Procès Thomas Sankara et ses compagnons : « J’ai regardé Sankara dans les yeux et il a baissé la tête, c’était la 1e fois », Emile Nacoulma
Le 61e et 62e témoins dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara et ses compagnons étaient à la barre ce 20 décembre 2021, pour donner leurs versions des faits, du 15 Octobre 1987. Il s’agit de Mahamoudou Sanou, membre du CNEC au conseil de l’entente, en service à l’aéroport de Ouagadougou et Emile Nacoulma, chef du premier groupe de sécurité de Thomas Sankara. Le premier, caporal à l’époque, accompagné de ses hommes voulait en finir avec les éléments proches de Thomas Sankara installés à la FIMATS avant de se rétracter à la dernière minute, et le second, sergent-chef, à l’époque, a passé la nuit du 14 Octobre 1987 avec Thomas Sankara. Il met à l’abris les enfants de Thomas Sankara (Auguste et Philippe), comme promis, avant de tenter de s’enfuir. Leurs récits.
Le déroulé des évènements du 15 Octobre 1987, poursuit son bonhomme de chemin. Les faits racontés par les témoins se suivent mais ne ressemblent pas. Et , chaque jour, qu’un témoigne relate les faits dont il a connaissance, c’est un nouveau dossier pour la cour.
Précédent, Emile Nacoulma et Mahoumoudou Sanou, Amadou Baba Karambiri, journaliste à l’époque de Thomas Sankara a expliqué à la cour, ce qu’il a vu et entendu : « j’étais à la radio et j’ai entendu des tirs », dit-il. Amadou Baba Karambiri n’est pas témoin oculaire, mais situe : « Ce qu’on entendait, vraiment ce n’était pas bon. J’ai appris la mort du camarade président dans les chaines internationales ». Aujourd’hui, à la retraite, il est venu dire à la cour ce qu’il sait de l’assassinat du président révolutionnaire Sankara.
Mahamoudou Sanou, ancien membre du CNEC, en charge de la sécurité de l’aéroport en 1987
« On allait à la FIMATS pour les abattre »
« J’étais en charge de la sécurité de l’aéroport, membre du CNEC de Ouagadougou. Le 15 Octobre, j’étais à mon poste quand le lieutenant Omar Traoré est venu me dire de rassembler mes hommes pour 14H ». C’ est ainsi qu’on a planté le décor, Mahamoudou Sanou, caporal à l’époque, aujourd’hui admis à la retraite avec le grade de sergent, veuf est père de six enfants. Selon son récit, il n’a pas rassemblé tout de suite ses hommes, mais s’est rendu au restaurant proche de l’aéroport, c’est en quittant cet endroit qu’il a entendu les tirs. « Je me suis dirigé au Conseil de l’entente et j’ai vu le soldat Tondé Nandegma à terre avec une arme. J’ai vu Yacinthe Kafando et Otis « Ouédraogo Arzouma ». Je me suis dirigé vers eux, mais eux, ils reculaient. J’ai fait demi-tour, rassemblé mes hommes pour revenir. Puis, j’ai appris la mort du président. Le lendemain, on nous rassemblé et nous sommes allés à la FIMATS, c’était pour les abattre. Mais arrivés là-bas, ils n’étaient pas en position de combat. On est rentré par le mur, et nous sommes restés pour faire d’autres missions, après je suis retourné à mon poste ». Tel est le témoignage du caporal Mahamoudou Sanou, à l’époque des faits.
Emile Nacoulma, garde rapprochée de Thomas Sankara
« J’ai levé mes yeux le regarder, Thomas Sankara a tourné son regard »
Emile Nacoulma, le 62 e témoin, 67 ans, père de cinq enfants était sergent-chef à l’époque de Thomas Sankara. « J’étais le chef de la 1e section au niveau du palais et chef du premier groupe de sécurité rapprochée de Thomas Sankara ». Le début de son témoignage est marqué par ses mains qui tremblent derrière son dos. Une impression de colère. Mais aussi une apparente envie de tout dire, et dire tout à la fois. Mais il s’efforce de narrer : « J’ai remplacé mon camarade le 14 Octobre matin à 7h et j’ai passé la journée et la nuit du 14 avec le camarade Thomas Sankara, jusqu’au 15 matin, et, j’ai passé les consignes à Idrissa So et Laurent Ilboudo. Durant la nuit du 14 octobre, j’ai discuté avec le camarade Thomas Sankara. Je lui ai demandé, s’il était au courant de ce qui se disait. Il m’a répondu qu’il entend, qu’il est capable de les neutraliser, mais qu’il ne veut pas que le sang coule, et que si le sang doit couler, que cela coule de la présidence vers le conseil.
En partant, je lui ai conseillé qu’il serait mieux qu’il ne reste pas à la maison. Mais, il m’a répondu qu’il n’est pas d’accord. Là, je me suis rappelé de ce qui s’était passé à Bobo, et je lui ai dit que c’était la même chose qu’il avait faite et qu’il a été arrêté. Il m’a répondu qu’on ne meurt qu’une seule fois. Là, je lui ai demandé, si quel que chose lui arrive qu’est-ce qu’on fait ? il m’a dit de me souvenir de Auguste et Philippe. J’ai levé les yeux pour le regarder, et il n’a pas pu me regarder, il a baissé sa tête et s’est détourné de moi pour la première fois.
Amadou Baba Karambiri, journaliste en 1987
Le 15 octobre au matin, j’étais à la rencontre des gardes rapprochées des deux camps. J’ai proposé qu’on dissolve les deux camps et qu’on les divise par trois et qu’on en fasse des gardes rotatives. La réunion finit, je pars et reviens vers 14h pour le sport. Le président quitte le palais et se dirige par le conseil. Quelques temps après, on entend des tirs. Je tente de joindre par Talkie-Walikie, mais personne ne répond. On n’a forcé d’ouvrir le magasin pour prendre les armes et nous décider d’y aller. C’est là, que j’ai vu le soldat Théodore en pleure disant qu’on avait tuer le camarade président. Je me suis rappelé de ce qu’il m’avait dit de ne pas oublier ses enfants. Avec la voiture ALPHA-romeo blindée, on a envoyé les enfants auprès de Mousbila Sankara qui s’est enfui vers le Ghana. Vers Pô, la voiture est tombée en panne. Nous sommes revenus à Ouagadougou et je suis allé chez un parent, avant de rejoindre le lendemain le conseil. Là Diendéré m’a demandé de rejoindre le conseil. J’ai vu Otis et les autres mordent les doigts de nous avoir pas tué ».
Après son témoignage, le président du Tribunal a suspendu l’audience qui reprendra demain 21 décembre 2021.
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