commandement des forces spéciales, le groupement central des armées, la direction centrale du matériel, les transmissions, les commandements des trois régions militaires, le service social, ont tous connu des changements de commandement à des degrés divers.
Face donc à l’attaque la plus meurtrière pour nos unités, des changements (d’homme pour l’instant) d’une ampleur rarement égalée sont impulsés par le chef suprême des armées, Roch Marc Christian Kaboré, en réponse à une désapprobation grandissante de la gestion de la crise sécuritaire. Ces nominations sont, à plusieurs égards, un coup de jeune manifeste au sein de la grande muette avec la promotion de jeunes officiers débordants d’énergie et qui ont déjà démontré dans d’autres circonstances, au yeux de nombreux observateurs, leur volonté de marcher dans les sillons déjà tracés par les officiers et hommes de rangs valeureux ayant combattu avec les tripes durant la guerre dite des pauvres.
Leur portrait robot pourrait ressembler étonnamment a celui des « boys » du président de la Transition, Michel Kafando, rétabli dans ses fonctions à la suite de leur action , « contournant » la vieille garde, pour faire échec au coup d’Etat de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) contre les institutions d’une Transition en fin de course. Ces boys étaient pressentis comme l’ossature de la nouvelle armée burkinabè post-insurrectionnelle… Le changement de paradigme annoncé par le chef de l’Etat semble prendre corps par ces choix.
A première vue, cet attelage renvoie l’image d’une armée dirigée par une nouvelle génération pleine d’ambition pour la défense du pays. Suffisent-ils cependant à surmonter tous les défis opérationnels d’une armée restée longtemps sur la défensive, avec une capacité d’adaptation à la menace assez poussive et qui peine à assurer sa mission première de défense de l’intégrité territoriale et de protection des biens et des populations ? Si elle constitue un signal fort (il n’est jamais tard pour se ressaisir), ces changements d’hommes et de générations, sont loin d’être la panacée.
Pour réussir à redonner du mordant à l’armée nationale, les nouveaux promus ont besoin d’être articulés à un management efficace, à l’acquisition de technologie employable au combat (l’insuffisance de ressources n’explique pas tout), à la définition d’une doctrine d’emploi adaptée à la guerre au sein des populations, à une réorganisation et à la nécessaire évolution de la formation.
Aussi, le schéma classique des forces armées de deux Etats qui se toisent à leurs frontières communes est révolu. Car, l’une des nombreuses priorités du nouveau commandement des forces armées nationales est la reconquête de l’intégrité territoriale. Il a juste besoin, pour cela, de coudées franches, nous semble-t-il. Et cela aussi est une autre question de génération.
Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr
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