Les faits divers de Zatibagnan : Les larmes de Safi (épisode 3)
Les doigts tremblants, le cœur étreint par l’émotion, Safi tourna la prochaine page et se mit à lire.
« Safi, si tu lis ces lignes, soit je suis mort, sois ton éternelle curiosité, qui est l’une des raisons pour lesquelles je t’aime comme un fou, a retrouvé ce carnet.
Avant de continuer, je souhaite que tu saches à quel point mon amour pour toi est immense. Il est sans doute l’une des causes pour lesquelles je me bats corps et âme sur le champ de bataille contre ces ennemis de notre peuple. Je ne veux pas que toi et nos enfants, si Dieu nous en donne, viviez dans un pays où vos libertés seront bafouées.
Je veux que mon pays reste ce havre de paix, de cohabitation sociale, où le musulman et le chrétien boivent ensemble à la même table et où le Samo et le Moaga s’insultent tout en riant.
Je veux que mes arrières petits-enfants soient aussi fiers de moi que je le suis de mes ancêtres qui ont tenu tête au colon, de mes arrières grands-pères qui ont lutté pour se soustraire du joug de la colonisation et qui ont brandi le poing lors de la guerre des pauvres.
Je ne veux pas que mon enfant vienne lire dans les livres d’histoire que des ennemis ont vaincu son pays alors que son père tenait les armes pour le défendre. Tu me comprends ? Pour atteindre cet idéal, je suis prêt à donner ma vie. Pour que tu vives en paix, pour que mes amis puissent continuer à manger du poulet bicyclette au rabilé le samedi soir au bord de la route, sans inquiétude, je suis prêt à donner ce souffle de vie que le Seigneur m’a donné.
Alors, ma chérie, pardonne-moi si ces lignes sont les dernières que tu liras de moi, mais je préfère mourir dans la dignité que de vivre dans la honte. Pour ma patrie, je donnerai donc ma poitrine ».
Safi essuya à nouveau les larmes qui avaient giclé de ses yeux. Ce mélange de tristesse et de fierté lui chamboulait les neurones. Elle reconnaissait bien là son Joël, patriotisme chevillé au corps, sens du devoir à la limite de l’extrême. Elle l’aima encore davantage. Elle jeta un œil à son téléphone qui restait silencieux.
Puis, son regard revint sur le carnet. Elle tourna une nouvelle page et tomba sur ces lettres capitales : « MON ENNEMI EST MON COMPATRIOTE ».
Ce chapitre commença ainsi :
« Ma chérie Safi, je pensais que ceux qui nous attaquaient étaient des étrangers. Mais la première fois que je fis face à ces hommes, tu ne peux pas imaginer la profondeur de la tristesse qui m’a envahi.
Safi, ce ne sont pas des étrangers. Ce sont nos compatriotes. Des fils de ce pays. Des personnes qui portent des noms de familles qui habitent de façon séculaire sur nos terres. Mais comment est-ce possible ? C’était dur. Mais j’ai dû tourner mon arme contre mes compatriotes. Une double peine. Mais Safi, je t’assure que ce n’était que le commencement de mes peines. Je verrai pire… ».
A suivre vendredi prochain
Zatibagnan
Pour lire le début de l’histoire, cliquez ici
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